Tractations politiques et formation du gouvernement  : Une image brouillée


Alors que le processus de formation du gouvernement se poursuit, marqué par des négociations-marathons lancées par le chef du gouvernement désigné Habib Jemli depuis plus d’un mois, l’image est toujours brouillée et la situation reste confuse et tributaire des compromis de dernière minute.


Un ultime scénario commençait à se dégager comme nous l’avons déjà annoncé, mais il semble que nous sommes encore loin de la fin de ce feuilleton. Dans ce contexte marqué par des transitions aussi longues en matière de désignation d’un gouvernement, des voix commencent à s’élever pour dire que Jemli n’a pas vraiment le contrôle de la situation.
En effet, au début de cette semaine, le flou commençait à se dissiper progressivement avec l’annonce faite par le Courant démocratique (Attayar) qui a affirmé sa disposition à réintégrer les négociations et son accord à rejoindre le gouvernement Jemli suite à une nouvelle offre politique présentée par le parti Ennahdha grâce à des intermédiaires qui sont parvenus à rapprocher les points de vue des deux partis et mettre fin aux divergences.

En effet, Attayar a annoncé dans un communiqué rendu public avoir reçu une nouvelle proposition politique du parti Ennahdha qui lui a proposé deux ministères, celui de la Justice et celui des Grandes réformes, en plus de certains services judiciaires et sécuritaires comme le corps de la police judiciaire. Cette information a été confirmée par certains dirigeants du parti Ennahdha, à leur tête Imed Hammami, qui a affirmé que la dernière offre présentée n’est qu’une explication détaillée de l’offre déjà présentée à ce parti au début des négociations. Imed Hammami a assuré en revanche que ni le mouvement Ennahdha, ni Habib Jemli ne vont attendre la tenue du conseil national d’Attayar pour qu’il puisse annoncer sa décision finale, soulignant que «le processus de la formation du gouvernement ne peut plus être à la merci de sa décision». Dans ce sens, il a affirmé que son ministère a déja prévu plusieurs scénarios pour la formation du gouvenrment en concertation avec Habib Jemli.

Tout renvoyait à la réintégration du parti Attayar dans les négociations autour de la formation du gouvernement et un premier scénario commençait à se dégager portant sur un gouvernement incluant notamment Ennahdha, Attayar, le Mouvement du Peuple, la Coalition Al-Karama et Tahya Tounes. Ce scénario a été confirmé par l’activiste politique Jawhar Ben Mbarek, qui est l’initiateur et médiateur du dernier rapprochement entre Ennahdha et Attayar. Le professeur universitaire et spécialiste en droit constitutionnel est allé jusqu’à dire que le prochain gouvernement sera annoncé la semaine prochaine et n’inclura que des forces révolutionnaires. «La situation a été marquée par l’existence d’un blocage au niveau de la définition de la tendance politique du gouvernement ainsi que de tensions ayant mené au retrait du Mouvement du peuple et du Courant démocratique. C’est dans ce sens que nous sommes intervenus pour mettre fin à ces divergences et nous sommes parvenus à contribuer à tracer les grandes lignes d’un gouvernement incluant les courants révolutionnaires», a-t-il expliqué, dans des déclarations médiatiques.

Mais, entre-temps et face à l’émergence d’un tel scénario, le dirigeant du parti Ennahdha Noureddine Arbaoui a déclaré, mardi soir, qu’Attayar a été carrément écarté de ces négociations à cause de ses tergiversations. « On ne peut pas attendre plus longtemps, d’autant plus que nous avons déjà perdu un mois, et nous ne sommes pas en mesure d’attendre encore plus. Attayar assume l’entière responsabilité de ces choix», a-t-il insisté, rendant la situation encore plus compliquée. Ce qui a également brouillé davantage la situation ce sont de nouvelles informations qui commencent à fuiter laissant croire que le parti Au Cœur de la Tunisie intégrera finalement ce processus et participera à la formation du prochain gouvernement.
En tout cas, le dirigeant au sein du Courant Démocratique Ghazi Chaouachi a affirmé, hier (mercredi), que son parti «a accepté a priori la nouvelle offre du parti Ennahdha, dont certains dirigeants se sont désistés et ont appelé à annuler cette offre». «La balle est maintenant dans le camp de Habib Jemli» a-t-il poursuivi mettant en garde contre le deuxième scénario de formation du gouvernement qui porte sur l’implication du parti Au Cœur de la Tunisie.

Le Mouvement du Peuple, quelle position ?
Face à une telle situation totalement confuse, deux scénarios sont prévisibles et sont tributaires de la décision du Courant quant à la nouvelle offre présentée par le parti de Rached Ghannouchi, mais aussi des concertations et divergences au sein de ce dernier. Nous nous dirigeons soit vers une large coalition politique incluant au moins cinq partis politiques, à savoir Ennahdha, Attayar, Le Mouvement du Peuple, Coalition Al-Karama et Tahya Tounes, soit vers une formation politique qui verra principalement la participation d’Ennahdha et de Au Cœur de la Tunisie en plus de quelques ministres indépendants et d’autres politisés.

Outre la décision du Courant démocratique qui se fait tant attendre, la position du Mouvement du peuple attire également l’attention. Ce parti prendra-t-il part au nouveau gouvernement ? En tout cas les propos de sa première figure, Zouhaier Maghzaoui, laisse penser le contraire. En effet, sur son compte Facebook, il a affirmé que le chef du gouvernement désigné, Habib Jemli ne contrôlait pas le cours des négociations sur la formation du gouvernement. Et d’ajouter que les conflits internes au sein d’Ennahdha sont derrière l’entrave du processus de formation du gouvernement. Ainsi, selon ses dires, nous pouvons comprendre qu’il existe deux processus de négociations autour de la formation du gouvernement. Le premier est dirigé par Habib Jemli, alors que le second est parallèlement et officieusement conduit par le parti vainqueur aux législatives, Ennahdha. Et c’est exactement dans ce sens que le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt), Noureddine Taboubi, a été explicite en déclarant qu’«Ennahdha, premier parti vainqueur aux législatives, se devait de lâcher la bride à Habib Jemli pour qu’il puisse former le prochain gouvernement».

Mais quelle position pour Habib Jemli alors que le parti Ennahdha semble avoir pris les choses en main en multipliant ses tractations politiques et en présentant ses propres offres et propositions ? Serait-il en train, tout simplement, d’appliquer les choix politiques du parti qui l’a désigné ? De quelle marge de manœuvres politiques bénéficie-t-il alors que le temps ne joue pas en sa faveur ?

Pendant ce temps-là, Au cœur de la Tunisie a mis en garde contre «les tentatives de certaines parties d’entraver le processus de formation du gouvernement et d’intoxiquer l’opinion publique en vue de perturber ce processus et repousser l’annonce de formation du gouvernement attendu». En effet, dans un communiqué rendu public à l’issue de la réunion de son bureau politique, «Qalb Tounes» a appelé les partis et les coalitions politiques et parlementaires concernés par le processus de formation du gouvernement à accélérer ce processus, face au contexte économique difficile et au blocage administratif et politique ainsi qu’au climat de tension sociale.

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