«It must be heaven» d’Elia Souleiman au festival du Caire 2019 : La Palestine encore, toujours et jamais


La salle de l’Opéra a été prise d’assaut par les invités du festival et le public cairote lors de la projection tant attendue du film «It must be heaven» du Palestinien Elia Souleiman, projeté hors compétition à la 41e édition du festival du Caire. Le film avait obtenu juste une mention au Festival international du film de Cannes 2019. Pourtant, il méritait mieux selon les témoignages de ceux qui ont suivi les films de la compétition.


Depuis « Chronique d’une disparition » (1996), Elia Souleiman a révolutionné le cinéma palestinien en créant un style singulier qui se situe entre comédie burlesque et film politique où il est, la plupart du temps, acteur de ses propres films. Le visage impassible à la Buster Keaton, il se surpasse dans « It must be heaven » dans lequel il exprime avec grand brio le sentiment d’exil intérieur et la spoliation avec un humour désopilant. La Palestine, encore la Palestine et toujours la Palestine, est beaucoup plus qu’un thème, mais une préoccupation de tous les instants. Citoyen du monde, Elia Souleiman porte la cause palestinienne comme une affaire personnelle face à l’immobilisme politique et l’indifférence internationale. La meilleure manière d’aborder la question est l’humour, ce poison des faibles qui avait autrefois fait la gloire de Chaplin contre la société dominatrice et oppressante. C’est donc grâce à l’humour ravageur et destructeur que son œuvre domine l’ennemi. Doublement minoritaire (arabe en Israël et chrétien en Palestine), le réalisateur vit dans la contradiction et c’est le cinéma qui lui donne la force d’imposer sa présence muette. Fuyant la propagande futile dont s’est caractérisé un certain cinéma palestinien, il consolide son propos par l’humour, et ce, depuis ses débuts et notamment dans « Intervention divine » (2002). Avec, « Le temps qu’il reste » (2009), il fait un retour distancié sur sa famille en lien avec la cause palestinienne pour rendre compte de la force qu’il reste d’un peuple détruit de l’intérieur.
Dans « It must be heaven », Elia Souleiman, cheveux blanchis, visage de clown triste, erre dans Nazareth, Paris et New York trainant son spleen comme une longue litanie douloureuse et nostalgique nous renvoyant à notre conscience déchirée. Muet, fin observateur, tantôt étonné, tantôt ahuri, il traverse le monde en quête d’un producteur à Paris, puis à New York. Mais la Palestine qu’il porte dans sa tête est toujours présente. Il finit par retourner à Nazareth pour s’occuper de ses citronniers .
Le film brosse un portrait satirique de la France et des Etats-Unis et nous donne à voir la présence militaire, les armes et les policiers dans ces sociétés qui se targuent d’être pacifistes. Le réalisateur réussit à filmer un Paris désert où défilent des tanks, des hordes de la garde républicaine, etc.
Un souffle de poésie mélancolique traverse ce film d’une actualité brûlante.
Une projection à Tunis de ce film serait la bienvenue. Il paraît que Hakka distribution a acquis les droits de projection. Cela vaut vraiment le coup.

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