Marché africain : Nouvelle frontière de développement

La Tunisie a été depuis longtemps précurseur dans les domaines de la coopération et du partenariat avec les pays africains, avec des initiatives remontant aux années cinquante et soixante du siècle dernier, concernant notamment le transport aérien grâce à des liaisons directes avec certains pays africains et à l’ouverture d’antennes bancaires tunisiennes.

Malheureusement, cet intérêt ne s’est pas poursuivi pendant des décennies et le regain d’intérêt aux marchés africains ne s’est manifesté que récemment. Plus frappant encore, certains décideurs découvrent seulement maintenant l’Afrique et commencent tout juste à prendre conscience de l’importance du potentiel qu’elle offre pour notre pays.

Un indicateur fort positif est à relever: les initiatives du secteur privé tunisien se multiplient et gagnent de plus en plus en pertinence et en efficacité, à l’instar des nombreuses rencontres et missions d’affaires organisées par de multiples structures et organismes, avec des réalisations et des résultats encourageants tant au niveau du développement des actions d’échange qu’à celui du lancement de projets de partenariat dans plusieurs domaines porteurs.

Jouer la carte de l’Afrique est une évidence aujourd’hui. Sans se détourner de nos marchés traditionnels, les entreprises tunisiennes ont compris que l’Afrique renferme un potentiel important de développement, d’investissement et de partenariat qu’il importe de savoir exploiter.

Quoiqu’on soit un peu en retard, «il faut se rattraper en unifiant nos forces et en se dirigeant ensemble vers ce marché. Il est temps de fonder et dynamiser des clusters et les consortiums, d’abolir les freins internes de l’entreprise tunisienne, de bien tracer une vision stratégique qui réponde à notre tissu et conjoncture économiques, de bien choisir nos partenaires stratégiques et de revoir le modèle national pour booster l’export vers un vrai développement à l’international», précise M.Tarek Chérif, président de la Conect.

Dans la course aux marchés africains, les entreprises tunisiennes accusent un retard criant par rapport à leurs concurrents. Aujourd’hui, les opérateurs économiques et les exportateurs tunisiens s’accordent à reconnaître que l’Afrique sera la locomotive de la croissance mondiale.

Néanmoins, des fragilités demeurent dans les échanges de projets de collaboration sud-sud qui peinent à se mettre en place.

L’objectif, aujourd’hui, réside dans l’examen des possibilités de booster la coopération entre les pays africains, d’ancrer la dimension africaine, notamment en Tunisie, d’identifier les nouveaux modes de coopération entre opérateurs économiques ainsi que les secteurs porteurs, de passer de l’intégration sous-régionale à une intégration globale. Autant d’objectifs qui doivent se transformer en actions coordonnées afin d’assurer un échange fécond et d’identifier des pistes sûres menant aux marchés africains potentiels.

Partenariat privilégié

Pour mieux ancrer la dimension africaine dans ses différentes actions de partenariat, la Tunisie a mis en œuvre une stratégie en la matière visant à répondre à sa faible intégration en Afrique.

Autant dire qu’après l’ouverture du continent à l’international avec  le niveau de croissance élevé qu’il dégage et les possibilités qu’il recèle, les entreprises tunisiennes sont obligées de ne pas se recroqueviller sur elles-mêmes pour ne pas perdre cette opportunité.

En effet, l’exploitation des potentialités offertes exige un grand effort de prospection, de financement et d’assurance des exportations, avec notamment un accompagnement dont doit bénéficier chaque opérateur dans sa démarche d’ouverture.

La Tunisie est l’un des principaux pays bénéficiaires des financements de la Banque africaine de développement (BAD). Elle compte ainsi plus de 40 projets et programmes en cours dans le portefeuille de la Banque, pour un engagement de près de 1,4 milliard de dollars, mobilisés dans les secteurs clés à savoir l’éducation, l’eau, l’agriculture, les infrastructures ou encore le numérique.

La BAD a apporté son appui  à la mise en œuvre du Plan National Stratégique «Tunisie Digitale 2020» ainsi qu’au secteur bancaire et financier et aux  réformes engagées dans les domaines de l’éducation et de la formation. Elle a apporté son expertise en matière de financement de projets d’envergure, à l’instar du projet d’appui à la connectivité routière dans le Nord-Est du pays, ayant comme objectif le désenclavement de certaines régions.

La BAD soutient, par ailleurs, l’agriculture en apportant l’expertise technique adéquate et le financement nécessaires au développement des chaînes de valeur agricoles et en introduisant l’utilisation des drones en vue d’améliorer la productivité agricole.

En 2019,  le portefeuille actif comprend 43 opérations dont 25 en faveur du secteur public, 4 au bénéfice du secteur privé ainsi que 14 opérations financées par le Fonds fiduciaire pour les pays en transition ainsi que le Fonds pour la transition en Afrique du Nord et au Moyen-Orient  (TFT/Mena).

