Changement de la composition du gouvernement : Habib Jemli résistera-t-il aux pressions d’Ennahdha ?  

Le gouvernement Jemli obtiendra-t-il le vote de confiance de l’Assemblée des représentants du peuple le 10 janvier ? Même si certains pensent que le vote au nouveau gouvernement passera comme une lettre à la poste, le chef du gouvernement désigné continue à mener des concertations et des négociations pour assurer une ceinture politique à son gouvernement.

L’actuel processus de formation du nouveau gouvernement s’annonce compliqué, mouvementé et même indéchiffrable. Et pour cause, un paysage politique brouillé et des positions souvent contradictoires. D’ailleurs, les observateurs de la scène politique ne peuvent plus compter les manœuvres politiques qui ont marqué ce processus engagé depuis bientôt deux mois. Qui soutient qui ? Et qui s’oppose à qui ? A quoi jouent les partis politiques ? Et quelle position pour le chef du gouvernement désigné qui semble être coincé dans un labyrinthe politique ? Ces interrogations ne cachent pas l’inquiétude de l’opinion publique de voir le processus de formation du gouvernement échouer, alors que le pays fait face à d’innombrables problèmes économiques et à une conjoncture sécuritaire régionale délicate.

Le 2 janvier dernier, quand Habib Jemli avait annoncé la composition de son gouvernement, nous avons tous pensé que le processus entravé de formation du gouvernement allait finalement prendre fin. D’ailleurs, le Parlement a fixé la date du 10 janvier pour voter la confiance à ce gouvernement, même s’il est contesté presque par tous, y compris le parti Ennahdha, vainqueur des élections, ayant désigné Habib Jemli pour former ce gouvernement. C’est un secret de Polichinelle, le gouvernement Habib Jemli ne fait pas l’unanimité des partis politiques et même d’Ennahdha. Récemment, même si le Conseil de la choura du mouvement Ennahdha a annoncé son soutien au gouvernement proposé par Habib Jemli, il est connu pour tous que le parti Ennahdha, ou du moins quelques-unes de ses figures de taille, s’est opposé à certains noms de ministres proposés par Jemli.  D’ailleurs, selon le président du conseil, Abdelkrim Harouni, cette décision a été prise « malgré l’existence de certaines réserves sur des profils proposés ».

« Jemli devra quand même revoir certains noms, conformément à la Constitution et aux procédures juridiques en vigueur, avant la tenue de la plénière de vote de confiance », a même ajouté Harouni pour relancer la polémique, sur l’indépendance de Jemli, d’une part, mais aussi et surtout sur la poursuite des concertations, après l’annonce de la composition du gouvernement, d’autre part.

Ennahdha pose son veto ?

En effet, le mouvement Ennahdha aurait posé son veto à plusieurs ministres parmi les 28 qui composent le gouvernement Habib Jemli, laissant ce dernier dans une situation peu confortable. Ne faisant pas l’unanimité au sein des structures du parti, ces noms quitteront probablement la composition gouvernementale avant même de passer au vote au Parlement. Si le président du Conseil de la choura, Abdelkrim Harouni, n’a pas révélé les nomes de ces ministres, d’autres personnalités relevant de ce parti ont décidé de briser le silence. C’est le cas du député d’Ennahdha Moez Belhaj Rhouma qui a confirmé ces informations : la nomination de certains ministres pose problème au sein du parti Ennahdha. Il a justifié cette position par des soupçons de corruption pèsant sur certains profils, mais aussi par leur incapacité à mettre en place des programmes gouvernementaux.

Le député et membre du Conseil de la choura a révélé que certains membres du parti ont contesté la nomination de Bechir Zaafouri et Sami Smaoui à la tête des départements du Commerce et des TIC pour des soupçons de conflits d’intérêts. Le député a affirmé également qu’Ennahdha a émis ses réserves quant à la nomination de Kamel Hajjam au ministère de l’Education, de Hassan Chourabi au département de l’Agriculture, Fathi Hadaoui aux Affaires culturelles, Imed Dérouiche au département de la Défense et Sayed Blel comme ministre des Affaires sociales, et ce pour différentes raisons. Jemli va-t-il céder à ces pressions exercées par le parti qui l’a nommé et finira-t-il par revoir certains de ces choix ? C’est la principale question qui se pose actuellement, d’autant plus qu’il semble avoir perdu des appuis de taille au sein de ce parti. C’est dans ce sens que le député du mouvement Ennahdha et membre de son conseil de la Choura, Mokhtar Lamouchi, avait affirmé que Habib Jemli qui « a choisi de dévier la politique du mouvement Ennahdha était sur le point d’être remercié et remplacé ». Il a dans ce contexte précisé que la conjoncture actuelle ne laisse pas de choix à Ennahdha que de voter pour le gouvernement Jemli, signalant que plusieurs élus du mouvement pourraient même s’abstenir de voter.

Faire cavalier seul ?

Jusqu’à présent, le chef du gouvernement désigné par Ennahdha ne semble pas vouloir céder aux pressions de toutes parts, pour changer la composition gouvernementale proposée jeudi dernier. Envers et contre tous, il résiste aux pressions d’Ennahdha où plusieurs de ses dirigeants ont publiquement manifesté leur désaccord de la composition. Mais le chef de gouvernement désigné peut-il faire cavalier seul ? Aura-t-il le pouvoir de s’opposer aux dirigeants du parti qui l’a nommé ? Si c’est le cas, dans quel contexte politique son gouvernement travaillera ?

Actuellement, Habib Jemli ne semble bénéficier que du soutien du leader historique du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi. Ce dernier a été reçu lundi dernier par le chef de l’Etat, Kaïs Saïed, au sujet de la formation du nouveau gouvernement. Une occasion pour Ghannouchi de rappeler son attachement au gouvernement Jemli, mais aussi d’écarter la possibilité de voir un « gouvernement du président ». Il a relevé à cet égard que «le président de la République tient à la réussite du gouvernement Jemli et à ce qu’il obtienne le vote de confiance sans, recourir à une alternative constitutionnelle, ou à ce que l’on appelle le gouvernement du président, en raison de cette inaction et de cette perte de temps».

En tout cas, même s’il a émis quelques réserves sur certains ministres, le chef de l’Etat s’oppose à la modification de la composition du gouvernement après l’envoi de la liste nominative des ministres et des secrétaires d’Etat au Parlement. C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre, hier, la chargée de communication au sein de la présidence de la République, Rachida Ennaifer. Le gouvernement Jemli obtiendra-t-il le vote de confiance de l’Assemblée des représentants du peuple le 10 janvier ? Même si certains pensent que le vote au nouveau gouvernement passera comme une lettre à la poste, le chef du gouvernement désigné continue à mener des concertations et des négociations pour assurer une ceinture politique à son gouvernement.

Un commentaire

  1. Liberte

    08/01/2020 à 12:44

    Un pas en avant et deux pas en arrière

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