Gouvernement de compétences indépendantes : Habib Jemli face aux pressions et aux «bons conseils»

La semaine en cours sera sans doute fertile en consultations, en négociations et en arrangements déclarés ou tacites en prévision de la séance plénière qui se tiendra vendredi prochain au Parlement en vue du vote de confiance au gouvernement «de compétences indépendantes». Habib Jemli pourra-t-il résister aux pressions et aux «bons conseils» pour préserver sa liste déjà soumise au Parlement ou cédera-t-il en introduisant certaines rectifications ?

Après avoir remis officiellement la liste des ministres de son gouvernement au président de la République, Kaïs Saïed, qui l’a, à son tour, transmise à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en vue de la soumettre au vote des députés, vendredi prochain, dans le but de lui accorder leur confiance, Habib Jemli, le chef de gouvernement désigné, s’est retrouvé dans l’obligation de répondre à la question suivante : comment va-t-il répondre à l’appel que lui a lancé, hier, dimanche 5 janvier, le Conseil de la choura d’Ennahdha qui lui a demandé, à l’issue de sa réunion tenue samedi dernier, «de poursuivre ses consultations avec les partis politiques, les coalitions électorales et les blocs parlementaires en vue d’élargir au maximum le soutien à son gouvernement et de lui assurer la possibilité d’obtenir la confiance des députés» ?

En d’autres termes et si on réussit à assimiler la phrase en question livrée par Abdelkrim Harouni, président du Conseil de la choura d’Ennahdha, l’on peut poser la même question avec plus de clarté et de précision en la formulant comme suit : Habib Jemli a-t-il le droit de réviser la liste des ministres déjà déposée au Parlement en contrepartie du soutien qu’il sollicitera auprès des partis, des blocs parlementaires et des coalitions dont il s’apprête à recevoir, à partir d’aujourd’hui, les responsables à Dar Dhiafa et ce en répondant positivement à la recommandation du Conseil de la choura d’Ennahdha ou en obéissant — comme le soulignent plusieurs observateurs qui ne croient toujours pas à la soi-disant indépendance du chef de gouvernement désigné — aux ordres du parti de Montplaisir ?

Et fusent déjà les réponses à cette question de la part de certains responsables de l’opposition, à l’instar de Mongi Rahoui, député du Front populaire et ancien président de la commission parlementaire des finances, qui souligne: «Contrairement à la possibilité de modifier la composition du gouvernement d’ici vendredi prochain, comme évoqué par Rached Ghannouchi, il n’est pas possible pour Jemli de le faire dans la mesure où la liste est déjà soumise au Parlement et que la date de la plénière pour le vote de confiance a été déjà fixée».

Sauf qu’en revenant à l’article 89 de la Constitution relatif aux conditions à remplir en vue de la formation du gouvernement, on ne trouve aucune disposition ou alinéa donnant le droit au chef de gouvernement désigné d’introduire une quelconque rectification à sa liste ministérielle ou lui interdisant de le faire, une fois la composition de son équipe gouvernementale remise au bureau du Parlement.

L’article de la Constitution en question observe un silence total sur cette éventualité et fait de même pour la possibilité de récuser, par le parti vainqueur aux élections, la personnalité qu’il choisit en vue de former le gouvernement, au cas où il «se rebellerait» ou n’écouterait plus les conseils ou les ordres du parti qui l’a chargé de remplir la mission de constituer le gouvernement.

Habib Jemli a-t-il sauté le pas en «se rebellant» contre Ennahdha et en décidant sans consulter «son parti» avant de décider d’opter pour la formation «d’un gouvernement de compétences indépendantes non partisanes» à la suite de l’échec de ses négociations avec Attayar, Echaâb et Tahya Tounès pour la constitution d’un gouvernement qu’on qualifiait de coalition partisane ?

Hier, les journalistes ont demandé à Abdelkrim Harouni si Ennahdha considérait que Habib Jemli s’est rebellé. Sa réponse a été nette : «Il a dévié des ordres qu’il a reçus mais il ne s’est pas rebellé. Quand quelqu’un se rebelle au sein d’Ennahdha, il sait ce qui l’attend». Reste à savoir si Habib Jemli suivrait la recommandation du Conseil de la choura et reprendrait les consultations dans le but d’apporter peut-être les modifications qu’il faut à son équipe ministérielle, le but étant de lui assurer un large vote au Parlement.

Pour le moment, on ne dispose pas de la réponse que pourrait opposer Habib Jemli aux conseil ou recommandations du Conseil de la choura. Toutefois, le chef de gouvernement désigné a déjà répondu samedi 4 janvier à la même question en soulignant : «Je me suis concerté avec tous les partis et la liste que j’ai présentée a déjà été soumise à l’ARP. J’en suis convaincu et il n’est plus possible de la revoir pour l’instant. Celui qui a des réserves n’avait qu’à les exprimer quand le sujet était encore sur la table».

Faut-il signaler que Habib Jemli s’exprimait ainsi bien avant que le Conseil de la choura d’Ennahdha ne se réunisse et n’exprime son soutien à l’équipe qu’il a proposée (avec des réserves sur certains noms) et ne l’invite à reprendre les consultations dans le but de consolider au maximum l’appui parlementaire et partisan à son équipe.

Un commentaire

  1. Liberte

    06/01/2020 à 12:26

    Moi je veux bien, hélas c’est plus facile à dire qu’à faire, il faut fixer un objectif individuel à chaque ministre pour réaliser tout ce qu’on attend de lui, un vrai manager qui contrôle techniquement et surtout financièrement son ministre, la présence pour la présence ne veut pas rien dire, une prime assez motivante financièrement peut être attribuée sans ça le virer et le faire remplacer le plus vite possible.
    Alors au travail et relever. Le pays de la très mauvaise situation où il se trouve.

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