Outre les opérations de financement, la BAD assure de multiples assistances techniques dont l’objectif d’accélérer la dynamique d’industrialisation et de développer les chaînes de valeur.  Il s’agit, également, d’améliorer la gouvernance des entreprises publiques et d’accompagner les réformes prioritaires du pays.

Par ailleurs, la Banque africaine d’import (Afreximbank) a décidé d’allouer 500 millions de dollars, au profit des entreprises tunisiennes dans les secteurs public et privé et 800 millions de dollars aux banques tunisiennes publiques et privées.

En marge de la 3ème édition de la conférence internationale « Financing Investment & Trade in Africa « (Fita), tenue récemment à Tunis, le directeur des financements du commerce interafricain de l’Afreximbank, Aymen El-Zoghbi, précise que ces montants sont inscrits dans le programme élaboré par la banque, au profit de la Tunisie, pour 2020.

Il est à noter que l’Afreximbank compte ouvrir une filiale à Tunis en 2020, qui couvrira les pays de l’Afrique du Nord et du Maghreb Arabe,  qui sera également un centre d’affaires dans la région.

Lors des assises de cette conférence, le PDG de la Société Internationale Islamique de Financement du Commerce (ITFC), Hani Salem Sonbol, a indiqué que «le Programme des ponts de commerce arabo-africains constitue l’un des plus importants programmes permettant de renforcer les relations commerciales et d’investissement entre les deux parties, indiquant que la Tunisie peut tirer profit de ce programme qui concerne aussi bien le volet financement que les volets développement, formation et évolution des échanges commerciaux.

Nouvelles pistes

Autant dire que la Tunisie peut être compétitive sur le marché africain dans plusieurs secteurs d’activités, à savoir l’ingénierie, les services, l’huile d’olive, les conserves et bien d’autres produits alimentaires. Quoique les quantités des produits exportés soient limitées, les hommes d’affaires tunisiens sont appelés à prendre de nouvelles initiatives avec des structures d’appui comme les chambres mixtes de commerce et d’industrie et le Cepex, afin de diversifier la gamme des produits destinés à l’exportation. D’ailleurs, la vision africaine de l’organisation non gouvernementale «Tunisia Africa Business Council» (Tabc) est focalisée sur l’accompagnement institutionnel du gouvernement aux hommes d’affaires tunisiens en Afrique subsaharienne. Car ce soutien ne peut que renforcer la démarche d’ouverture des entreprises tunisiennes pour conquérir de nouveaux marchés en Afrique et renforcer ses exportations.

Il est à noter que la Tunisie a réalisé des actions considérables  en Afrique subsaharienne à travers les services fournis aux entreprises de bâtiment et des travaux publics pour l’aménagement de l’infrastructure de base et l’installation de réseaux d’assainissement et d’évacuation des eaux pluviales. Par ailleurs, certaines de nos entreprises, en bravant les obstacles, ont réussi et opèrent dans divers domaines tels que les BTP, les TIC, les services de santé, de l’enseignement supérieur privé…etc

Le rôle de l’Etat demeure toutefois primordial pour stimuler les échanges bilatéraux. L’objectif doit être axé sur la facilitation de l’accès des entreprises aux marchés de la région à travers une révision de la logistique de transport des marchandises et des personnes, de la législation fiscale et des échanges..

Quasi-inexistence des banques

De l’avis de Bassam Loukil, président du Conseil d’affaires tuniso-africain (Tabc), les banques tunisiennes sont quasi-absentes en Afrique, notamment dans les pays subsahariens, ce qui est de nature a entraver l’implantation des entreprises tunisiennes dans cette région du monde.

M.Loukil indique que seule la Société Tunisienne de Banque (STB) est implantée en Afrique. Pour ce qui est de la Banque de l’Habitat, elle possède seulement des participations dans quelques banques africaines. D’après le président du Tabc, la quasi-inexistence de banques tunisiennes en Afrique résulte de l’absence d’un cadre juridique clair et d’une vision politique, précisant que le retard pris dans l’adoption du projet de loi portant amendement du code des changes et l’absence d’une ligne maritime entre la Tunisie et l’Afrique sont les principaux obstacles empêchant l’installation des entreprises locales. Seul le secteur privé a réussi à conquérir le marché africain, sachant  que le nombre des entreprises tunisiennes établies en Côte d’ivoire est passé de 13 à 57 entreprises durant ces trois dernières années. C’est le cas aussi des entreprises implantées au Sénégal, dont le nombre a augmenté de 3 à 15 entreprises.

Par ailleurs, les exportations tunisiennes vers l’Afrique ont évolué de 720 millions de dinars en 2016 à 3 milliards de dinars en 2019. De son côté, le gouverneur de la Banque centrale, Marwan Abassi, a qualifié de modeste la présence des banques tunisiennes en Afrique, malgré la présence de la STB, de la BH, d’Amen Bank et de deux sociétés de leasing dans nombre de pays africains. Le Maroc, le Sénégal et la Côte d’Ivoire, a-t-il souligné, ont été en 2018, les destinations préférées des investissements tunisiens en Afrique avec des parts respectives de 48%, 24% et 19%.

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