Hommage – A l’occasion de l’inauguration du boulevard du grand leader Tahar Ben Ammar, Carthage-La Marsa : L’homme à la signature immortelle (III)

Homme de principes, imbu de hautes valeurs humaines universelles, Tahar Ben Ammar a servi la cause nationale avant même la naissance du mouvement national, dont il a été l’un des fondateurs en 1920, aux côtés de ses mentors dont l’illustre Cheikh Abdelaziz Thaâlbi. Il restera à jamais vivant dans notre mémoire collective pour avoir été celui qui a signé, le 20 mars 1956, les protocoles grâce auxquels la France avait reconnu l’indépendance de la Tunisie, après 75 années d’occupation.
Militantisme désintéressé et engagement responsable pour le bien du pays. Voilà comment l’on pourrait résumer l’œuvre et l’immense apport du grand leader Tahar Ben Ammar (1889-1985), tout au long de près d’un demi-siècle de lutte et d’abnégation.
Ainsi et sans jamais abandonner ses responsabilités, financières et techniques au sein d’une famille de riches propriétaires agricoles, notre leader a pris part à toutes les étapes du processus de libération nationale, puis à l’action fondatrice de l’Etat tunisien moderne (voir nos deux précédentes éditions).
Il livrera, de ce fait, un vrai combat pour freiner le processus de colonisation des terres par l’occupant, pour faire évoluer l’agriculture tunisienne et pour soustraire les paysans tunisiens de la misère. Il le fera en tant que président de la Chambre tunisienne d’agriculture et aussi comme président de la section tunisienne du Grand conseil (Instance consultative, fondée en 1922).
Ben Ammar ayant choisi de militer au sein de structures de la société civile ainsi qu’au sein d’institutions officielles jugeant qu’il est vital pour les patriotes d’occuper le terrain, de lutter pour améliorer les conditions de vie des Tunisiens et d’avancer par étapes vers la libération du pays du joug de la colonisation.

Une présence décisive au sein du Grand conseil
Au sein de cette institution, son action ne se limitera pas à défendre les intérêts des agriculteurs tunisiens. Membre (à partir de 1928), puis rapporteur, ensuite président de la commission financière et enfin président de sa section tunisienne pendant huit bonnes années, soit 23 ans de lutte pour faire entendre la voix de la Tunisie à propos de toutes les causes ayant trait au présent et à l’avenir du pays.
L’un de ses innombrables mérites a été aussi et surtout de réussir (à partir du milieu des années 1920 et jusqu’au milieu des années 1930), en collaboration avec les différentes composantes du mouvement national, à contrecarrer les projets des prépondérants français qui œuvraient sans relâche en faveur de l’annexion pure et simple de la Tunisie par la France.
En 1933, il a même réussi à convaincre ses pairs d’arrêter la coopération avec les autorités coloniales en Tunisie et de rejeter le projet du budget de l’Etat tunisien, ce qu’ils feront à l’unanimité (action qui se répètera, ultérieurement plusieurs fois)
A l’occasion des fameux événements d’avril 1938, Ben Ammar et ses équipiers uniront leurs voix, au sein du Grand conseil, à celle de l’ensemble du peuple tunisien qui, en investissant la rue et en offrant son sang pour la patrie, réclamait de profondes réformes politiques, dont un parlement tunisien élu et un gouvernement national tunisien.
Après la fin de la présence allemande en Tunisie au cours de la Seconde Guerre mondiale, Ben Ammar aura un long entretien avec le général De Gaulle, chef de «La France libre», le 26 juin 1943, à Tunis. Entretien au cours duquel il expliquera au général que la destitution du roi Moncef 1er était une grande erreur. Il intercédera aussi auprès du chef des Français en faveur des Tunisiens condamnés à mort pour collaboration avec les nazis et ces derniers auront la vie sauve.
Ben Ammar rencontrera encore le général à deux reprises. La première à Alger, en novembre 1943 au cours de laquelle il réussira à convaincre le général de lancer une nouvelle politique française en Tunisie qui devrait lui permettre de s’autogérer. Ce dernier donnera ses consignes pour que cette revendication devienne une réalité.
La seconde en mai 1944, à Tunis, au cours de laquelle Ben Ammar prononcera un discours grâce auquel il insistera sur la nécessité de donner à la Tunisie la possibilité de devenir une démocratie constitutionnelle. Sachant que les consignes citées plus haut sont restées lettre morte à cause de la pression exercée par les prépondérants sur le résident général.
Mettant toujours la pression sur les autorités coloniales en Tunisie, Ben Ammar continuera à dénoncer les injustices qu’elles ne cessaient de commettre et à proposer de nouvelles réformes en faveur des Tunisiens.
Son voyage à Paris, en mai 1950, à la tête d’une délégation de la section tunisienne du Grand conseil lui permettra de rencontrer le président de la République française ainsi que le chef du gouvernement français et de leur remettre la liste des doléances tunisiennes.

A la tête du Front national tunisien
Entre-temps, Ben Ammar avait réussi en février 1944, sur les conseils du cheikh Thaalbi (ce dernier décèdera le 1er octobre de la même année) à réunir autour de lui les dirigeants des différents partis politiques tunisiens (le Néo-Destour, représenté par le leader Habib Bourguiba, l’Archéo-Destour, ainsi que le parti réformiste) et à fonder une instance qui sera nommée «Front national». Celle-ci vivra jusqu’en 1954.
Sollicité quelques jours plus tard pour prendre la tête d’un gouvernement qu’il devait former, Ben Ammar déclinera l’offre et se consacrera à ses responsabilités à la tête du Front. Instance qui s’ouvrira à d’autres mouvances et structures nationales et comprendra, parmi ses membres, des Tunisiens juifs et aussi le Cheikh Mohamed el Fadhel Ben Achour.
Après de profondes concertations conduites par Ben Ammar, le Front réclamera, en novembre 1944, la proclamation de la Tunisie monarchie constitutionnelle puis en février 1946 demandera à la France d’accorder à la Tunisie son autonomie interne à ladite monarchie.
Doléances qui seront formulées dans un manifeste. Celui-ci sera publié dans les journaux et envoyé à tous les partis politiques français. Le document sera bien accueilli par les différentes couches du peuple tunisien et par tous ceux, parmi les Français et autres occidentaux, qui soutenaient la cause tunisienne.
Ainsi, Cheikh Ben Achour, et Cheikh Chedly Belkadhi seront chargés, en excellents orateurs, de sillonner le pays, en long et en large, pour expliquer à leurs compatriotes le bien-fondé desdites doléances et leur portée.
Le Front soutiendra en août 1950 le nouveau Gouvernement qui venait d’être formé par M’hamed Chenik (le second après celui qu’il avait dirigé, en 1943, sous le règne de Moncef 1er). Il fera de même pour les revendications que ledit gouvernement adressera, en octobre 1951, à son homologue français.
Revendications qui seront rejetées par le gouvernement français, ce qui poussera le gouvernement tunisien, soutenu par le Front national, de décider de saisir les Nations unies sur cette question-là. Un soutien devenu encore plus fort grâce à l’appui de plusieurs leaders dont Bourguiba, Ben Youssef et Ben Ammar.
Ce dernier convaincra Chenik de convier les dirigeants des organisations nationales, dont le leader Farhat Hached, ainsi que les représentants des savants de la Zitouna. Ce qu’il fera et toute cette illustre assemblée appuiera ladite requête.
(A suivre)

Par Foued ALLANI

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