Personnalité-Mémoires et lettres de noblesse d’un champion hors-pair en culturisme : Raouf Masri : Le bien-aimé de Chirac and Co, le mal-aimé de ses compatriotes

Après soixante années de carrière faites de sacrifices, d’abnégation et de don de soi, Raouf Masri se dit rongé par les remords et les regrets. Ceux qui traduisent un manque de reconnaissance de ses compatriotes qui ont la mémoire courte ou occulte en faisant fi de « rendre à César ce qui est à César ». La Tunisie a oublié de lui rendre un dernier hommage alors même qu’il vit parmi nous, dans son pays natal. Notre sieur s’est dévoué à maintes reprises par le passé pour sa mère patrie, la Tunisie, dans un élan de cœur spontané comme lorsqu’il avait plaidé en faveur de la libération d’un ancien champion de boxe tunisien, le dénommé Belkhir. Ce dernier avait alors bénéficié d’une grâce présidentielle en France à l’occasion de la célébration du 14-Juillet bien qu’il purgeait encore sa peine de prison. Depuis lors, Masri, qui avait joué le rôle de sauveur notamment avec l’image dorée qu’il renvoyait de la Tunisie, a été tourné en disgrâce par son compère du ring. Son pays natal semble l’avoir « jeté aux oubliettes ».
Alors qu’en retour, il ne l’a pas seulement porté dans le cœur, mais aidé et servi à bras-le-corps même s’il jouait pour d’autres couleurs : bleu, blanc, rouge. Le voilà en quelque sorte un peu oublié par l’histoire locale. Il s’agit ici de réparer les oublis de l’histoire pour rendre hommage et tout l’honneur à cet homme si affable et humble quand on l’aborde. Un homme chargé d’aventures et rempli de belles histoires et d’anecdotes. Il constitue une véritable richesse par ses trésors d’histoires pour le pays, lui qui a choisi de rentrer au bercail après de longues années d’exil doré.
Dans sa riche et passionnante carrière sportive, il aura tout entrepris: boxe, bodybuilding, mais encore cascades pour le cinéma car il aimait mêler le corps et l’esprit dans tout ce qu’il entreprenait.

Un carnet d’adresses prestigieux
Son parcours atypique dans le culturisme lui a valu ses plus belles lettres de noblesse. La reconnaissance internationale des plus grandes personnalités du cinéma, du monde politique ou du show business et bien plus encore. L’acteur français Jean-Paul Belmondo, le prince Albert de Monaco ou encore Arnold Schwarzenegger, alias Terminator, sont tous tombés sous le charme de ce Tunisien pas comme les autres.  Il a côtoyé de très près Jean-Louis Debré, ancien ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac ou Alain Juppé, lorsqu’il était maire de Bordeaux. Mais le plus fort, le plus beau des amis de Masri n’était autre que le défunt Jacques Chirac qui n’a eu de cesse de le féliciter pour l’image valorisante qu’il donne des Maghrébins et pour la Tunisie bourguibienne. Masri se dit un d’esprit bourguibiste pur et dur qu’il en est arrivé à émouvoir Bourguiba en personne du temps de son règne. Quand on connaît l’image que renvoyait notre leader national Habib Bourguiba aux Français et au monde, on ne peut qu’admirer ceux qui l’ont côtoyé de près. Masri a fréquenté les plus grandes personnalités du monde: de Mouammar Kaddafi, ex-président de la Libye à Yasser Arafat, ancien chef de l’Organisation pour la Libération de la Palestine, en passant par Jacques Chirac, il a su déployer ses ailes au-delà de ses compétences sportives. Un jour, durant les années 1980 à Lille lors d’une soirée mémorable de bodybuilding devant six mille spectateurs, il a porté haut l’étendard palestinien pour accompagner l’affirmation du sport en Palestine. Des gestes symboliques qui lui ont valu sa grande notoriété au point que des dirigeants étrangers au monde arabe sont intervenus favorablement pour la cause palestinienne. Jacques Chirac en faisait partie.

L’idole de Chirac !
Et dire que Chirac en personne l’admirait grandement quand les Tunisiens l’ignorent encore aujourd’hui ! De belles correspondances ont gravé dans la roche leur relation qui dépasse le cadre de l’amitié. Une lettre datant du 18 avril 1995 marque la l’estime mutuelle que se vouent les deux hommes. A quelques jours du scrutin présidentiel en France qui opposait la gauche jospiniste et la droite chiraquienne, M. Masri a eu la délicatesse d’offrir un présent au futur président français qui succédait alors à quatorze ans de règne de François Mitterrand, Jacques Chirac. On retranscrit un extrait d’une lettre de remerciements de Chirac envers M. Masri : « A l’approche de l’élection présidentielle en France, vous avez bien voulu m’adresser un souvenir gravé à mon nom, comme témoignage de votre soutien et de votre sympathie. Je tiens à vous exprimer tous mes remerciements pour cette attention à laquelle j’ai été très sensible». Ce sont pratiquement dans les mêmes termes et propos qu’il remerciait Masri un an auparavant pour son geste attentionné sous forme d’un prestigieux paquet de dattes en cadeau et «  de produits de votre beau pays ». Le défunt président français est un personnage admiré par les nations arabes pour ses causes nobles et justes durant douze ans de mandat de 1995 à 2007. C’est que Masri a suscité l’admiration pour ses exploits sur le plan sportif et extra-sportif. Il développe : « Durant les compétitions, j’ai joué sous le drapeau de la France, dont quatre années aux concours par équipes. Je disposais d’une licence française même si je n’avais pas la nationalité. La Fédération mondiale de culturisme m’a convié pour me récompenser en 2005 à Las Palmas (archipel d’Espagne) pour l’ensemble de mon œuvre. C’est avant tout un grand honneur pour toute la Tunisie. Les titres acquis ont joué un rôle positif dans les relations avec les personnalités politiques françaises». L’hommage appuyé d’Alain Juppé reste une autre source de fierté. L’ancien maire de Bordeaux et dirigeant de l’UMP lui disait : « Vous êtes un ambassadeur sans portefeuille pour la Tunisie». A partir de 1989, la relation entre Raouf Masri et Jacques Chirac avait dépassé le cadre sportif. Il s’est mis à s’entraîner avec Chirac pour des exercices de musculation dans les Pyrénées, montagnes rocheuses françaises aux côtés de Jean-Paul Belmondo ou encore Pierre Mauroy, ancien maire de Lille. Le prince Albert de Monaco, particulièrement passionné de sport, lui avait même un jour envoyé une photo dédicacée pour le féliciter de ses accomplissements sportifs, c’est tout dire ! L’acteur américain Arnold Schwarzenegger était son « ami intime », dit-il. Une photo souvenir de Mexico au Mexique est restée dans les albums de Masri.
On se rend compte de la grandeur et de la noblesse du personnage qui souffre toutefois du manque de reconnaissance de son pays d’origine dans lequel il se sent vivre en incognito.
Les anciennes personnalités politiques tunisiennes Foued Mbazaa, ancien ministre des sports durant les années 1980, et Raouf Najjar, ministre des Sports en 2005, sont les seules qui bénéficient encore aujourd’hui d’une marque de gratitude de Raouf Masri.  Pour les successeurs qui ont occupé depuis lors les ministères du sport tunisien, on apprend que c’est le « grand désert » où rien n’est fait pour rendre sa gloire à Raouf Masri.

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