«La séance est ouverte ». Lorsqu’il prononce ces mots, Rached Ghannouchi savait déjà que le gouvernement qu’il a parrainé et qu’il a tout fait pour le sauver ne sortira pas vivant de cette séance. Le scénario électoral, il avait commencé depuis la veille à en mesurer la portée, mais tout particulièrement les rebondissements de dernière minute. Les partis ne lui ont pas laissé le choix. Et dire qu’Ennahdha et Rached Ghannouchi ont tout tenté pour sauver Habib Jemli et son équipe. En vain.

Jusqu’à la dernière minute, Jemli n’est jamais revenu sur sa position de maintenir son équipe gouvernementale, appelant les députés à privilégier l’intérêt national et affirmant avoir choisi une équipe indépendante, après six semaines de concertations avec les principaux partis du pays. Le gouvernement dont il avait annoncé, le 2 janvier, la composition sur fond de tractations politiques, et qui compte 28 ministres et 14 secrétaires d’Etat dont la majorité n’est pas connue du grand public, s’est heurté cependant à un conflit à la fois identitaire et séparatiste. En dépit d’un important appui du mouvement Ennahdha, première force au parlement avec 54 sièges, il n’a pas convaincu les partis, encore moins les organisations de la société civile.

L’indépendance des ministres proposés a été mise en doute, alors que la compétence de certains candidats était pratiquement inexistante, comme la présence de quatre ministres dont le niveau scolaire n’a même pas atteint le baccalauréat. La désignation des juges à la tête des ministères régaliens a aussi suscité l’indignation, invitant à penser que les ministères de souveraineté sont soumis à la politique du mouvement Ennahdha, tout particulièrement en ce qui concerne les assassinats politiques et l’appareil secret. Pour sa part, l’Inlucc a fait savoir qu’elle avait adressé une correspondance à Jemli, comportant une liste nominative de certains ministres et secrétaires d’Etat soupçonnés de corruption.

Déterminé à gouverner seul, en se passant même de ses alliés, Ennahdha s’est par la suite engagé dans des négociations-marathons pour tenter de trouver un compromis face au durcissement des positions des partis. Le gouvernement qu’il a essayé d’imposer n’aura pas finalement survécu. Il a été soutenu par 72 députés, alors qu’il avait besoin d’au moins 109.
C’est la première fois depuis 2011 que le gouvernement proposé et son chef désigné tombent. Jemli a oublié que ce sont les députés qui font la majorité et non pas le président de l’Assemblée. La chute de son gouvernement n’est autre que la victoire incontestable des partis et des blocs qui y ont mis tout leur poids politique.

Un coup dur pour le mouvement Ennahdha, réputé comme le parti le plus puissant du pays, mais jugé responsable de la crise politique actuelle. Reste que ce vote ne signifie pas certainement la fin du mouvement. Sûrement affaibli par le fait d’avoir été ces dernières semaines déconsidéré, sous l’effet des tensions internes et en manque de base mobilisable, mais se termine ainsi une période de tractations, de doute et de confusion ; et commence l’ère du Président de la République. Nous aurons dans dix jours un nouveau chef de gouvernement désigné et il appartient à Kaïs Saïed de charger la personnalité jugée la plus apte à former un gouvernement dans un délai maximum d’un mois.

Un commentaire

  1. Mzali

    11/01/2020 à 17:07

    «La séance est ouverte ». Lorsqu’il prononce ces mots, Rached Ghannouchi savait déjà que le gouvernement qu’il a parrainé et qu’il a tout fait pour le sauver ne sortira pas vivant de cette séance.
    Mr Mestiri, il fallait plutôt écrire  » …… et qu’il a tout fait pour sauver, ne sortira pas ….. « 

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