Cérémonie de présentation du nouveau livre de Mansour Moalla Sortie de crise et union nationale: pourquoi et comment?

pourquoi et comment?

Dans son ouvrage, l’auteur cherche à trouver des réponses et des solutions à une question de fond: comment faire en sorte que la révolution ne soit pas confisquée par les enjeux politiques partisans ?

Mardi 25 février à 17h00, le gratin de la sphère politique s’est réuni pour rendre hommage à une figure de proue de l’économie nationale et un des fondateurs de la Tunisie post-indépendance: Mansour Moalla. La sortie de son nouveau livre intitulé Sortie de crise et union nationale: pourquoi et comment fait des émules et a suscité la mobilisation d’une centaine de personnalités nationales qui étaient venues assister à la présentation de l’ouvrage. Des politiques, des hommes et femmes d’Etat, toutes générations confondues, étaient présents à l’événement qui a été tenu sous le patronage du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouane El Abassi. Le livre, édité par Leaders et préfacé par le professeur des universités et ancien ministre Abderrazak Zouari, est une compilation d’une cinquantaine de chroniques écrites par l’auteur de juin 2011 à avril 2016, et parues dans les colonnes du magazine Leaders.  

Un parcours exceptionnel

Devant un parterre prestigieux de personnalités nationales, notamment d’anciens chefs d’Etat, ministres, gouverneurs de la Banque centrale mais également  de chefs de partis et de ministres proposés, le Professeur Abderrazak Zouari a présenté l’ouvrage, tout en mettant un point d’honneur à étaler le parcours d’un grand homme d’Etat. Un parcours qui, ponctué par  plusieurs ruptures avec le pouvoir politique, confirme la qualité d’un homme de conviction, a affirmé Pr Zouari. 

Docteur en droit et  ancien élève de l’Ecole nationale d’administration de Paris, Mansour Moalla a occupé le poste de directeur général de la Banque centrale en 1958, année de la création de la BCT et du dinar tunisien.  Il a été, ensuite, directeur de l’ENA entre 1963 et 1967. Il a été également secrétaire d’Etat à l’Industrie et au Commerce. Pr Zouari a évoqué que sa première rupture avec le pouvoir politique remonte à 1968. Mansour Moalla n’était pas, alors, d’accord avec l’orientation économique collectiviste qui avait été prise à cette époque. Plongé dans le monde des affaires, le premier directeur général de la Banque centrale fut rappelé au gouvernement au début des années 80 pour occuper le poste de ministre du Plan et des Finances jusqu’en 1983, année de sa deuxième rupture. Ensuite, Moalla  a fondé l’Iace. A ce sujet, l’orateur a expliqué qu’en créant l’Iace, l’ancien ministre a permis aux universitaires de découvrir le monde de l’entreprise, et en 1993, le pouvoir politique de l’époque lui a demandé de quitter la Biat qu’il a fondée et l’IACE, annonçant ainsi sa troisième rupture avec le régime politique.

Une actuelle crise issue de choix erronés

Intervenant sur les questions soulevées par l’auteur dans le livre, Pr Zouari a fait savoir que tout au long de l’ouvrage, Mansour Moalla cherche à trouver des réponses à une question de fond: comment faire en sorte que la révolution ne soit pas confisquée par les enjeux politiques partisans? “Étant un démocrate, Mansour Moalla a applaudi l’avènement du régime démocratique, mais en homme aguerri avec son expérience, il savait que le processus de transition serait difficile et engendrerait des coûts si certaines conditions n’étaient pas respectées et il s’est attelé à écrire ces articles”, a-t-il précisé. En s’adressant aux présents, notamment aux chefs de partis politiques, Pr Zouari a ajouté : «La conclusion que j’en ai tiré est simple: pourquoi la classe politique n’a pas suivi, dès le début,  les conseils de Mansour Moalla ? Parce que certains problèmes que nous vivons aujourd’hui sont le produit de choix qui ont été faits à l’époque et sur lesquels l’auteur a attiré l’attention. Si Mansour commence par un constat : le trop grand nombre de partis, le scrutin de liste avec la proportionnelle intégrale aggravée par les plus forts restes donneront  inévitablement une assemblée mosaïque émiettée où l’absence d’une équipe gouvernementale conduirait à la paralysie et à l’instabilité. Allons-nous alors de provisoire en provisoire, provisoire qui risque de s’éterniser. Si la classe politique tunisienne avait suivi les conseils de Si Mansour, la Tunisie n’en serait sans doute pas là, faisant face à une situation économique, dégradée et n’engageant aucune réforme structurelle d’envergure, afin de faire face aux problèmes du chômage et du déséquilibre régional».

Expliquant que l’ouvrage traite à la fois des questions politiques et économiques, Abderrazak Zouari s’est attardé sur les sujets politiques qui ont été évoqués par l’auteur à l’aube de la révolution et qui sont toujours d’actualité. C’est dans ce contexte qu’il a expliqué que l’auteur plaide pour un régime parlementaire mais avec un système majoritaire et non proportionnel. «Sur le plan politique, il fallait certes adopter un régime parlementaire mais avec un système majoritaire et non proportionnel, un scrutin de type uninominal et un seuil en deçà duquel on ne peut disposer d’élus», a-t-il souligné en se référant aux écrits de Moalla.  

