Le cas glyphosate !

Alors que le glyphosate serait cancérigène, plus de 25 produits phytosanitaires à base de cette substance sont commercialisés par des sociétés opérant sur tout le territoire tunisien.

Herbicide toxique pour l’Homme, le glyphosate est classé depuis le 20 mars 2015 comme «probablement cancérogène» par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). Cette agence relevant de l’OMS précise que ce classement est uniquement une estimation du danger; et que l’estimation du risque pour la population générale est du ressort des agences de sécurité sanitaire. En dépit de ce fait, il est l’un des produits phytosanitaires les plus utilisés dans le monde et en Tunisie. En France, ce pesticide est strictement interdit à la vente et à l’utilisation des particuliers depuis 2018, alors que d’autres pays, l’ont carrément prohibé.

Selon nos informations, plus de 25 produits phytosanitaires à base de glyphosate sont commercialisés par des sociétés opérant sur le territoire tunisien.

Les opposants au glyphosate lui prêtent, par ailleurs, des effets néfastes sur l’environnement, notamment sur certains insectes, et de façon indirecte sur les oiseaux qui s’en nourrissent, ainsi que sur la santé des personnes exposées aux pulvérisations. Aux Etats-Unis, au terme d’un mois de procès, le jury de San Francisco a déclaré que l’herbicide était responsable du cancer de Erwin Hardeman, un retraité américain âgé de 70 ans. Bayer AG, la société pharmaceutique allemande produisant cette substance, devra verser une indemnité de 80 millions de dollars à la famille de la victime.

Un mal nécessaire
Compte tenu de ces données inquiétantes que nous avons pu découvrir sur la réalité de l’usage des pesticides en Tunisie, nous nous sommes dirigés, dans le cadre de notre enquête, vers la direction générale de la Santé végétale et du contrôle des intrants agricoles au sein du ministère de l’Agriculture, étant le principal acteur du contrôle des pesticides en Tunisie.

Du côté de ce département, qui monopolise le contrôle de ces substances phytosanitaires dans le domaine agricole, le constat est sans appel : d’énormes dépassements et un manque de contrôle ont été relevés.

Adel Jemmazi, sous-directeur la direction générale de la Santé végétale et du contrôle des intrants agricoles au sein du ministère de l’Agriculture a reconnu, dans ce sens, que des dépassements sont relevés, notamment au niveau des points de vente de ces produits. Ceci, explique-t-il, est dû au manque de moyens du ministère qui ne peut pas tout contrôler, même si des opérations de contrôle se font régulièrement dans les points de vente. «Le cadre juridique ne pose aucun problème notamment au niveau de l’importation et des sociétés agréées, mais c’est surtout les dépassements dans les points de vente, notamment la contrebande, et les produits contrefaits et le trucage de l’étiquetage qui posent problème», a-t-il expliqué.

Le responsable a, d’autre part, affirmé que la Tunisie s’oriente vers la réduction du nombre de pesticides utilisés à travers la multiplication des normes d’homologation. Actuellement «seulement 600 produits phytosanitaires sont utilisés en Tunisie contre 1.400, il y a plusieurs années».

Questionnée sur l’utilisation en Tunisie de pesticides prohibés par l’Union européenne, la direction générale de la Santé végétale et du contrôle des intrants agricoles nous a affirmé qu’elle est consciente de ce fait et de leurs effets négatifs sur la biodiversité et la santé humaine, «mais malheureusement, c’est un mal nécessaire, vu leur efficacité sur les grandes cultures en matière de lutte contre les épidémies».

Et de poursuivre : «Nous nous orientons et encourageons les méthodes alternatives, comme les luttes biologique, physique et génétique pour réduire la présence des résidus de pesticides dans les produits alimentaires».

Cette enquête réalisée pendant trois mois montre comment les pesticides à usage agricole constituent une réelle menace à la sécurité alimentaire et environnementale et à la biodiversité, en dépit d’un cadre juridique assez performant. Elle se veut un signal d’alarme adressée aux autorités, à la communauté scientifique et à la société civile en vue de braquer les projecteurs sur la réalité désolante de ces produits toxiques utilisés de façon excessive en Tunisie.

K.J.

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