Restructuration des banques publiques | Feuille de route du CPED : La restructuration, un processus de rattrapage

La recapitalisation des banques publiques n’est qu’un préalable à un long processus de restructuration profonde et douloureuse. Et les résultats des missions du full-audit ainsi que l’assistance technique des institutions internationales devraient permettre au gouvernement d’y voir plus clair et de donner des recommandations… Malheureusement, rien n’a été publié jusque-là.

Depuis 2013, les gouvernements consécutifs et les parlementaires se sont engagés dans la recapitalisation, le changement de mode de gouvernance et la refonte du système d’information des trois banques publiques (BNA, STB, BH). On a, bel et bien, lancé l’audit de ces trois géants du secteur, injecté des millions de dinars et entrepris des pas vers l’avant. Mais, malgré ces efforts, ces établissements bancaires sont encore plombés par la mauvaise gestion et les défaillances. Toutefois, il n’est pas permis de faire marche en arrière.

Diagnostic, recette

Sept ans après l’engagement de réforme pris par le gouvernement tunisien, le sort des banques publiques continue de préoccuper les esprits des responsables et des spécialistes du secteur. Pour donner un coup de pouce au gouvernement dans ce processus, qui tarde encore à voir le jour, le Centre de prospective et d’études sur le développement (Cped), un think tank réunissant la crème du monde économique et financier, vient d’engager une réflexion approfondie, sous forme d’une feuille de route, sur le devenir des banques publiques.

Selon le Cped, toute réforme dans ce domaine devrait tenir compte de cinq éléments importants. Il s’agit tout d’abord de la nécessité de consolider le secteur bancaire dans son ensemble, en incitant  la création de banques de taille importante, capables de soutenir des entreprises ou des groupes qui n’ont cessé de s’agrandir et de se positionner à l’international. En outre, il est important de poursuivre l’effort d’assainissement du secteur et de renforcer sa compétitivité, et d’assurer une meilleure gouvernance du secteur, basée sur une plus grande souplesse dans la gestion, ainsi qu’une supervision et des systèmes de contrôle et de reporting plus efficaces.

Autre élément stratégique, c’est la prise en compte des orientations de l’Etat en matière de renforcement du rôle du secteur privé dans ce domaine, tout en gardant une présence du secteur public, plus réduite, mais plus efficace et en cohérence avec les objectifs économiques de l’Etat. Quatrièmement, il faut tendre vers un niveau de présence étrangère dans le capital des banques qui permet de profiter des avantages du partenariat technique avec de grands groupes bancaires, tout en évitant une forte mainmise de ceux-ci sur un secteur aussi stratégique. Le dernier élément cité par le Cped est la prise en compte, dans le cadre des opérations de restructuration qui seraient menées, de la capacité de résorption du marché à travers l’adoption d’un échéancier bien étudié.

Ainsi, sur la base de ce cadrage, la feuille de route propose quatre recommandations. Il s’agit tout d’abord de céder les participations de l’Etat dans les banques mixtes : BTE-Stusid-BTL/Naib-BTK & Best-Bank. Il faudrait rappeler, à cet égard, que le poids de ces banques dans l’activité demeure faible et qu’une concertation avec les partenaires étrangers est nécessaire pour mener à bien ces opérations de cession.

Deuxièmement, il faut engager la privatisation de la Banque Zitouna, qui s’est retrouvée accidentellement dans le secteur public, et de la Banque de l’Habitat. A cet égard, il faut signaler que le financement de l’habitat avec ses deux composantes (financement des promoteurs et des particuliers ) est assuré actuellement par quasiment  toutes les banques de la place. Quant au système défiscalisé d’épargne-logement, l’Etat devrait opérer par le biais de conventions avec toutes les banques qui voudraient y adhérer, ce qui permettra d’ailleurs d’étendre ce système et de le renforcer au profit des bénéficiaires potentiels et d’un développement plus important de l’épargne.

Le think tank recommande, également, de créer une Holding qui regrouperait la STB et la BNA, ce qui devrait permettre de continuer l’assainissement de ces deux banques et leur modernisation et de bénéficier des effets de taille (système informatique, formation, harmonisation du positionnement géographique des agences, etc.), tout en adoptant une privatisation de la gestion desdites banques qui serait facilitée par la création de la Holding. Une structure de cantonnement (BAD Bank) devrait, par ailleurs, être créée au sein de la holding et devrait hériter du noyau dur des actifs accrochés. Sur le moyen terme, la Holding pourrait donner lieu à la fusion des deux banques et le niveau de la présence publique devrait être ainsi réexaminé en fonction du nouveau profil du secteur bancaire après la réalisation de l’ensemble des étapes de la feuille de route.

Dans l’intervalle, la Holding devrait se positionner sur le plan international, notamment africain. Il est proposé, à ce titre, d’examiner l’opportunité de remonter au capital de la Sonibak dans lequel la STB détient une part importante, pour devenir majoritaire, ce qui mettra à la disposition de la Tunisie une licence qui lui permettra d’opérer dans l’ensemble des pays de l’espace Uemoa (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo).

Finalement, le centre recommande de créer une Holding dédiée à la PME/PMI qui devrait regrouper la Bfpme, la BTS et la Sotugar et qui devra gérer, en même temps, le Foprodi pour le compte de l’Etat. Cet ensemble disposerait de fonds spécialement dédiés au développement des régions sous forme de dotations remboursables dont devraient bénéficier exclusivement les gouvernorats de l’Ouest et du Sud du pays. Ce mécanisme devrait être conçu en relation avec la CDC au lieu et place de l’idée de création d’une banque des régions qui n’a pas de grandes chances d’être pérenne comme toutes les banques basées sur un secteur ou une région.

Mesures d’accompagnement

L’étude propose, par ailleurs, des mesures d’accompagnement de cette feuille de route, dont notamment le réexamen du capital minimum des banques pour le porter à 150 MD et la création d’un corps spécialisé d’administrateurs des banques, en ouvrant la possibilité d’inscription sur une liste d’habilitation dans laquelle  les banques peuvent puiser sur la base d’appels à candidature du moins pour les banques publiques.

Parmi les autres mesures, l’étude propose une privatisation effective de la gestion des banques publiques. Il s’agit, à cet effet, d’une mesure générale qui consiste à revoir la loi de 1989 et de réexaminer les mécanismes de tutelle exercée sur les entreprises publiques en distinguant entre celles qui opèrent dans un climat monopolistique et celles qui opèrent dans des secteurs concurrentiels, à l’instar des banques publiques, pour lesquelles la tutelle devrait être allégée, en recourant à des contrats programmes ou des contrats objectifs, régulièrement suivis et évalués .

L’étude considère, en effet, qu’il n’est pas admissible que les banques publiques continuent de solliciter l’autorisation du ministère des Finances pour des questions qui relèvent de la gestion courante.

 

(Image par Arek Socha de Pixabay)

Un commentaire

  1. mahmoud

    05/03/2020 à 10:53

    La feuille de route proposée par le CEPD remonte à 2017!!!!!

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