Patrimoine génétique agricole : De sérieuses menaces

Les ressources génétiques jouent un rôle de plus en plus important dans la sécurité alimentaire et le développement économique au niveau national.

Conscient des risques et des enjeux de la diversité biologique, le gouvernement tunisien a créé une banque de gènes en vue de sauvegarder le patrimoine végétal et animal. En 2003, le ministère de l’Environnement a mis en place une stratégie nationale de biosécurité basée sur trois dimensions: la création de la Commission nationale de biosécurité (CNB) comprenant des sous-comités, tels que le comité de biovigilance, d’un dispositif de contrôle des OGM/ pathogènes, et l’élaboration de textes de loi pour les OGM (organismes génétiquement modifiés), les pathogènes et leurs toxines, les organismes toxiques et invasifs.
La cour des comptes a procédé, dans un rapport publié en 2016, à l’évaluation du secteur des semences et des plants. Ce rapport fait ressortir une insuffisance quantitative des catégories locales récupérées auprès des banques génétiques étrangères et des organismes nationaux, une absence d’évaluation de la structure chargée du suivi des indicateurs de performance et de contrôle de qualité des semences par les laboratoires certifiés ISO 17025. L’encadrement juridique fait défaut aussi à la production des semences et des plants aussi bien biologiques que génétiquement modifiés.
Le rapport montre aussi que les normes internationales applicables en matière de conservation des ressources génétiques végétales ne sont pas applicables, les opérations d’inventaires ne sont pas périodiquement effectuées, la base de données du patrimoine génétique et la gestion du stock ne sont pas actualisées…
Le modèle de développement de l’agriculture a abouti à l’intensification de l’utilisation des engrais chimiques et surtout des pesticides qui constituent une menace sur la diversité biologique de la faune et de la flore.

Bien public spolié
La Tunisie a réussi à travers la Banque nationale des gènes à récupérer pas moins de six mille gènes de graines spoliées se trouvant dans les banques de gènes étrangères. En l’absence d’un cadre juridique, le phénomène de vol des gènes d’espèces agricoles tunisiennes a permis à n’importe qui, notamment le visiteur étranger, de transporter avec lui les graines de plantes qu’il souhaite, chose qui constitue une menace pour les ressources génétiques locales. «Ce visiteur doit être contrôlé et interdit de transporter des graines tunisiennes à travers les aéroports», précise le directeur de la Banque nationale des gènes.
La gestion du patrimoine génétique tunisien pose trois grands défis : celui de la préservation dite «améliorée» et le risque de piratage des espèces locales, celui de l’amélioration et de l’innovation qui devraient être menées localement à la fois pour défendre le patrimoine génétique et pour l’amener à s’adapter aux nouvelles contraintes économiques et écologiques et enfin celui des OGM, de la transgénèse…
Faut-il rappeler qu’une grande partie de ce patrimoine génétique est en voie de disparition et d’extinction. En effet, les espèces et variétés menacées de disparition dans plusieurs régions sont le mûrier, le figuier et le caroubier de La Manouba, ward Ariana, les gombos de La Marsa, les fraises de Ouchtata, la poire de Ben Hassan (Moknine), l’abricot de Hajeb Laâyoun et Chbika, la pomme de Bouhajla et Chrarda, la pastèque et le melon de Médenine, la pomme de Sbiba, la pastèque de Sidi Bouzid, le caroube de Kalaâ Kbira, la poire de Radès et bien d’autres produits.

Politique des prix peu cohérente
Le circuit de distribution des semences certifiées est assuré essentiellement par les collecteurs de céréales de consommation. Toutefois, les producteurs de semences n’ont pas encore bien entamé une phase de développement de leur propre circuit de commercialisation et de leur technique de marketing permettant de dynamiser le marché.
Dans ce même contexte, la politique des prix demeure encore peu cohérente en rapport avec le développement du marché des semences certifiées de céréales. A ce jour, le ministère de l’Agriculture fixe le prix de vente des semences certifiées commercialisées par deux coopératives à un niveau inférieur aux coûts théoriques de leur production. L’écart est couvert par un budget de subvention visant l’encouragement à l’utilisation des semences certifiées.
Par ailleurs, les semences certifiées produites par les sociétés de multiplication sont vendues à des prix libres, de l’ordre de 15 à 30% par rapport aux prix fixes.

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