Tractations autour de la formation du prochain gouvernement : Elyes Fakhfakh à la croisée des chemins

Alors que l’actuel processus de formation du gouvernement s’annonce périlleux, notamment en raison de la position inflexible d’Ennahdha de faire participer coûte que coûte Qalb Tounès au prochain gouvernement, le chef du gouvernement désigné, Elyes Fakhfakh, a poursuivi son plan de travail portant notamment sur la discussion du document contractuel présenté aux partis participant aux consultations.

En effet, lundi dernier, la réunion consultative sur le document contractuel présenté aux partis participant aux consultations sur le programme du prochain gouvernement a été levée vers 19h30 au Palais Dhiafa à Carthage, en convenant de reformuler le document présenté, et en tenant compte des propositions des partis participants. Une nouvelle réunion est d’ailleurs prévue pour demain, jeudi.

Même si la plupart des partis ont réagi positivement au document qui a été préparé par l’équipe Fakhfakh, il a été convenu de revoir certains points et de rectifier certaines propositions, en attendant sa signature par les différents partis politiques impliqués.

En parallèle, les tiraillements politiques et la guerre de positionnement battent leur plein entre forces et courants politiques opposés. Chacun, conscient de la délicatesse de la période et de la recomposition de tout l’échiquier politique et des rapports de force qui y naissent, tente de contrôler les négociations et de se maintenir en position de force lui permettent d’assurer une meilleure légitimité. Et à la lumière de ces conflits, tantôt annoncés, tantôt discrets, le chef du gouvernement désigné se trouve confronté à une situation politique assez délicate et peu confortable : céder à la pression du mouvement Ennahdha, qui pour une raison ou pour une autre force la main pour faire participer Qalb Tounès au prochain gouvernement, ou s’aventurer à faire cavalier seul et persister dans sa position de former un gouvernement sans le parti de Nabil Karoui.

En tout cas, ce n’est pas le seul casse-tête pour Elyes Fakhfakh, puisque la coalition Al-Karama (19 sièges au Parlement) pose également ses conditions pour participer au prochain gouvernement. C’est dans ce sens que le président du bloc parlementaire de la coalition Al-Karama, Seifeddine Makhlouf, a annoncé à sa sortie de la réunion des représentants des partis avec le chef du gouvernement désigné, Elyes Fakhfakh, que la coalition ne participera pas à un gouvernement incluant Qalb Tounès ou Tahya Tounès. Il a ajouté que la position de sa coalition demeure inchangée depuis les dernières élections, à savoir la formation d’un gouvernement autour d’un socle formé des partis du courant révolutionnaire.

Le Mouvement du peuple confiant

Ce courant révolutionnaire, pour dire les partis qui visent à rompre avec l’ancien régime et mettent les revendications de la révolution comme unique programme, serait en effet au cœur du jeu de négociations portant sur la formation du gouvernement. Le Mouvement du peuple (Echaâb), principal acteur de ce courant révolutionnaire, s’est félicité d’ailleurs de cette situation politique qui marque, selon lui, une nouvelle donne dans la mesure où le parti Ennahdha ne tient plus les commandes des négociations. «Le pays a entamé une nouvelle ère politique où le mouvement Ennahdha ne contrôle plus les négociations de la formation des gouvernements. Elyes Fakhfakh tient aujourd’hui les choses en main, et c’est un acquis pour la démocratie tunisienne», a dans ce sens affirmé Zouhaier Maghzaoui, secrétaire général du Mouvement du peuple. Et de laisser entendre que le mouvement Ennahdha «ne fait que multiplier des manœuvres politiques sans effet», affirmant que le gouvernement Fakhfakh passera.

Passera ou ne passera pas ? Pour le parti de Nabil Karoui Qalb Tounès, le problème ne se pose pas à ce niveau, mais réside dans l’absence d’un programme de gouvernement. Dans un dernier communiqué, Qalb Tounès a tenu le chef du gouvernement désigné Elyes Fakhfakh pour responsable des écueils que connaît le processus de formation de la prochaine équipe gouvernementale. Qalb Tounès appelle à hâter la formation du gouvernement et à repenser l’approche adoptée, en tenant compte de l’aggravation des conditions économiques et sociales et la détérioration du pouvoir d’achat des catégories moyennes et faibles. Qalb Tounès y affirme «la justesse du choix d’un gouvernement d’union nationale». Il s’agit, selon lui, de la solution idéale à la crise dans le pays. Le parti a appelé son bureau politique à suivre le processus de formation du gouvernement et à maintenir sa réunion ouverte.

Jeu d’échecs politique

A la lumière de toutes ces données qui ne vont pas dans le sens d’un dénouement de l’actuelle crise politique qui ressemble plus à un bras de fer engagé entre les différentes parties impliquées, Elyes Fakhfakh affirme qu’il tient à la ceinture politique excluant Qalb Tounès. C’est en tout cas Fathi Touzri, membre de l’équipe de négociation du chef du gouvernement désigné, qui confirme cette position, indiquant qu’Elyes Fakhfakh poursuit les négociations avec le mouvement Ennahdha, « même s’il tient à sa ceinture politique et ne cherchait pas à avoir 109 voix ».

«Le but de Fakhfakh n’est pas de mettre en place un gouvernement instable basé sur des coalitions fictives. La majorité absolue n’est pas son unique objectif, il a toute une vision pour la Tunisie qu’il souhaite présenter et mettre en œuvre», a-t-il souligné.

Vous l’aurez compris donc, l’actuel processus de formation du prochain gouvernement, qui au début semblait être confortable pour le chef du gouvernement désigné, ressemble actuellement à un jeu d’échecs opposant plusieurs forces opposées, dont les objectifs et les intérêts sont carrément inconciliables. Qui cédera le premier et qui fera prévaloir les intérêts du pays ? C’est la question centrale qui marque l’actuel processus, alors que les délais constitutionnels commencent à presser.

Laisser un commentaire