Réunion préparatoire du 4e Congrès international sur l’enfance (Tunis 2020) : Pour des recommandations mesurables et quantifiables

Le Conseil de l’Europe, qui a toujours défendu les droits de l’enfance, continuera de soutenir la Tunisie mais en appelle au secteur privé à se joindre à leurs actions dans l’organisation et le financement.

Une réunion de travail s’est tenue hier matin au siège du Mffep ayant réuni plusieurs partenaires tunisiens et internationaux qui touchent de près ou de loin le domaine de l’enfance. Madame la ministre, Néziha Laâbidi, a convié spécialement la présidente de la République de Malte jusqu’en avril 2019, Marie-Louise Coleiro Preca, qui a relevé les débats.
Le congrès mondial sur l’enfance sans châtiments corporels se tiendra à une date qui reste à déterminer « probablement entre avril et mai 2020 et avant le déroulement des examens scolaires ». Elle estime qu’il y aura entre 400 et 500 participants parmi les personnalités politiques et ministres des différents Etats concernés. Il aura vraisemblablement lieu au Palais des Congrès. Le Croissant rouge tunisien, l’Unicef et bien d’autres organismes se sont joints à l’appel des autorités tunisiennes pour soutenir leur programme de lutte contre la violence faite aux enfants et en particulier l’interdiction des châtiments corporels en milieu scolaire ou au foyer familial. Labidi résume l’enjeu principal du prochain congrès : «Il s’agit de ressortir trois ou cinq recommandations tout au plus et non pas une vingtaine qui seraient du domaine de l’illusoire. Il faut des recommandations qui soient mesurables et quantifiables».
Cette remarque est une réponse aux exigences de la partie européenne de ressortir du congrès avec une orientation claire et de vraies recommandations applicables sur le terrain au point qu’ils promettent de suivre concrètement l’évolution des choses. Après trente ans de conventions ratifiées dans le dossier de l’enfance par la Tunisie, de nouveaux dangers guettent et menacent l’enfance aujourd’hui et demain. Elle relève que les épisodes qui ont suivi l’avènement du printemps arabe en 2011 en Tunisie, Libye ou Syrie ont fragilisé l’enfant «qui n’a plus ni père, ni mère, ni patrie». Lâabidi stigmatise la violence sexuelle et le châtiment de l’éducateur parental car selon elle « qui aime bien, ne châtie plus ».
Pour rejoindre son discours, Preca préconise un changement des mentalités en Tunisie. Lorsqu’on lui demande de quelle manière l’expérience maltaise dans le domaine de l’enfance peut-elle bénéficier à la Tunisie malgré la différence de taille entre les deux pays voisins géographiquement mais différents en termes de population et de culture, elle se livre à La Presse par ces propos : « Le partage d’expériences et de cultures entre les deux rives de la Méditerranée qui permette d’apprendre ensemble est un enrichissement naturel en soi. Je crois en la capacité de l’humanité à relever ces défis sociaux. Cela ne vaut pas seulement pour la Tunisie mais pour de nombreux pays du globe terrestre. Il faut rester déterminés et s’encourager les uns les autres pour arriver à atteindre les objectifs». Une déclaration pleine d’espoir et qui laisse songeur quant à la capacité de la Tunisie nouvelle à relever les défis du millénaire. On espère que le prochain gouvernement continuera de tabler sur les ateliers scientifiques qui concernent la préservation des droits de l’enfant de la première importance. Pour soutenir la lutte contre les châtiments corporels, un sit web en plusieurs langues sera mis en place à travers une plateforme destinée aux cinq continents. Un accomplissement technologique qui pourra mettre en relief les points communs entre les différents pays en faveur des droits de l’enfant.
 
