Secteur Industriel : Un climat d’attentisme et de suspicion


Au cours des dix premiers mois de l’année 2019, la production industrielle a enregistré une baisse de 3,5%, par rapport à la même période de l’année 2018, selon les chiffres officiels de l’INS. A l’origine de ce recul, plusieurs facteurs endogènes et exogènes subis par les entreprises industrielles tunisiennes tout au long de l’année 2019. La production commerciale dépend, dans une large mesure, des coûts des matières premières qui ont connu une fluctuation importante durant l’année avec des révisions à la hausse. Cette diminution de la production industrielle est expliquée par la baisse de certains secteurs d’activité.


l’énergie
Pour ce qui est du secteur de l’énergie, la production est en baisse de 7,4%. Au cours de l’année 2019, les prospections du gaz et du pétrole sur le sol tunisien, effectuées par des firmes étrangères, n’ont pas donné des résultats signifiants dans la mesure où la Tunisie n’est pas très riche en hydrocarbures. Des petits champs ont été, cependant, explorés. Le ministère chargé de l’énergie a octroyé des permis de prospection à certaines firmes pour effectuer les études sismiques et d’évaluation des puits. Les permis de prospection passent obligatoirement par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour être examinés en commission puis en séance plénière. Pour entrer en vigueur, ces permis doivent être approuvés avec éventuellement les correctifs nécessaires. Entretemps, le ministère de l’Energie a été supprimé et le service de l’énergie a été rattaché au ministère de l’Industrie et des PME. La production a régressé également dans le secteur du raffinage du pétrole (-68,0%) avec un arrêt de la production de la Société tunisienne des industries de raffinage de pétrole (STIR) depuis février 2019.

mécaniques et électriques
Fleuron de l’économie tunisienne à partir des années quatre-vingt-dix, les industries mécaniques et électriques ont une baisse de la production de 1,9%. Pourtant, ce secteur a été l’un des secteurs les plus performants en termes d’exportation. Grâce à une coopération internationale bien ficelée, les entreprises tunisiennes ont pu conclure des partenariats notamment avec des entreprises allemandes détentrices d’une technologie de pointe. Ainsi, les horizons de ces entreprises ont été ouverts vers des marchés à forte potentialités en Europe et en Asie. Parmi les activités de cette industrie, on peut citer les composants automobiles et aéronautiques. Des entreprises tunisiennes, qui ont acquis la technologie et l’expérience, peuvent désormais voler de leurs propres ailes et s’imposer dans un marché compétitif et à forte valeur ajoutée.

textile-habillement
Les industries du textile, de l’habillement et du cuir ont marqué le pas en 2019 avec une baisse de la production de -2,7%. Ce secteur était la locomotive de l’industrie tunisienne grâce aux quantités exportées vers les quatre coins du monde. Mais depuis quelque temps, les activités des entreprises sont confrontées à des problèmes épineux provenant notamment de la contrebande et de la concurrence des pays asiatiques qui commercialisent des tonnes d’articles vestimentaires à prix modique. Tous les pays du monde sont, en effet, concernés par cette invasion asiatique et sont impuissants à juguler ces produits qui sont, du reste, très appréciés par les citoyens à revenu moyen ou faible. La décision prise par les pouvoirs publics de limiter la commercialisation des fripes a fait le bonheur des industriels mais pas celui des consommateurs qui ont appelé à préserver ce marché qui constitue un espace approprié pour s’approvisionner à prix réduit. A noter que dans ce secteur, plusieurs industriels étrangers ne respectent pas les conventions signées dont celle qui concerne les appellations d’origine. La Tunisie a mis en place au cours de cette année une stratégie pour promouvoir le secteur qui s’articule autour de plusieurs axes avec l’implication des industriels et des structures d’appui.

chimique
La production industrielle a augmenté dans les secteurs de l’industrie chimique (+2,7%). Ce secteur qui confirme sa place dans l’économie tunisienne ne cesse de réaliser des chiffres encourageants grâce à la demande mondiale et nationale en produits chimiques. Ce secteur fait travailler une main-d’œuvre nombreuse et bien formée. La Tunisie, n’étant pas un pays riche en ressources naturelles, dispose quand même certaines matières de valeur comme le phosphate qui est raffiné pour en tirer un produit de haute valeur marchande. Les engrais destinés à l’agriculture sont issus de ces ressources exploitées notamment dans le sud et le bassin minier de Gafsa. A noter que les activités au sein de ce bassin ont connu, au cours de l’année, des arrêts fréquents de travail suite aux mouvements sociaux déclenchés par les jeunes demandant l’emploi et les projets de développement. Avec un climat de paix sociale durable, le secteur peut améliorer ses indicateurs et toucher plusieurs marchés à l’international.

