Mafia, entre histoire et légende… | De Tunis à la Nouvelle-Orléans : L’histoire de Carlos Marcello (1910-1993)

La Méditerranée est un carrefour de civilisations, de langues mais aussi d’histoires et de légendes.

La proximité géographique de la Tunisie avec la Sicile a fait de sorte que les échanges entre ces deux régions de la Méditerranée s’intensifient de plus en plus depuis la nuit des temps et que les peuples de ces deux rives se déplacent du nord au sud et du sud au nord en quête d’une dignité et des conditions de vie meilleures.

En effet, beaucoup de Siciliens ont quitté leur terre pour s’installer en Tunisie entre le XVIII et le XIX siècle, la plupart d’entre eux pour trouver un travail, certes, mais aussi pour fuir les chefs mafieux et la mafia qui dominait à la fin de 1800 une bonne partie de l’île.

L’une de ces familles mafieuses décida de quitter la Sicile pour venir s’installer en Tunisie, on suppose que c’était à cause des problèmes que la famille Minacori ou Minacore eut avec la justice ou encore avec d’autres «familles» pour le contrôle des terres et des flux migratoires.

Les Minacori étaient originaires d’un petit village sicilien, Ravanusa, près d’Agrigente.

Le 6 février 1910 à Tunis, Mme Minacori mettra au monde un enfant qui s’appellera Calogero. Un de ces vieux prénoms traditionnels siciliens de l’époque.

En 1911, une année après la naissance de Calogero, son père Giuseppe décide de quitter la Tunisie pour les États-Unis, un départ assez mystérieux et à la hâte. Giuseppe envoie sa femme avec son fils à Ravanusa et il les fit venir aux États-Unis, un an après. Autre mystère, son changement de nom : Giuseppe Minacori, devient Jo Marcello et son fils Calogero sera déclaré aux services de l’immigration américaine comme Carlos Marcello.

Toute la famille s’installe alors à la Nouvelle-Orléans, là où une bonne partie de la communauté sicilienne avait émigré, remplaçant à la fin du XIX siècle, grâce à « leur robuste constitution physique», les esclaves noirs employés par les Blancs dans la culture et la production de la canne à sucre !

Le gouvernement américain avait d’abord essayé avec les Chinois, mais ceux-ci étaient trop fragiles et ne supportaient pas les dures conditions climatiques et de travail et souvent ils mouraient de mort naturelle ou encore se suicidaient.

Mais les Sanacori, en Louisiane, auront toute autre « occupation »…

En 1929, à 19 ans, Carlos Marcello est arrêté pour le braquage d’une banque. Il ne fut pas condamné dans cette affaire, mais la même année, il est condamné à une peine de neuf ans pour vol à main armée. Il purge cinq années dans un pénitencier fédéral. En 1938, il est arrêté et accusé d’avoir vendu des stupéfiants. Initialement condamné à une lourde peine et une lourde amende, il s’en sort avec moins de dix mois d’emprisonnement. Lorsqu’il sort de prison, Carlos Marcello devient un associé de Frank Costello, héritier de la famille de Lucky Luciano à New York.

Avant la fin de l’année 1947, Carlos prend le contrôle de la mafia en Louisiane et  achète certains des plus importants casinos de la région. Carlos devient alors le chef incontestable de la mafia à la Nouvelle-Orléans, position qu’il conserva durant les trente années qui suivirent. Il est considéré, dans les années 1970, comme le gangster le plus puissant du pays, générant par son organisation un chiffre d’affaires d’un milliard de dollars.

Mais l’histoire de Carlos Marcello ne s’arrête pas là ! En 1961, Robert Kennedy est nommé ministre de la Justice et s’emploie à lutter contre le crime organisé. En mars 1961, il ordonne l’expulsion de Carlos Marcello vers le Guatemala. Ce dernier avait en effet indiqué ce pays comme son lieu de naissance sur des documents falsifiés, ce qui expliquerait son nom hispanophone. Le 4 avril, Carlos est envoyé de force et par surprise au Guatemala. Il lui faut peu de temps pour rentrer aux États-Unis de façon illégale après un voyage éprouvant. En 1963, suite à plusieurs procès en appel, la perspective d’une nouvelle expulsion se renforçait en novembre 1963.

Des témoins ont rapporté que Marcello proférait de nombreuses menaces à l’adresse de John Kennedy. Durant l’été 1962, Marcello déclara lors d’une rencontre entre mafieux que le président Kennedy allait se faire descendre et que Kennedy n’aurait eu que ce qu’il méritait. En septembre de la même année, il déclara  au cours d’une réunion « qu’un chien continue à mordre si l’on lui coupe la queue, tandis que si l’on lui coupe la tête, il cesse d’être dangereux…»

Après l’assassinat de Kennedy, en 1967, le F.B.I rédigea un mémorandum au sujet de cette réunion de 1962 où Carlos Marcello était montré clairement comme l’instigateur d’une action contre John Fitzerald Kennedy au lieu de Robert Kennedy. De même, lors de l’enquête menée par le procureur Jim Garrison sur l’assassinat, le F.B.I fit un rapport où il était indiqué que le « district attorney» de la Nouvelle- Orléans soupçonnait le parrain de cette dernière d’être impliqué dans l’affaire…

Enfin en 1992, l’ancien avocat de plusieurs parrains mafieux (dont Carlos Marcello), Frank Ragano, révéla plusieurs éléments notamment la haine de Marcello pour les Kennedy et son désir d’en finir avec ces derniers. Dans son autobiographie publiée en 1994 et intitulée Mob Lawyer, il révéla que le «boss» de Floride, Santo Trafficante Junior, lui avait confessé, avant sa mort survenue en 1987, que Carlos Marcello était impliqué dans l’attentat contre le président Kennedy du 22 novembre 1963.

Par ailleurs, la thèse de cette implication est défendue par l’historien américain Lamar Waldron dans son ouvrage « L’assassinat de JFK, affaire classée».

Carlos Marcello mourra le 2 mars 1993, dans une de ses propriétés en Louisiane.

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