Plus de trente ans à relever tous les défis de la vie: la tête et le cœur, malgré les jambes

Malgré son handicap,  Ibtissem Trabelsi continue de lutter contre vents et marées pour se frayer une place au soleil. Et elle réussit  à chaque fois à se surpasser.  Elle vient, tout récemment  d’entamer une nouvelle étape de sa vie en lançant sa propre affaire de vente à distance

Même si ses jambes n’ont jamais pu la porter ou presque, Ibtissem Trabelsi  n’a jamais baissé les bras. Malgré son handicap, elle continue de lutter contre vents et marées pour se frayer une place au soleil. Et elle réussit  à chaque fois à se surpasser.

Cela a commencé pour elle avec  la réalisation de l’exploit de tenir bon, aidée en cela par sa famille, afin de poursuivre ses études et de les pousser le plus loin possible et elle continue aujourd’hui et depuis de longues années de tout faire pour qu’elle puisse gagner dignement sa vie.

Toujours rayonnante de vie et d’espoir, Ibtissem (le fait de sourire) vient, tout récemment,  d’entamer une nouvelle étape de sa vie en lançant sa propre affaire de vente à distance après avoir géré sa propre boutique pendant un peu moins d’une quinzaine d’années et géré celle d’une amie pendant un peu plus de trois ans.

Avec patience, minutie et goût, elle est en train de bien avancer dans ce type de commerce encore nouveau chez nous mais très porteur. Le départ a été encourageant et le carnet de commande se remplit de jour en jour. Il faut dire ici qu’Ibtissem  possède tous les atouts pour  faire réussir son affaire d’autant qu’elle a acquis une bonne expérience au sein d’une équipe de vente à distance.

En association avec une amie, elle vient donc de créer une page commerciale sur les réseaux sociaux, de s’équiper en matériel informatique grâce, entre autres, à ses maigres économies  et est en train de se donner à fond pour développer son affaire.  Cela après avoir bien choisi ses partenaires techniques (sponsorisation, approvisionnement, livraison, etc.)

Tout baigne dans l’huile ou presque. Mais les risques sont là et ils se résument dans le comportement déloyal de certains clients qui passent leur commande puis s’évaporent, et ce,  malgré leur engagement. Une pratique qui nuit à l’entreprise qui se retrouve obligée de casquer les frais de livraison, sans la conclusion de la vente.

Mais Ibtissem, qui travaille sans relâche de sept à minuit, est décidée de faire réussir sa nouvelle affaire et de participer aux dépenses familiales qui dépassent de loin l’allocation de retraite de son père, surtout que sa mère souffre d’une maladie chronique gourmande  en soins et en médicaments.       

Sa tâche quotidienne, se surpasser                                                                                                                                    

Mais la lutte d’Ibtissem pour s’affirmer n’est pas née aujourd’hui, elle a commencé il y a plus de trente ans lorsqu’encore, très jeune, elle ne pouvait pas marcher comme les enfants de son âge et il était assez difficile pour elle de se relever après une chute.

Son handicap est rapidement détecté car Aïda,  sa sœur, de trois ans plus âgée qu’elle, souffrait, elle aussi,  de la même maladie, une myopathie. Une affection neuromusculaire d’origine génétique qui évolue rapidement vers le handicap lequel engendre de multiples et pressants besoins d’assistance.

Résignée à son sort, Ibtissem regardait à l’époque les enfants de son âge jouer et gambader en se contentant de pleurer en silence. Grâce à l’amour de ses parents, leur volonté et certaines facilités  accordées par les établissements scolaires, Ibtissem a pu, ainsi que sa sœur, arriver en terminale.

Il faudrait préciser que le fait d’habiter Jedaïda (Gouvernorat de La Manouba) ne facilitait pas les choses pour Ibtissem et sa sœur, car pour aller au collège puis un peu plus tard au lycée, il fallait faire plus de quinze kilomètres. Cela sans compter le temps à accorder au suivi médical et aux séances régulières de kinésithérapie.

Et Ibtissem de se rappeler, souvent, ces journées entières passées dans ces établissements scolaires clouées, elle et sa sœur,  chacune sur son fauteuil roulant, et  comment elles prenaient seules leur déjeuner dans une classe vide, car il leur fallait attendre que leur père finisse son travail pour  venir les chercher en fin d’après-midi.

« Je me suis habituée à ma condition, et je me suis pliée sans broncher à la volonté de Dieu », répond-elle à chaque fois que quelqu’un lui exprime sa compassion et lui demande ce qu’elle ressent en vivant son handicap.

Et c’est ainsi qu’Ibtissem continue son chemin  toujours souriante et  pleine d’humour,  en s’occupant à merveille de sa santé fragile, de celle de sa mère et aussi de son apparence physique. Elle s’occupe également  de ses amis qui lui rendent visite quotidiennement ou presque et qu’elle régale grâce à sa passion pour la cuisine et la pâtisserie.

Le seul problème qui reste, pour elle,  difficile à résoudre, ce sont les déplacements dans la rue. Rien n’est fait ou presque dans notre pays pour faciliter, en effet, les déplacements pour les handicapés moteurs, et ce, malgré un arsenal juridique assez développé. Disons plutôt que tout est fait pour rendre leurs déplacements très difficiles, sinon impossibles.

Exemple des plus frappants. Pour aller, l’autre jour, changer un peu d’air au centre de la capitale, Ibtissem en a vu de toutes les couleurs. Même dans l’allée centrale pourtant spacieuse, elle s’est retrouvée face à des obstacles infranchissables. Une tente géante lui barrait la route, en voulant prendre le minuscule trottoir qui longeait les rectangles verts, elle s’est retrouvée nez-à-nez avec un poteau (Voir photo)

C’est avec un sourire ironique que répond Ibtissem lorsqu’on lui  demande pourquoi elle a été obligée de travailler malgré les difficultés qu’elle avait rencontrées et qu’elle   ne réclame  pas, ainsi que sa sœur, leur droit à une allocation sociale.

Elle a au fait  abandonné d’espérer un jour jouir de ce droit car, à chaque fois, l’administration leur répond que leur père possède des revenus suffisants pour les prendre en charge, ce qui est loin de toute réalité.

Aimant la lecture, le théâtre et la musique, Ibtissem et Aïda font tout pour assister aux spectacles les plus intéressants, et ce, grâce au dévouement de leurs parents et leur droit d’accéder gratuitement aux espaces culturels. C’est ainsi qu’elles se sont liées d’amitié avec les plus grands artistes tunisiens et arabes. Son rêve ? Réussir son affaire mais aussi avoir la possibilité de découvrir le pays ainsi que de voyager à l’étranger. En attendant, elle se confine, ces jours-ci  chez elle, elle et sa sœur car elles sont  classées « personnes très vulnérables vis-à vis du coronavirus » .

Foued ALLANI

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