Smart gov 2020 : Comment faire face à la résistance de l’administration 


Le rapport d’évaluation des plateformes gouvernementales de participation citoyenne met l’accent sur la bonne qualité des sites en termes de technologies informatiques. Cependant,  il braque les lumières sur le manque d’usage de ces portails numériques. Un défi majeur à relever, si on veut parachever le processus du développement d’e-gov et open-gov.


Trois plateformes gouvernementales numériques de participation citoyenne sont désormais implémentées dans l’objectif de faciliter l’accès du citoyen à l’administration et impliquer davantage leurs usagers dans le processus du développement du gouvernement digital et ouvert (e-gov et open- gov). La mise en place de ces plateformes digitales s’inscrit, en effet, dans le cadre de la stratégie nationale “Smart Gov 2020”, qui a été adoptée en 2016 avec l’appui de l’Ocde. L’objectif ultime étant d’améliorer les services offerts par l’administration qui devrait être, à terme, plus transparente et davantage accessible aux citoyens. Les plateformes en question sont les suivantes: e-people.tn,e-participation.tn et legislation.tn.

Bien que leur mise en place constitue en soi une avancée, qui est tout de même saluée par les experts, notamment de l’Ocde, ces plateformes demeurent très peu utilisées par les citoyens et, par conséquent, sous-alimentées en informations qui assurent leurs perpétuelles améliorations. Ainsi, pour renforcer la capacité des citoyens à utiliser ces sites numériques, mais aussi pour exhorter l’administration à exploiter ces plateformes pour recevoir les feedbacks des usagers, le département de tutelle, en l’occurrence le ministère de la Fonction publique, de la Modernisation de l’Administration et des Politiques publiques a mandaté une étude d’évaluation des trois plateformes en question. Une conférence de presse a été tenue, mercredi dernier, pour présenter les résultats de l’étude.

Des recommandations pour une meilleure performance des plateformes gouvernementales 
S’exprimant sur l’état des lieux des divers sites analysés, Alessandro Bellantoni, chef de l’Unité gouvernement ouvert à l’Ocde, a affirmé, dans une déclaration accordée aux médias, que  les résultats de l’étude mettent l’accent sur la présence de plusieurs plateformes “de grande qualité dénotant de l’engagement de l’administration tunisienne vis-à-vis du citoyen”.
Toutefois, ces plateformes, ajoute-t-il, sont peu utilisées et c’est à ce niveau-là que les efforts doivent être déployés, pour simplifier et vulgariser leur utilisation auprès du  public, a-t-il conclu.
Rappelons à cet égard que l’étude utilise une classification basée sur trois niveaux de participation en ligne identifiés par l’Ode, à savoir le niveau e-information qui évalue l’accès à l’information, la culture politique, l’éducation citoyenne, le niveau e-consultation qui englobe les délibérations, les enquêtes et le dialogue entre citoyens et gouvernement,et l’e-association qui évalue l’activisme, le journalisme citoyen, etc.  L’étude a montré que l’essentiel des sites étudiés peuvent être classés dans les niveaux Information ou Consultation. Les sites publics étant essentiellement tournés vers l’information, la médiation, les services et la préparation des lois.

«La e-participation vise à développer la confiance des citoyens dans leurs gouvernements. Cette confiance s’acquiert lorsque le citoyen fait entendre sa voix et que les autorités, à savoir les administrations concernées, la prennent en considération. En d’autres termes, lorsqu’il voit ses doléances se traduire en décisions concrètes. Il y a des cadres théoriques pour ce type d’approche. Pour les plateformes numériques de participation citoyenne, il existe trois niveaux, à savoir un niveau 1 qui correspond à l’information, un niveau 2 qui correspond à la consultation et un dernier niveau qui représente l’association. En Tunisie, on peut dire que nous sommes au 2e niveau. Nous n’avons pas, encore, atteint le niveau association qui demande d’autres aspects, comme la prise en charge des suggestions du citoyen.

Revoir les méthodes de travail
Cependant, nous avons désormais acquis  des expériences intéressantes dans plusieurs domaines comme la proposition de l’information au citoyen, recevoir son avis sur, par exemple, les textes juridiques, etc. Même si c’est toujours perfectible, nous avons déjà une base solide à partir de laquelle on peut améliorer notre travail, a affirmé Khalil Charfi, expert en e-gov et membre de l’équipe qui a mené l’étude, dans une déclaration à «La Presse». Il a ajouté, dans le même contexte, que le facteur humain demeure le plus important que ce soit au niveau de l’administration ou au niveau de la société civile. Il a appelé à mieux communiquer sur ces plateformes afin d’améliorer leurs efficacités et performances. «Il faut opérer une mise à niveau pour que ces plateformes soient plus simples à l’usage et plus conviviales pour le citoyen, comme le sont les plateformes commerciales», a expliqué l’ingénieur en informatique. Par ailleurs, il a exhorté l’administration à revoir ses méthodes de travail en intégrant de nouvelles façons de faire, articulées autour des technologies.

Dans ce même contexte, des recommandations techniques concernant les plateformes gouvernementales ont été également synthétisées dans l’objectif d’accroître l’usage des plateformes. Elles reposent sur 5 axes, à savoir l’engagement, la gouvernance, les services, l’organisation et, finalement, l’infrastructure et les systèmes d’information. Concernant l’engagement, l’étude préconise notamment l’identification régulière des besoins des citoyens afin de promouvoir des appels à participation ciblée outre le développement de la production d’idées et de solutions, et ce, en adoptant un modèle de crowdsourcing.

Pour le deuxième point qui est la gouvernance, les experts qui ont mené la présente étude ont recommandé le passage obligatoire de toutes les administrations par la même plateforme, en impliquant les organisations professionnelles et la société civile. Ils prônent également un cadre juridique relatif sur l’e-participation qui oblige l’utilisation des plateformes.

En ce qui concerne les services, il est suggéré de mettre en place des moteurs de services (back-office) centralisés afin de recevoir l’ensemble des interactions avec les citoyens et de pouvoir les analyser et les recouper.
Quant au volet de l’organisation, les changements recommandés s’articulent autour de deux axes, à savoir la gestion des résistances par la mise en place d’une approche de sensibilisation et de formation pour les intervenants de la fonction publique et l’intensification de la communication sur les réseaux sociaux et dans les communautés de la société civile.

Enfin, pour le cinquième axe des recommandations, en l’occurrence l’infrastructure et les systèmes d’information, le rapport mentionne qu’il est souhaitable d’adopter des technologies standards et ouvertes afin de faciliter la maintenance  outre le recours à des composants logiciels de référence.

 


A quoi servent les plateformes de participation citoyenne

Les trois plateformes gouvernementales pour la participation citoyenne sont, en effet, la concrétisation de l’orientation stratégique N°7 de la stratégie “Smart Gov 2020”. Elles ont été mises en place pour assurer la réalisation des objectifs suivants:
• E-people.tn : ce site permet de recevoir les plaintes et les pétitions déposées par les citoyens. Actuellement, il est opérationnel et  intègre 10 ministères. Il permet également de suivre l’état des lieux des diverses plaintes déposées.
• E-participation.tn : ce portail assure la communication entre l’administration et le citoyen, en offrant un espace pour les consultations publiques, les délibérations, ainsi que le suivi des décisions et politiques publiques.
• legislation.tn : c’est un portail qui comprend des législations et des lois tunisiennes promulguées et parues dans le Journal officiel (Jort).


 

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