«Chanson douce» bientôt dans les salles : Un double infanticide, du roman à l’écran

D’un terrifiant fait divers, Leïla Slimani écrit un roman, Lucie Borleteau le porte à l’écran et Karine Viard y endosse le rôle principal, un rôle glaçant à travers lequel la question de la maternité, de la pression et de la violence est au centre.

«Chanson douce» est le deuxième roman de Leïla Slimani paru en 2016 aux éditions Gallimard. Il a obtenu  le prix Goncourt de la même année pour  faire de cette romancière la douzième femme en cent-treize ans à remporter ce prix. Ce livre, centré sur le cheminement ayant amené une nourrice à tuer deux enfants, est puisé dans un fait divers des plus sordides. Synopsis : Paul et Myriam ont deux enfants en bas âge. Ils engagent Louise, une nounou expérimentée, pour que Myriam puisse reprendre le travail. Louise se montre dévouée, consciencieuse, volontaire, au point que sa présence occupe une place centrale dans la famille. Mais, très vite, les réactions de Louise deviennent inquiétantes jusqu’au jour où survient le drame…

Adapter le style de Leïla Slimani et recréer à l’écran l’ambiance qui enveloppe son roman s’apparente à un défi. Il a été relevé par Lucie Borleteau : «“Chanson douce” a quelque chose de magnétique. Je me souviens d’un fort sentiment de vertige, comme face à un puits sans fond. Ce qui est intéressant, c’est que Leïla Slimani ne condamne pas cette criminelle, pas plus que les parents ; j’y ai donc vu une peinture très cruelle de la société actuelle, qui dévore ses propres enfants. Le roman pose cette question : comment se fait-il qu’un tel crime soit rendu possible dans notre société ? Le monstre n’est pas Louise et sa folie, mais une chose aux contours flous qui nous renvoie à nos propres actes. J’ai été marquée par le caractère très réaliste, la précision quasi documentaire de cette histoire et par ce qui la relie au conte dans le même temps, avec sa part atroce. J’ai aimé qu’aucune morale ne s’en dégage. Tout y est très ambivalent. Le personnage de Louise m’a passionnée : touchante, totalement imprévisible et donc fascinante, elle fait peur, mais on peut s’identifier à elle. Elle est la clé de voûte de l’ensemble», explique la réalisatrice.

Le choix des comédiens est aussi en soi un réel défi. Karin a un rapport très entier à son corps. Elle a quelque chose d’animal et de très fort. Dans le rôle de Louise, l’envoûtement opère grâce à son incarnation par Karin. Leïla Bekhti est virtuose dans l’expression des émotions. « Elle est entière, elle a toujours envie de chercher. Ça nous a beaucoup amusées de la transformer pour le personnage de Myriam : on avait envie qu’elle ne ressemble à aucun personnage déjà interprété par Leïla. Elle s’est fait couper  les cheveux pour le rôle, nous avons joué avec sa classe naturelle, avec l’idée d’en faire une jeune aspirante à la bourgeoisie, de travailler son parler de jeune avocate. Ce qui m’a plu chez Antoine Reinartz, outre ses qualités d’acteur précis et intelligent, c’est qu’il a eu une vie avant d’être comédien. Une vie qui aurait pu être celle de Paul, avec un passage dans une grande école de commerce. Il en a gardé une manière très incisive de parler et de réfléchir à son travail. Avec lui, aussi on avait envie de casser sa silhouette habituelle, raconte Lucie Borleteau. Bousculant la chronologie du roman, la réalisatrice a opté pour une construction classique favorisant une mise en scène qui met le spectateur sous pression suivant un schéma  hitchcockien et signe un drame oscillant entre thriller psychologique et chronique sociale.

Avis aux amateurs du genre et à voir absolument à partir de la semaine prochaine  sur nos écrans.

Laisser un commentaire