En ce qui concerne le concept “d’union nationale”, l’auteur a mis l’accent dans son livre sur le rôle salutaire d’un gouvernement d’union nationale qui serait capable de faire face aux enjeux politiques et économiques, et ce, dans le respect des principes fondamentaux, à savoir la préservation des acquis de la Tunisie, notamment  sociaux et civilisationnels, en l’occurrence le Code du statut personnel, et la séparation de la religion et de la politique. Et le professeur des universités d’ajouter : «Concernant le type de régime, Si Mansour, a prôné, dès janvier 2011, l’abolition du régime présidentiel. Le partage du pouvoir entre un président élu au suffrage universel et un chef du gouvernement responsable devant le parlement n’est pas, selon lui, sain car il ne manquera pas d’installer la confusion au sommet de l’Etat. L’équilibre des pouvoirs à rechercher n’est pas entre le chef de l’Etat et le chef du gouvernement mais entre le pouvoir exécutif composé du chef de l’Etat et le chef du gouvernement et le pouvoir législatif».

Le mode de scrutin et les alliances ont été également abordés par l’auteur dès l’aube de la révolution. A cet égard, l’orateur a expliqué que Mansour Moalla plaide pour un mode de scrutin uninominal à un ou deux tours avec un seul élu par circonscription. Ce scrutin, soutient-il, permet l’émergence de personnalités indépendantes dont la présence est salutaire pour le succès des élections. Quant aux alliances l’auteur affirme, dans ses écrits, qu’une véritable alliance, entre les partis politiques est celle qui doit être conclue avant les élections pour établir un programme issu d’un accord commun. Or, selon l’auteur, le choix qui a été fait est un choix équivoque, peu clair et fragile. Toujours au registre des orientations politiques, Mansour Moalla a souligné la nécessité d’établir la démocratie locale, en partant de la commune, car la démocratie communale est, selon lui, la plus authentique. 

Rétablir la politique des plans

Au sujet des réformes économiques, Abderrazak  Zouari a expliqué qu’en scrutant le livre, on comprend que la transition économique est tributaire de la réussite de la transition politique. «Pour l’auteur, la révolution politique et l’instauration d’un régime démocratique doivent être suivis par une révolution économique et sociale. Sur tous ces aspects, lutte contre le chômage, réforme du système éducatif et son harmonisation avec le système économique, réformes financières et bancaires, développement des exportations, réduction de l’endettement, et enfin réforme de l’Etat, ces réformes exigent du courage, de la persévérance, de l’organisation et de la discipline. Malheureusement, depuis la révolution le pays est géré sans une véritable vision, ni stratégie. Il y a donc lieu de rétablir l’existence du plan, du budget économique et du plan de développement qui doivent refléter un grand mouvement de réforme sur la conception de l’Etat et de son rôle», a-t-il souligné. 

L’intervenant a conclu sa présentation par l’énumération des «commandements» énoncés par l’auteur  dans son dernier article publié en avril 2016 qui se présente comme un ensemble de propositions qui peuvent, souligne l’orateur, constituer une plateforme politico-économique pour les futurs responsables. 

Suite à la présentation, des politiques et des personnalités nationales ont débattu du tournant politique qu’a vécu la Tunisie, notamment lors du mandat parlementaire de la Constituante. Parmi les intervenants, l’ancien chef de l’Etat Mohamed Ennaceur a pris la parole et a proposé aux leaders politiques présents de se réunir dans le cadre d’un forum national portant sur le même thème: sortie de crise et union nationale: pourquoi et comment. 

Les dix commandements
Pr Abderrazak Zouari a énuméré les dix commandements énoncés par l’auteur dans son dernier article. Il a précisé, à cet égard, que ces propositions sont de nature à s’en sortir et dont la prise en compte pourrait aider le pays à se soustraire du cercle vicieux dans lequel il se trouve. Elles sont les suivantes: 1- Il faut faire face aux problèmes : terrorisme, chômage, stagnation économique et instabilité sociale 2- Un exécutif à deux têtes n’est pas viable. Le chef du gouvernement doit être un homme politique prouvé et un gestionnaire expérimenté, secondé par deux adjoints en charge, respectivement,  des problèmes d’ordre politique et économique 3- Le chef de l’Etat ne doit pas intervenir dans la gestion courante pour pouvoir exercer avec efficacité son rôle de recours et d’arbitre. 4- L’union nationale n’empêche pas la composition d’un gouvernement et d’une opposition.   5- Il faut donner la priorité à l’économie du pays et à son développement.  6- La politique économique à suivre doit être appuyée par la réalisation des grandes réformes indispensables dont celles de l’Etat. 7- La réforme doit concerner le système éducatif qui doit comporter un apprentissage économique et une préparation à la vie sociale et au monde du travail. 8-  Réformer le système fiscal, l’organisation du système bancaire et financier. 9- Réhabiliter le plan de développement qui a disparu depuis 2010. Dans le domaine économique, on improvise et on fait tout mal. 10- Encourager l’investissement pour la création d’emplois et l’encouragement des exportations.  M.S.

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