Rien… absolument rien…si ce n’est une situation qui empire


Aujourd’hui, s’il y a une question qui brûle les lèvres des Tunisiens, c’est la suivante : qu’a-t-on fait de notre révolution ?
Printemps arabe ou pas, ce qui s’est passé le 17 décembre 2010 est le déclenchement d’une révolte populaire, conclu par la chute du régime de Ben Ali, le 14 Janvier 2011 ; ce qui en fait une révolution. Car, que cela déplaise aux nostalgiques de la dictature (appelons les choses par leurs noms), quand une révolte populaire induit la chute d’un régime politique, elle devient de facto une révolution. Point à la ligne. Mais il ne suffit pas de crier à la révolution pour que tout rentre dans l’ordre. Le 14 janvier 2011, le peuple tunisien a écrit l’histoire. Sauf que neuf ans après, il n’arrive toujours pas à entamer la nouvelle page de son histoire. Pendant neuf ans, nous sommes restés bloqués sur les chiffres de 2010 quand on parle d’économie et de tourisme. Des chiffres qui ont constitué, neuf ans durant, le seuil que chaque ministre de tourisme nommé au poste a cherché à atteindre jusqu’à ce que René Trabelsi, un pur technocrate, ne saute le pas. Cela ne veut pas dire que les problèmes du secteur du tourisme sont résolus, mais c’est déjà un premier pas qui a été fait.
Malheureusement quand on fait un tour d’horizon et hormis la liberté d’expression, la révolution ne nous a rien apporté de bon, à part la transition démocratique. Le seul secteur qui a sorti la tête de l’eau est le tourisme. Pour les autres secteurs, c’est le chaos. Le sport ne déroge malheureusement pas à cette règle.

La faute nous incombe…
Si aujourd’hui, nous n’avons pas de réelles avancées à citer après neuf ans de révolution, hormis la transition démocratique, c’est que la faute nous incombe… nous tous, citoyens de ce pays.
Dans le secteur du sport, rien n’a été fait, à l’instar de tous les autres domaines. Au contraire, la situation empire de jour en jour à cause d’une infrastructure sportive vieillissante et mal entretenue, ainsi qu’une réglementation que tout le monde sait qu’elle n’est plus dans le temps. En effet, on ne peut pas continuer à gérer un championnat de football professionnel alors que les clubs sont régis par une législation sportive qui date de 1959. Des clubs omnisports, amateurs selon les textes de loi, et qui s’efforcent à être professionnels dans les faits, à l’instar des équipes du football qui font signer des contrats à leurs joueurs et font même des recrutements de footballeurs étrangers.
Un paradoxe juridique comme celui des boutiques de ces clubs qui vendent des articles à leur effigie, alors que ces clubs en question sont censés être des associations à but non lucratif.
Vers les années 2006 et 2007, le problème de la législation sportive a été déjà posé. Des spécialistes du sport tunisien (sportifs, dirigeants et journalistes) ont cité le modèle égyptien dont les clubs de football sont régis par des statuts de sociétés sportives, comme le plus approprié. A la fin de l’année 2010, l’Etat, qui voulait garder la mainmise sur le secteur du sport, cherchait la faille en chargeant une commission composée de dix experts dans le domaine du droit et de la gestion du sport pour élaborer de nouveaux textes en vue d’une législation qui rendrait nos clubs plus professionnels… dans le texte.
A l’époque, on savait que les résultats n’allaient pas être à la hauteur des vraies attentes dans la mesure où le régime politique se servait du sport comme moyen de propagande.

Des dossiers restés dans les tiroirs…
Après le 14 janvier, deux ministres ont pris en main le dossier la de la législation sportive, Tarek Dhiab et Maher Ben Dhia. Sauf que les dossiers sont restés dans les tiroirs et leurs successeurs n’ont rien fait pour assurer le suivi. Et la continuité de l’Etat dans tout cela ? Allez poser la question à la classe politique aux affaires après la révolution du 14-janvier.
Si Tarek Dhiab et Maher Ben Dhia ont eu le mérite d’essayer au moins de faire bouger les choses, ils n’ont pas pour autant réglé les problèmes récurrents de notre sport, notamment la violence dans les stades qui a pris une proportion démesurée ces dernières années.
La solution trouvée pour régler le problème, en partie, bien entendu : instaurer des quotas limités pour la présence du public local. Quant aux équipes visiteuses, elles n’ont plus le droit de voir leurs supporters sur les gradins. Une mesure prise après des années durant lesquelles nous avons assisté à des matches devant des gradins vides à cause du huis clos instauré.
Si le huis clos avait sa raison d’être durant les trois premières années de la révolution, notamment avant la rédaction de la constitution de 2014, la mesure du quota restreint limitant la présence du public dans les stades porte préjudice à nos clubs sur le volet financier, notamment pour les équipes de la deuxième moitié du tableau qui comptaient sur les recettes des matches qui les opposaient aux quatre grosses cylindrées du championnat pour renflouer leurs caisses.
Quant à l’organisation au sein des enceintes sportives, on a vite abandonné l’idée des stadiers, effleurée lors des premières semaines de la révolution. Encore un dossier resté dans les tiroirs.

Une situation qui empire !
Au fait, on n’a rien fait pour le sport, si ce n’est une situation qui empire de jour en jour. Les enceintes sportives inaugurées avant la révolution sont dans un état vétuste. On savait qu’avant la révolution, on a construit des stades, des salles ominisports et des piscines, entre autres, mais on n’a pas prévu des plans pour assurer leur entretien, à l’image des agents municipaux qui s’occupent du gazon de terrains centraux des stades qui abritent les matches de la Ligue 1. Des agents qui n’ont pas reçu la formation adéquate pour entretenir le gazon d’une pelouse de football qui n’a rien à voir avec celui du jardin d’une maison.
Après le 14-janvier, on savait tout cela, mais on n’a rien fait pour changer les choses. Aujourd’hui et alors que le pays connaît la crise économique la plus aiguë de son histoire, le sport, qui devait être un vecteur de développement économique; plonge dans les dettes et survit grâce aux subventions. Or, si on avait voté au parlement la loi permettant à nos clubs de football de passer au régime de sociétés sportives, les caisses sociales et les impôts auraient été les grands bénéficiaires et la roue économique aurait mieux tourné. Alors que l’Etat subventionne un sport censé être pro, on aurait bénéficié des recettes qu’il aurait générées au lieu de laisser ce secteur s’enfoncer dans les dettes, à même de ne plus pouvoir entretenir des enceintes sportives qui auraient dû générer, elles aussi, des recettes à l’Etat au lieu de constituer un fardeau.
Quant aux responsables sportifs, ils manquent malheureusement d’aura, à l’image de nos politiques. C’est la vertu d’une liberté mal comprise.
Heureusement que dans tout ce cataclysme, nos sportifs, qui débordent eux de talent et de volonté, arrivent en dépit de la situation actuelle, à réaliser des exploits, à l’instar des trois Ligues des champions remportées par l’Espérance Sportive de Tunis après la révolution de 2011, la qualification de l’équipe nationale de football à la Coupe de monde de Russie en 2018 ou encore les performances de nos élites dans les sports individuels et auxquels on refuse toujours d’allouer des budgets conséquents et qui continuent à se débrouiller comme ils peuvent.
Bref, on connaît tous les maux de notre sport, mais on n’a rien fait pour les traiter. C’est le fin mot de l’histoire.

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