Reportage | Centre de stérilisation et de vaccination antirabique des chiens errants (Ariana) : Un projet pilote à valoriser

Dr Soumaya Chouk, directrice du centre de soins destinés aux chiens errants de l’Ariana, n’y va pas par quatre chemins pour dresser le bilan positif après quatre mois d’activité.

La prolifération des chiens errants aux quatre coins de la capitale et des villes tunisiennes soulève la question du bien-fondé des opérations d’abattage qui se sont multipliées ces dernières années sans connaître une amélioration notable sur le terrain. Il a fallu, à un moment donné, changer le mode opératoire en apportant des solutions moins radicales mais plus souples.

Une réflexion qui s’est transformée en action avec l’ouverture du centre pilote le 17 octobre 2019 à la faveur de la volonté du conseil municipal avec, à leur tête, M. Fadhel Moussa, maire de la «ville des roses» pour redresser la barre.

La structure étatique affiche un résultat satisfaisant sur ce plan avec un total de cent trente-cinq chiens errants stérilisés depuis son ouverture.

En visitant les installations du centre de stérilisation chirurgicale des chiens errants, le mardi 10 mars, Dr Soumaya Chouk, médecin vétérinaire conventionnée avec la municipalité de l’Ariana et ancienne directrice de la protection de l’environnement relevant de la municipalité de Tunis, a fait part de son satisfecit à l’heure des premières évaluations.

Le chien mordu est susceptible d’être contaminé par la rage, ce qui nécessite l’euthanasie pour abréger ses douleurs. L’abattage de chiens enragés reste de mise dans les circonstances ultimes mais il a montré ses limites

Précisément, le centre est rattaché à la direction de la protection de l’environnement et de l’hygiène de la municipalité de l’Ariana. En corollaire, Pr Ben Chehida, professeur de chirurgie et bénévole, encadre les jeunes internes issus de l’Ecole des sciences vétérinaires de Tunis. Dernièrement, la municipalité de l’Ariana a signé une convention de partenariat avec l’Ecole nationale de médecins vétérinaires pour l’envoi d’internes encadrés par Pr Ben Chehida, enseignant universitaire à l’Ecole des sciences vétérinaires, qui viennent apprendre à opérer les chiens et chiennes jusqu’à devenir des spécialistes dans ce domaine. Avant tout, il faut rendre à César ce qui appartient à César et rappeler le travail colossal du Pr Ben Chehida qui a opéré en un mois cinquante chiens notamment. C’est que la situation est devenue intenable.

En finir avec l’abattage

Les chiens errants rôdent autour des bennes à ordures parce que leurs anciens propriétaires les élèvent un temps et les abandonnent dans la nature un autre temps. Le rôle du citoyen est très important dans cette optique.

L’augmentation du nombre de chantiers, les comportements des propriétaires qui oublient leurs chiens pendant les vacances et les nombreux points de ramassage des ordures ne sont pas étrangers à la prolifération des chiens errants.

Dr Chouk argumente : «L’abattage est une solution trouvée par l’Etat qui a montré ses limites parce que les agents municipaux abattent deux ou trois chiens dans un groupe de dix chiens qui finissent par se disperser et s’échapper».

Dès lors, l’abattage est terminé, ils procèdent à la stérilisation des chiens errants suite à des captures. Les équipes de la municipalité capturent les chiens et les stérilisent. «Si le chien est agressif ou mordu, on procède à l’euthanasie spécifiquement dans le centre». Les mâles et les femelles sont stérilisés et identifiés par des boucles auriculaires. La boucle porte un numéro d’enregistrement et mentionne la date de capture, d’opération, de vaccination et de retour. «On le vermifuge sur place c’est-à-dire qu’on lui extrait les vers du corps par précaution contre la rage suite à une vermifucation.

95% des rages d’origine humaine sont dues aux morsures de chiens et 3 à 4% aux griffures de chats

Une fois stérilisés, ils sont remis à leur territoire strictement au même endroit où ils ont été capturés. Dès lors il n’y a plus le risque d’accouplement et de prolifération du moins dans le quartier concerné. Du reste, ces chiens vont empêcher l’arrivée d’autres chiens car ils ont une notion de territoire. Le centre prend en charge les chiens errants issus de quatre arrondissements de l’Ariana, Menzah, Ennasr, Ariana Médina et Ariana.

95% des rages d’origine humaine sont dues aux morsures de chiens et 3 à 4% des griffures de chat. En cas de morsure par un chien errant pour une raison ou une autre, Dr Chouk donne ses recommandations : «Si un citoyen est mordu par un chien il doit se laver immédiatement au savon vert puis se rendre à l’Institut Pasteur ou autre pour subir des soins et faire les contrôles nécessaires».

Dr Chouk a décrit une pyramide de reproduction des chiens qu’on vous explique plus en détails dans l’encadré en annexe. L’Organisation mondiale de la santé animale a recommandé de stériliser les chiens errants tout autant que le sont les chiens de propriétaires. «Il n’est pas question d’accueillir des chiens de propriétaires ou pour une consultation car le centre est exclusivement réservé aux chiens errants», ajoute-t-elle.

L’entassement des ordures attire les chiens errants

Dr Chouk remet en cause la méthode d’abattage de bêtes sans défense d’autant plus qu’elle suscite la colère des habitants et de la société civile qui exigent une approche plus sensible. En Turquie, à titre d’exemple, les citoyens sont plus dociles avec ces bêtes en les nourrissant et en leur prêtant attention. Les captures se font suite aux remarques des citoyens qui déposent une plainte pour évacuer les chiens de la place jusqu’à ce qu’ils soient stérilisés.

Le chien mordu est susceptible d’être contaminé par la rage ce qui nécessite l’euthanasie pour abréger ses douleurs. L’abattage de chiens enragés reste de mise dans les circonstances ultimes mais il a montré ses limites. Il faut résoudre le problème des chiens errants de façon générale. Ils sont agressifs uniquement lorsqu’on s’approche d’eux et qu’ils se sentent menacés ou en danger.

Dr Chouk est contre l’idée d’héberger les chiens errants dans des centres de refuge car elle estime que ce n’est pas le rôle de la municipalité. Des sociétés privées le font pour fournir les réseaux d’adoption de chiens.

Dr Chouk sous-traite avec les municipalités de Soliman, La Manouba et La Goulette notamment pour apporter son expertise et appelle les autres municipalités à faire de même avec les chiens errants dans leurs quartiers. Un riverain du côté de Oued Ellil a déclaré avoir vu des meutes de cinquante chiens qui se déplacent par groupes dans son quartier. Une réalité qui s’explique par le trop-plein et l’entassement des ordures dans le gouvernorat de La Manouba. Ce qui pose le problème avec acuité pour ces zones défavorisées de la capitale.

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