Souvenirs, souvenirs | Mokhtar Dhouib (ancien international du CSS) : «Respecté et adulé»

C’est l’une des légendes vivantes du sport tunisien. Mokhtar Dhouib est un joueur dont le nom a été marqué en lettres d’or dans les annales du football tunisien. Nous avons plongé avec lui dans ses souvenirs les plus intimes. Entretien.

Titulaire à part entière durant une dizaine d’années dans son club de toujours, le Club Sportif Sfaxien, aux côtés d’un grand nombre de joueurs, notamment Hamadi Agrebi et feu Mohamed Ali Akid, «Mokh» comme aimaient le surnommer les supporters sfaxiens, a remporté avec son équipe deux championnats en 1971 et 1977 et une Coupe de Tunisie en 1971.

Il a été élu dans le temps pour s’adjuger le Soulier d’Or, trophée destiné au meilleur joueur de la saison. En équipe nationale, il s’est illustré notamment en inscrivant le 3e but contre le Mexique à la Coupe du monde 1978 en Argentine.

Le CSS : la grande famille, la grande école !

Le Club Sportif Sfaxien dans les années 70 était pour Mokhtar Dhouib la grande famille et la grande école avant d’être la grande équipe : «Nous vivions depuis notre jeune âge dans une ambiance familiale. Nous nous aimions, nous nous entendions parfaitement et nous nous aidions sur le terrain et en dehors aussi. Nous avons formé une équipe difficile à battre, composée de joueurs techniques, tacticiens et disciplinés. D’ailleurs, le CSS qui a produit et formé des joueurs de la trempe de Ali Graja, Raouf Najjar, feu Moncef El Gaied et beaucoup d’autres qui se sont illustrés par leur jeu efficace et leur fair-play, est reconnu par un style propre à lui, à savoir un jeu technique, plaisant et attractif. C’est la marque de fabrique du CSS», estime Mokhtar Dhouib qui se souvient de deux grands matches en particulier gagnés contre l’EST : «En 1977, nous avons confirmé notre suprématie en prenant le meilleur sur notre grand adversaire, l’EST, sur le score de 3-1 au Stade 2-Mars à Sfax. Et puisque, dans le temps, la victoire sur l’une des grandes cylindrées à savoir l’EST, le CA et ESS, était pratiquement une fête, je me rappelle très bien que Sfax a vécu une ambiance festive après notre victoire remportée également devant l’EST à Tunis par le score fleuve de 4-1», se souvient notre interlocuteur.

Finale de 1977, la grande déception

Volet déception, Mokhtar Dhouib n’a pas oublié jusqu’à maintenant une déception qui est restée gravée dans son esprit : «En 1977, nous avions éliminé durant notre parcours en Coupe de Tunisie des équipes de grande envergure telles que le ST et CA pour être battus en finale par l’ASM et sur un score lourd (1-3). Le plus beau, c’est que des tee-shirt et des casquettes ont été vendus avant la finale sur lesquels ont été gravés: “Doublé pour le CSS avec brio”. La réalité du terrain était malheureusement autre», se souvient-il avec amertume.

Pour ce qui est des anecdotes, Mohktar Dhouib s’en rappelle plusieurs. Il a un jumeau qui se prénomme Taieb et qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau. «Combien de services ont été rendus à mon frère en croyant que c’était moi! Une fois, à l’occasion d’un match important, les supporters qui étaient en route pour le stade, ont aperçu mon frère au café. Emus, ils n’avaient pas hésité à lui demander pourquoi il n’était pas avec l’équipe avant presque une heure du début du match. Quelle surprise pour eux ! Il s’agissait de mon frère jumeau», s’est-il rappelé tout sourire.

«La Coupe de Palestine : ma première sortie en sélection»

La carrière de notre interlocuteur en Equipe nationale a débuté à l’occasion de la Coupe de Palestine en 1973. «J’étais convoqué en Equipe nationale par Ameur Hizem. Et bien que je fusse encore jeune, j’avais à peine 18 ans, j’étais bien accueilli par mes coéquipiers qui m’ont prodigué des conseils, notamment Zitouni, Rtima et Attouga. J’ai disputé bon nombre de matches avant de recevoir ma première titularisation lors du fameux match amical contre le Brésil».

Chettali, un meneur d’hommes

On ne peut pas rencontrer Mokhtar Dhouib sans évoquer l’épopée de 1978 en Argentine. Notre interlocuteur se rappelle les moindres détails de cette épopée, notamment le match qualificatif contre l’Egypte au cours duquel feu Akid a marqué un joli but de la tête : «C’était la conclusion d’une combinaison purement sfaxienne. Attouga me passa le ballon que je servis à mon tour à Agrebi. Il me le rendit et je fis un centrage pour Akid qui monta plus haut que le gardien Al Batal et marqua le 4e but. Ce but me rappela une phrase que Attouga ne cessait de répéter : si les trois Sfaxiens, à savoir Agrebi, Akid et moi sont convoqués en sélection, la victoire est assurée et la prime est en poche».

Les éliminatoires de la Coupe du monde de 1978 se sont déroulées dans une bonne ambiance. Tous les joueurs étaient traités sur un pied d’égalité. Abdelmajid Chettali, en meneur d’hommes, a su, en compagnie de Taoufik Ben Othman, encadrer l’équipe et motiver les joueurs pour qu’ils se donnent à fond : «Chettali est allé en personne à Sfax pour convaincre Hamadi Agrebi à répondre favorablement à la convocation en Equipe nationale. Chettali et Ben Othman nous entraînaient quatre fois par semaine, les lundi, mardi, mercredi et jeudi, puis nous regagnions nos clubs les vendredis en vue de disputer la journée du championnat et revenir par la suite en Equipe nationale. C’est grâce à ce régime que nous avions gagné beaucoup en automatisme et en entente», a expliqué notre invité.

L’équipe de Tunisie a surpris par sa belle prestation au Mondial d’Argentine. Une victoire au premier match contre le Mexique (3-1), une défaite étriquée contre la Pologne (0-1) et un match nul (0-0) contre l’Allemagne : «Parallèlement à une préparation adéquate, Chettali savait gérer les vestiaires, sachant trouver les mots adéquats pour nous motiver à donner le meilleur de nous-mêmes. Nous étions menés à la marque contre le Mexique. A la mi-temps, il avait préféré nous montrer le drapeau au lieu de beaucoup parler. Motivés à bloc, nous avions dominé l’adversaire. Nous aurions pu marquer plus de 3 buts. La victoire contre le Mexique nous avait donné des ailes. Nous étions battus de justesse par la Pologne. Puis, nous avons été lésés contre l’Allemagne détentrice du titre. L’arbitre nous avait privés d’un penalty», a tenu à préciser Dhouib.

L’aventure saoudienne

Accompagné de son ami de toujours, Hamadi Agrebi, et de l’Etoilé Raouf Ben Aziza, Mokhtar Dhouib a été recruté par le club saoudien Al-Nasr où il a connu un bon passage, malheureusement entaché par le décès de son équipier Mohamed Ali Akid qui évoluait au club Riadh encadré dans le temps par les deux entraîneurs tunisiens Ammar Nahali et Mohsen Habacha. «Certes, nous nous entraînions et vivions dans de bonnes conditions, mais Agrebi et moi-même n’avions pas supporté le climat chaud et aride. Nous avions préféré rentrer au pays», a précisé Mokhtar Dhouib avant de conclure : «Partout où j’ai été, j’étais respecté et même adulé. C’est mon véritable gain du football. Et j’en suis très fier».

Salah KADRI

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