Rencontre avec Jean-Denis Bonan (Réalisateur) : Retour au pays natal

Jean-Denis Bonan est un réalisateur, plasticien et écrivain français né à Tunis en 1942 . La cinémathèque lui consacre une rétrospective à laquelle il sera invité.

JD Bonan, vous êtes né à Tunis, vous y revenez souvent… Que représente la Tunisie dans votre travail et dans votre vie ?

La terre natale, je crois que c’est une terre accrochée à vos souliers à tout jamais. Cette terre a construit mon regard. Dans mes films «Méditerranée Miroir du Monde» ou dans «Carthage – Edouard Glissant». La Tunisie occupe une place essentielle. Mais, d’une manière moins évidente, on retrouve une part de la Tunisie dans plusieurs de mes films. A titre d’exemple, mon goût d’archéologue qu’on peut voir dans certains de mes travaux comme «Traces sur un Mur» (qu’on verra à la cinémathèque le 21 février à 18h30), vient évidemment des sites archéologiques que je fréquentais enfant. Aussi, il faut que je dise qu’ayant vécu l’injustice coloniale au temps du «protectorat», mon engagement  politique s’est forgé sur la terre tunisienne.

Considérez-vous que votre cinéma est politique ?

J’ai été cinéaste dans des collectifs militants comme le collectif ARC en 1967-68 et Cinélutte que j’ai créé en 1973. Avec ces groupes, j’ai réalisé plusieurs films comme par exemple « Le Joli Mois de Mai » qui ouvre ma rétrospective à la Cinémathèque Tunisienne. Mais j’ai tendance à penser que tout cinéma est politique. Ce sera le thème de ma conférence le vendredi 21 à 16 heures. Je pourrais prendre nombre de mes films en exemple comme mon tout dernier-né «Bleu Pâlebourg» qui clôturera le cycle qui m’est consacré.

Vous êtes ce qu’on appelle un cinéaste marginal.  Être à la marge, est-ce que c’est un choix pour vous ?

On peut dire que je suis un rebelle face aux systèmes de production. Cependant, d’une manière violente, mon premier film professionnel, «Tristesse des Anthropophages» a été interdit par la censure en France durant de longues années. Ecarté du cinéma officiel, j’ai cultivé une certaine marginalité en autoproduisant plusieurs films. Ça correspond surtout à un besoin vital de liberté. Il est essentiel pour moi de travailler dans la liberté, même si faire des films sans argent apporte évidemment de grandes contraintes.

 Pouvez-vous nous donner une idée de votre manière de travailler aujourd’hui ?

Que ce soit dans mon écriture, dans mes travaux de peinture et de dessin ou dans mon travail cinématographique, je n’essaye pas de construire une œuvre cohérente avec un style déterminé.

Mon travail pourrait ressembler à celui d’un alchimiste qui essaye des mélanges, des formules ; bref, il me semble que je fais des essais, des épreuves. Si l’on rapproche un film baroque et coloré comme «Madame la France» d’un film plutôt diffus et discret comme «Bleu Pâlebourg», je ne suis pas certain qu’on y reconnaisse une pâte.

Le dénominateur commun de mes travaux, c’est la liberté, travailler le plus librement possible pour une sorte de poésie du vivant.

Il ne s’agit pas pour moi d’édifier un monument cohérent, mais d’insuffler un peu de vie sur mon chemin.

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