Chômage et modèle économique : Un problème structurel


Le marché de l’emploi en Tunisie présente de nombreux défis à relever. L’élaboration d’une nouvelle stratégie va dans le sens de la maîtrise du fléau du chômage. Néanmoins, la sclérose du marché de l’emploi est en grande partie le fruit d’un modèle économique de développement non adapté pour absorber les flux des demandeurs d’emploi. Tous les gouvernements qui se sont succédé ne sont pas parvenus à redresser la situation qui demeure préoccupante quand elle ne connaît pas de stagnation.


Pour sortir de la situation de chronicité du chômage, une batterie de mesures a été prise, allant de la mise en place d’une stratégie nationale de l’emploi, à l’initiation d’une réforme des secteurs de la formation professionnelle étalée sur cinq ans, au développement de l’entrepreneuriat…
L’emploi sert de plateforme à d’autres domaines, en l’occurrence l’Éducation nationale et l’Enseignement supérieur. L’enchevêtrement entre ces trois secteurs exige une réforme à long terme afin d’adapter les diplômés aux besoins de l’entreprise.
A l’évidence, la situation de l’emploi demeure préoccupante en Tunisie. Le taux de chômage reste élevé, notamment chez les plus jeunes et les diplômés et ceux issus des régions de l’intérieur les plus défavorisées. En termes de chiffres également, les très grandes disparités régionales frappent principalement dans les régions de l’intérieur, avec des taux variés.
En effet, la problématique des disparités régionales reste d’actualité, depuis plus de six décennies. La révolution a dévoilé une multitude de lacunes touchant le modèle de développement, donnant lieu à une demande pressante de réformes structurelles afin de stimuler la justice et la cohésion sociale dans le pays.
C’est dans ce cadre que la discrimination positive et la décentralisation figurent parmi les priorités mentionnées dans le contrat social du 14 janvier 2013 par les principaux partenaires sociaux: gouvernement, Ugtt et Utica.
Ces choix prioritaires ont abouti à l’article 12 de la nouvelle Constitution du 27 janvier 2014, où «l’Etat œuvre à la réalisation de la justice sociale, du développement durable, de l’équilibre entre les régions, en se référant aux indicateurs de développement et en s’appuyant sur le principe de discrimination positive. Il œuvre également à l’exploitation rationnelle des richesses nationales».

Répartition régionale
La structure du chômage a évolué dans le temps vers plus d’inégalités entre les catégories des chômeurs, renseignant sur d’éventuels dysfonctionnements que les politiques publiques mises en place n’ont pu résoudre ou infléchir.
La répartition régionale des créations d’emploi de la période 2010-2015 est de 109 mille emplois dont la majorité a été créée dans les dix gouvernorats à faible taux de chômage. «Ce résultat a été réalisé malgré l’intervention des programmes actifs d’emploi qui s’est orientée de plus en plus après la révolution vers les régions défavorisées. En effet, l’indice de Gini mesurant la répartition de bénéficiaires des programmes en fonction de la distribution des chômeurs, a enregistré une baisse de 0,5 en 2010 à 0,3 en 2015», précise-t-on dans l’étude réalisée par l’Itceq pour le compte du contrat social (gouvernement tunisien- Ugtt-Utica).
Bien que les écarts entre les différentes régions du pays en termes de taux de chômage demeurent toujours importants, les résultats relatifs au calcul de ces indices confirment l’apport des politiques actives d’emploi en matière d’équité interrégionale sur le marché du travail.
Par ailleurs, les taux de chômage sont plus bas dans les régions d’emploi féminin (zones où il y a prépondérance de secteurs à caractère saisonnier tels que le textile, le tourisme, caractérisés par des emplois souvent précaires), tout comme dans les régions du Centre-Est (gouvernorats de Sousse et Monastir), le Cap Bon (gouvernorat de Nabeul) et le district de Tunis.
Les deux régions du Sud et le Centre-Ouest accusent les taux de chômage féminin les plus élevés, variant de 26 à 48%.
Au niveau des délégations globalement, le taux de chômage le plus élevé est enregistré dans les délégations de Tataouine et le plus faible dans les délégations de Nabeul.
Il est à signaler que le chômage des jeunes âgés de moins de 30 ans est très élevé dans pratiquement toutes les grandes régions de Tunisie. La moitié des jeunes âgés de 15 à 19 ans dans le Nord-Est et Ouest et le district de Tunis sont au chômage, 4 à 5 jeunes sur 10 âgés de 15 à 24 ans sont au chômage dans le Sud-Ouest, le district de Tunis et dans le Nord-ouest. Le chômage reste élevé pour la tranche d’âge (25- 29 ans). En effet, il touche 20,2 à 51% des jeunes de ces tranches d’âge dans les 7 régions. Par ailleurs, le Centre-Est est la région qui enregistre les taux les plus faibles de chômage quelle que soit la tranche d’âge de jeunes.
La situation au niveau des gouvernorats est assez proche de celle des régions. En effet, les taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans varient de 40 à 58% dans 7 gouvernorats ( Tataouine, Gafsa, Jendouba, Manouba et Gabès). Dans ces mêmes gouvernorats, 30 à 40% des jeunes de 25 à 29 ans sont au chômage . D’un autre côté, les gouvernorats du littoral (Monastir, Nabeul, Sousse et Sfax) enregistrent les taux de chômage des jeunes les plus faibles.
Par ailleurs, douze gouvernorats, tous situés à l’Ouest et dans le Sud, enregistrent des parts de chômeurs du supérieur dépassant la moyenne nationale (35,9 à 58%). Dans sept autres gouvernorats tous situés dans les régions intérieures su pays, le taux varie de 28 à 34% : Kasserine, Kairouan, Jendouba, Le Kef, Béja, Médenine, Tozeur. Le reste des régions ont des taux inférieurs à la moyenne nationale qui varient de 21 à 25%.

Migration interne, mobilité de la main-d’œuvre
La persistance des disparités régionales au sein du pays «montre que les mécanismes de marché ( surtout la migration interrégionale, la mobilité de la main-d’œuvre, le transfert des connaissances et de l’innovation) sont trop faibles pour jouer un rôle d’autorégulation». D’autre part, «les politiques entreprises par l’Etat dans un objectif de rééquilibrage régional et d’équité territoriale n’ont pas réussi à réduire les inégalités entre le littoral et l’intérieur du pays».
Ainsi, d’après le dernier recensement de la population de 2014 de l’INS, la région du Centre-Ouest reste toujours la région la moins attractive du pays, avec 60,1 mille sortants contre 20,6 mille entrants, suivi par la région du Nord-Ouest avec 53.5 mille sortants et 18,7 mille entrants.

Laisser un commentaire