35e édition de la Foire Internationale du Livre : Pour un choix réfléchi des jeux éducatifs…

« Je lis pour vivre deux fois ». Un slogan affiché dans les murs du salon qui promeut de belle manière la lecture. La foire internationale du livre de Tunis, qui a débuté le vendredi 05 avril  au parc des expositions du Kram, connaît un succès fulgurant.
Un rendez-vous incontournable pour les amoureux du livre et de la lecture, grands ou petits qui devra durer jusqu’à dimanche.  La journée du mardi 09 avril a enregistré une affluence de 50 000 visiteurs selon les organisateurs de la foire. Un chiffre record par rapport aux éditions précédentes. Les longues files d’attente où on a dû poireauter pendant trente minutes avant d’entrer au salon annoncent la couleur. Les stands proposent des produits différents les uns des autres ce qui peut faire le charme du salon et son enrichissement multiculturel.

Le nombre de langues proposées dans les manuels et didacticiels est un atout de taille. Les divers pays du monde arabo-musulman qui y participent comme l’Iran, le Liban, la Palestine, l’Egypte, le Maroc ou l’Algérie confirment sa portée dans la région méditerranéenne. Les livres ont plusieurs centres d’orientation. Il y a d’abord les mini-romans en langue française qui ont été traduits par des éditeurs tunisiens pour susciter l’intérêt du lecteur et l’encourager à lire sans se ruiner. Il y a de nombreux romans en langue arabe. Comme ceux qui racontent les péripéties des prophètes des différentes religions monothéistes.

Destinés à les familiariser avec les obligations et les commandements de l’islam, des manuels d’éducation islamique d’origine égyptienne suscitent la curiosité des enfants. De façon générale, livres et jeux ont joué de concert sur les étalages de nombreux commerçants pour le plaisir des enfants qui n’en demandaient pas tant. Mais ce sont surtout les jeux éducatifs qui ont intégré massivement le salon du livre parce qu’ils constituent un appui de taille pour l’éducation des enfants en début de parcours scolaire.

 Des jeux à la pelle
Le nombre de jeux qui sont proposés parait inattendu. Que ce soit des jeux culturels, éducatifs ou ludiques, l’embarras du choix est au rendez-vous. Des jeux de société à prix promotionnel se vendent comme des petits pains. Monopoly, jeu de l’oie, Ludo, jeu de dames, échecs, tout y est ou presque. Les prix cassés suscitent l’engouement d’une frange de la clientèle. Le ludo qui est un jeu qui ressemble étrangement au fameux « jeu de chevaux » est vendu à dix-sept dinars au lieu de vingt-cinq. D’autres jeux sont proposés à bas prix comme les incontournables jeux de scrabble ou jeu d’échecs commercialisés à 14 D. Les jeux éducatifs proposés en plusieurs langues ( arabe, français ou anglais) ont inondé de nombreux stands qui ont voulu associer au savoir brut qu’offre le livre, le plaisir d’apprendre en jouant grâce aux jeux éducatifs.

Une vendeuse dans un stand se trouvant à l’entrée du salon confirme l’intérêt de proposer ces jeux aux tout petits et moins petits. Elle affirme sans sourciller : « L’idée est de communiquer le plaisir de jouer, la distraction et le goût du jeu tout en apprenant à joindre l’utile à l’agréable».

Jeux d’éveil et d’apprentissage sous forme de boîtes,  contenant des fiches de jeux insérées et interchangeables, jeux numériques… rien n’est laissé au hasard pour attirer la clientèle des culottes courtes.

Un stand du ministère de l’Education  attire de jeunes écoliers venus en excursion pour découvrir les livres et les jeux éducatifs et les inciter ainsi à la lecture. Mme Lamia Mabrouk présente son tableau tactile numérique qui inclut de nombreux exercices pour tous les âges et les niveaux. Elle explique le fonctionnement : «En partenariat avec le Centre national des technologies en éducation, ce tableau a permis d’innover l’enseignement des cours dans les collèges et lycées pilotes depuis quelque temps. Il permet de faire interagir l’élève qui doit formuler sa réponse en appuyant au moyen du stylet grand format pour valider sa réponse». Une initiative qui veut promouvoir la digitalisation des cours scolaires en Tunisie avec un support technologique qui existe depuis 2009 en concertation avec l’association Edunet.

On a pu remarquer également la présence de nombreux stands égyptiens qui proposent  des réductions intéressantes sur une panoplie de coffrets ludiques et instructifs à la fois. Destinés aux enfants âgés entre trois et six ans et six et douze ans, ces jeux déclinés en trois langues (arabe, français ou anglais) permettent l’éveil aux langues dès le plus jeune âge. Un autre type de jeu présent dans les rayons attire tout particulièrement l’attention. Il s’agit d’un jeu de société qui proposerait une version « islamisée » du « monopoly » en traitant de la question du partage dans l’héritage.

Chercherait-on à véhiculer une vision rigoriste et traditionaliste de l’islam dès le plus jeune âge ? Il y a lieu de souligner que des contes pour enfants sur le jihad islamique ont déjà été aperçus dans des éditions précédentes. L’année dernière, ils ont été retirés des rayons suite aux doléances et critiques des internautes.

L’avis d’un psychopédagogue devient nécessaire pour comprendre dans quelle mesure l’endoctrinement des jeunes peut se matérialiser à travers les jeux éducatifs et les livres, contes, bandes dessinées et publications destinés aux enfants.

Dr Noureddine Haddaoui, qui étudie les processus d’intégration des enfants en milieu scolaire, est tout indiqué pour nous éclairer sur cette question. Il en appelle à la vigilance des parents qui sont les premiers éducateurs. Selon notre interlocuteur, le dogmatisme qui éduque par la pensée unique peut constituer un frein au savoir et à l’enrichissement culturel de l’enfant et  le plonger dans l’obscurantisme des années plus tard. Dr Haddaoui avertit encore : « Les parents doivent être responsables de leur choix car ils peuvent se rendre complices de l’orientation  idéologique et culturelle de leur progéniture».

Les institutions de l’Etat doivent contribuer à la préservation et la transmission des valeurs de l’école de la République. Il faut sortir du laxisme qui prévaut pour ne pas sombrer dans l’extrémisme qui peut nuire à l’épanouissement culturel de l’enfant. Les codes religieux illustrés dans certains manuels propagent et consacrent les valeurs de la pensée unique. La responsabilité des parents est considérable. Dr Haddaoui s’inquiète de la montée de diverses formes d’extrémisme partout dans le monde qu’il soit ultra-libéral, pro-nationaliste ou religieux. « Il y a une perte des valeurs et une déshumanisation de la société. On doit veiller à ce que notre pays, terre d’accueil de nombreuses civilisations qui ont foulé son sol, ne tombe pas dans ce travers».

Mohamed Salem KECHICHE

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