matériaux de construction, de la céramique et du verre
La production de l’industrie des matériaux de construction céramique et verre a augmenté (+1,1%) malgré les problèmes auquel fait face le secteur du bâtiment au cours de cette année suite à l’évolution du coût des logements et la réticence des consommateurs. Les matériaux de construction servent aussi bien pour la construction de nouveaux bâtiments publics ou privés que pour les agrandissements et le renouvellement des constructions. D’où la demande des constructeurs en matériaux et notamment en céramique, verre et ciment. Les entreprises tunisiennes opérant dans ce secteur font de leur mieux pour fournir les quantités suffisantes de ces matériaux qui sont conformes aux normes en vigueur en termes de qualité, de sécurité et de durabilité. Dans ce secteur, la contrebande est également active dans la mesure où plusieurs matériaux, parfois d’origine inconnue, font leur entrée en Tunisie à travers les frontières algériennes. Malgré le dispositif douanier déployé, les contrebandiers arrivent à trouver la brèche pour faire entrer leur marchandise et fausser la concurrence établie entre les entreprises tunisiennes. A noter que les cimenteries utilisent l’énergie au prix réel, ce qui augmente le coût de production.

Charges de la production
L’eau et l’électricité constituent les principales ressources utilisées par les industriels pour fabriquer leurs produits. Plus ces charges sont à prix réduits, plus le coût de production est bas et donc compétitif sur le marché international. Ainsi, la production et distribution d’électricité et d’eau se sont accrues de +4,8%. Malgré cette augmentation, la Tunisie est considérée comme un site d’investissement avantageux par rapport aux sites situés en Europe où les charges de l’entreprises sont vraiment lourdes. C’est pourquoi d’ailleurs plusieurs promoteurs préfèrent délocaliser leurs unités vers notre pays pour bénéficier de ces avantages préférentiels même si le climat des affaires reste à soigner en instaurant une paix sociale durable et une vision stratégique de l’économie sur le moyen et long terme. Les avantages fiscaux et financiers contenus dans la loi sur l’investissement et la situation géographique de la Tunisie constituent aussi des atouts qui intéressent plusieurs hommes d’affaires étrangers.

Les mines
Ce secteur a connu une évolution de la production de +12,6% en raison de l’augmentation observée dans la production du phosphate brut (3.209.0 mille tonnes durant les dix premiers mois de l’année 2019 contre 2.435.4 mille tonnes au cours de la même période de l’année 2018). Ce secteur nécessite une gouvernance rationnelle pour que l’on puisse tirer profit des richesses cachées dans le sol. Grâce à une bonne gestion des ressources humaines et l’instauration d’une paix sociale durable, le secteur des mines et particulièrement celui du phosphate peuvent réaliser de nouvelles performances. Les unités commencent, d’ailleurs, à retrouver le rythme normal de la production, mais cela ne doit pas être temporaire. Le transport du phosphate doit être fait par voie ferroviaire au lieu des camions sauf dans le cas de force majeure. C’est qu’au cours de l’année, on a constaté une perturbation du transport du phosphate par train suite au blocage de la voie ferrée par les manifestants.

agroalimentaire
Tiré surtout par la filière de l’huile d’olive et des dattes conditionnées, la production industrielle a crû dans les secteurs de l’industrie agroalimentaire de 4,3%, au cours du mois d’octobre 2019. Ce secteur devrait se diversifier davantage pour atteindre de nouvelles destinations. La Tunisie est déjà classée dans les premières places des fournisseurs d’huile d’olive qui se caractérise par sa qualité et son goût très apprécié par les consommateurs. La filière compte plusieurs huileries réparties à travers les différentes régions productrices. Ce secteur est décliné en nombreuses activités dont celles qui concernent les pâtes alimentaires, les biscuits et chocolat, les concentrés de tomate et d’harissa.
Au cours du mois d’octobre 2019, la production industrielle a baissé de 3,0%. Cela résulte principalement de la baisse relevée respectivement dans les secteurs de l’énergie (-3,9%), de l’industrie mécanique et électrique (-4,1%), des industries du textile, de l’habillement et du cuir (-4,2%), de l’industrie chimique (-8,1%), du secteur du raffinage du pétrole (- 78,3%) ainsi que les secteurs de travail du bois (-4,7%) et de l’industrie de papier et du carton (-4,5%). Cependant, la production industrielle a crû dans les secteurs de l’industrie agroalimentaire (+4,3%), de l’industrie des matériaux de construction céramique et verre (+5,9%), de production et distribution d’électricité (+8,2%), des mines (+29,6%) au vu de l’augmentation réalisée dans la production du phosphate brut (430.8 mille tonnes durant le mois d’octobre de l’année 2019 contre 268.5 mille tonnes au cours du même mois de l’année 2018) et celui de la production du caoutchouc et des plastiques (+16,7%).

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