Ennahdha et au cœur de la tunisie, la main dans la main : Le consensus «inévitable»


Avec 123 voix en sa faveur, Rached Ghannouchi est élu président de l’Assemblée des représentants du peuple pour les cinq prochaines années, avec le soutien du parti Au Cœur de la Tunisie. En contrepartie, Samira Chaouachi sera élue au poste de première vice-présidente du Parlement.


Les nouveaux députés dont seulement 26% sont des femmes, fraîchement élus, ont pris officiellement leurs fonctions pour représenter le peuple tunisien au palais du Bardo. Contrairement aux discours sur la jeunesse, le Parlement, dans sa version 2019-2024 n’est pas très jeune. Une cinquantaine de députés seulement, sur un total de 2017, sont âgés entre 23 et 39 ans. Parmi ces jeunes, Meriem Ben Belgacem (Ennahdha) et Abdelhamid Marzouki (Qalb Tounès) ont pris place comme vice-présidents, aux côtés du doyen de l’assemblée, Rached Ghannouchi, conformément au règlement intérieur de l’ARP, pour présider la séance plénière inaugurale.
Une séance inaugurale marquée par un premier accrochage verbal entre le président de la séance, Rached Ghannouchi, et la présidente du Parti destourien libre, Abir Moussi. En effet, au moment du serment solennel, la députée a contesté la décision selon laquelle les députés doivent prêter collectivement serment. Elle a estimé que la procédure, prévue par le règlement intérieur, est contraire aux dispositions de l’article 58 de la Constitution qui dispose que “chaque membre de l’Assemblée des représentants du peuple prête, lors de la prise de ses fonctions, serment”. “Le serment est individuel”, a-t-elle précisé. Ignorant complètement sa demande d’un “point d’ordre”, Rached Ghannouchi a entamé la cérémonie du serment au milieu d’une protestation générale des élus du PDL qui n’ont finalement pas prêté serment.
“Celles et ceux qui ne prêtent pas serment ne pourront pas se porter candidats”, a prévenu dans la foulée Rached Ghannouchi. Finalement, après une suspension de la séance, les députés du PDL, ainsi que les autres députés qui n’étaient pas présents, ont pu prêter serment.
Cet épisode en tout cas annonce la couleur et augure un Parlement où les coups “d’éclat” seront légion.

Présidence du Parlement
Jusqu’à hier matin, la candidature de Rached Ghannouchi à la présidence du Parlement semblait mise à mal, notamment par le refus d’Al-Tayar et Al-Chaâb de lui accorder leurs voix, ainsi que par la candidature de Ridha Charfeddine (Qalb Tounès). Mais c’était sans compter avec les manœuvres, tactiques et les amitiés improbables qui se forment lorsqu’il s’agit d’intérêts. Ainsi, contre toute attente, le porte-parole et député de Qalb Tounès, Hatem Mliki, annonce un vote probable en faveur de Rached Ghannouchi. Dans ce cas de figure, le président fondateur d’Ennahdha s’assurerait la présidence du Parlement, avec le soutien d’Al-Karama, Qalb Tounès et du nouveau bloc parlementaire non officiel baptisé “La réforme nationale”. Désigné par son parti pour se porter candidat à la présidence, Ridha Charfeddine s’est donc désisté en faveur du “Cheikh”, en échange de la première vice-présidence à laquelle se présentera Samira Chaouachi. Dans cet accord, la coalition Al-Karama hériterait de la deuxième vice-présidence, en la personne de Yosri Dali.
«Il n’est pas possible que le deuxième parti du Parlement ne soit pas représenté à la présidence ou à la vice-présidence», a précisé Hatem Mliki à La Presse. « Nous ferons en sorte qu’il n’y ait aucun blocage de l’action parlementaire ».
Des manœuvres politiques que dénoncent les deux blocs alliés, Al-Tayar et Al-Chaâb, qui ont décidé de soutenir la candidature de Ghazi Chaouachi (Al-Tayar) à la présidence, Abderrazak Aouidat et Leila Haddad (Al-Chaâb) pour les deux vice-présidences.
“Nous ne sommes pas concernés par ces tractations politiciennes, a affirmé le député d’Al-Chaâb Zouhaier Maghzaoui. Vous voyez bien qu’après avoir été traités de tous les noms, Qalb Tounes et Ennahdha pactisent ensemble. Nous, nous avons choisi la voie de la transparence et de l’intégrité”. De son côté, Sofiene Makhloufi (Al-Tayar) a ajouté, en réponse à une question d’un journaliste, que si jamais Qalb Tounès était concerné par la formation du gouvernement, les négociations seraient définitivement rompues.
Pour sa part, Abir Moussi (PDL) fait cavalier seul et présente aussi sa candidature. Même chose du côté de Tahya Tounès, qui a présenté la candidature de Marouene Felfel au même poste, bien que leur victoire soit très peu probable.
Peu avant 18 heures, la jeune présidente de la séance, Meriem Ben Belgacem, annonce les résultats du vote secret. Rached Ghannouchi est élu président de l’ARP avec 123 voix, contre 45 voix pour Ghazi Chaouachi, 21 voix pour Abir Moussi et 18 voix pour Marouene Felfel.
Abderrazak Aouidat (mouvement Al-Chaâb) et Samira Chaouachi (Qalb Tounes) sont candidats au poste de premier vice-président, tandis que Yosri Dali (Al-Karama),Tarek Ftiti (Réforme nationale) et Leila Haddad sont candidats au poste de deuxième vice-président.

Formation du gouvernement
La question de la formation du gouvernement est la plus gênante. Si Al-Tayar et Al-Chaâb ont adopté des postures très claires hostiles à toute alliance avec Qalb Tounès, du côté d’Ennahdha et de Qalb Tounès, les réponses sont évasives. “Je ne peux pas répondre à cette question, nous répond Noureddine Bhiri du parti Ennahdha. Nous sommes concentrés sur l’élection du président de l’ARP et des vice-présidents“. Pour sa part, le député Oussema Khlifi (Qalb Tounès) estime qu’à ce stade, tout est possible. “Nous sommes en pourparlers avec Ennahdha et nous ferons tout ce qui est dans l’intérêt de la Tunisie”, a-t-il déclaré à La Presse.
Yassine Ayari, député de Amal Tounès, ne s’étonne pas. “C’était prévisible, nous dit-il. Tout ce qui s’est passé avant, c’est de la politique politicienne”.
La Coalition Al-Karama, principal soutien du parti Ennahdha, est lui aussi resté très évasif, ne pouvant assumer, devant son électorat, un quelconque rapprochement avec Qalb Tounès. “Tous nos pourparlers et nos négociations se déroulent avec le parti Ennahdha et personne d’autre”.
Rappelons qu’Ennahdha peine à rassembler les partis politiques autour d’un projet pour la formation du gouvernement. Devant l’attachement d’Al-Tayar et du Mouvement Al-Chaâb à leurs conditions, Ennahdha pourrait se retrouver contraint de trouver un accord avec Qalb Tounès

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