Une dénonciation plus grande et efficace
«Quelque 17 mille signalements relatifs à la violence à l’égard des enfants, essentiellement en milieu familial, ont été enregistrés en 2019 contre 5 000 signalements en 2015», a souligné Néziha Laabidi, ministre de la femme, de la famille, de l’enfance et des personnes âgées.
Dans une déclaration aux médias en marge de la tenue au siège du ministère à Tunis d’une réunion avec Marie-Louise Coleiro Preca, actuellement présidente d’Eurochild, ainsi que des bailleurs de fonds qui contribueront au financement de la quatrième conférence mondiale de haut niveau de l’interdiction universelle des châtiments corporels prévue en Tunisie en 2020, Laabidi a précisé que l’augmentation du nombre de signalements est révélateur de la prise de conscience par les citoyens de la nécessité de dénoncer les auteurs de violence à l’égard des enfants afin qu’ils soient condamnés et jugés pour leurs actes.
« La dénonciation des coupables est un outil important pour lutter contre la violence et protéger le droit des enfants à une vie digne et décente», a-t-elle souligné, ajoutant que le ministère assure également l’assistance des enfants victimes de violence ou en danger.
En effet, selon l’enquête par grappes à indicateurs multiples (MICS6-Tunisie/2018/2019), 88,1% des enfants âgés de 1 à 14 ans ont subi une méthode de discipline violente et 48,9% ont subi des punitions physiques. Dans ce contexte, Laabidi a rappelé que la Tunisie a déposé le 15 octobre dernier le document de son adhésion à la convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, signalant qu’elle est devenue ainsi le premier pays arabe et musulman à avoir signé une telle convention visant à préserver les droits des enfants.
D’autres experts comme ceux du Croissant rouge tunisien appellent à œuvrer afin de rendre le sourire aux enfants, celui qu’ils pourront exhiber avec joie. Le soutien psychologique est important également pour réparer les dégâts de la violence faite aux enfants qui souffrent le martyre « en allant à l’école placée à des dizaines de kilomètres de leur domicile le ventre creux ».
Mme Laabidi a fourni d’autres chiffres qui ont fait le succès de son mandat à la tête du ministère. On a créé 14 000 emplois directs et indirects, 4 500 projets, « En 2016, 850 enfants ont été accompagnés et pris en charge car ils étaient sans soutien scolaire. Ce nombre est passé à 8 000 enfants en 2019 et va se porter à 10 000 lors de cet exercice scolaire 2019-2020».
 
Interdiction universelle des châtiments corporels
Une note conceptuelle préliminaire sur la prochaine conférence mondiale de haut niveau sur l’interdiction universelle des châtiments corporels a été remise à l’assistance. Elle rappelle le cadre général de la conférence, les objectifs généraux et spécifiques. D’autre informations relatives aux participants et à l’organisation ont été précisées dans la brochure. La conférence vise à mettre l’accent sur la criminalisation de la violence physique contre les enfants et à promouvoir leur rôle dans la lutte contre le châtiment corporel considéré par le code pénal (article 319) comme une infraction pénale et une violence punissable par la loi.
Il s’agit en outre de promouvoir les bonnes pratiques et d’assurer une large sensibilisation pour les droits fondamentaux des enfants et le respect de leur dignité et leur intégrité physique.
Parmi les autres objectifs spécifiques de cette conférence, la promotion des formes positives, non violentes d’éducation des enfants et de résolution des conflits auprès des futurs parents.
Les travaux de la conférence se dérouleront sous forme de plénières et d’ateliers participatifs et seront axés sur quatre thématiques, à savoir le cadre réglementaire de référence (expériences comparées), les mécanismes et outils de criminalisation de la violence contre les enfants, la prévention contre le châtiment corporel (interventions des structures gouvernementales et de la société civile) et le rôle des enfants et des parents dans l’élimination du châtiment corporel.
Pour sa part, Marie-Louise Coleiro Preca s’est félicitée de l’engagement de la Tunisie à préserver et à garantir les droits des enfants et à lutter contre la violence à leur égard sous toutes ses formes.
Il faut savoir que la première conférence mondiale de haut niveau sur l’interdiction des châtiments corporels a eu lieu à l’initiative de la Suède en 2014. La deuxième a été organisée en Autriche en 2016 et la troisième s’est tenue à Malte en 2018.
Voici venue l’heure de la Tunisie d’être au rendez-vous avec l’histoire.

Laisser un commentaire