«Les Valeureuses», de Sophie Bessis: des femmes tunisiennes aussi puissantes que les légendes


L’avant-dernier livre de l’historienne Sophie Bessis, «Les Valeureuses» veut redonner tout leur éclat à des femmes marquant toujours la mémoire des Tunisiens. Cinq héroïnes hors pair, dont la vie a fini par se transformer en mythe.


Journaliste dans sa jeunesse, historienne confirmée depuis des années, Sophie Bessis, d’origine tunisienne, est une auteure aux multiples champs de spécialité et d’expertise : économie, géopolitique, développement… Elle s’intéresse en plus depuis toujours  à la question des femmes et fait partie de ces historiennes qui cherchent à exhumer des parcours de femmes de l’oubli presque  volontaire de la grande Histoire. C’est ce qu’elle tente de faire dans son livre «Les Valeureuses. Cinq Tunisiennes dans l’Histoire», édité chez Elyzad en 2017. Un livre de poche pertinent de 220 pages, intelligent et riche en informations sur cinq vies de femmes tellement exceptionnelles qu’elles se sont vues transformées en légendes. Elles s’appellent Elissa-Didon, d’origine phénicienne et fondatrice de la civilisation carthaginoise, Aicha Saida Manoubia, la sainte du XIIIè siècle, patronne de Tunis, Aziza Othmana, princesse descendante d’Othman Dey, née vers 1606, Habiba Menchari, féministe de 1929, fameuse pour s’être dévoilée en public, et Habiba Msika, à la fin tragique, belle chanteuse et actrice adulée des années 1920, femme moderne et affranchie des traditions jusqu’aux bouts des doigts.

Aridité des sources, rareté des archives

«Sont-elles les seules à  s’être inscrites, presque par effraction, dans un récit national où ne figure qu’un seul sexe, laissant l’autre dans l’ombre, le renvoyant à son immémoriale invisibilité ? », s’interroge Sophie Bessis dans l’introduction de son ouvrage. Elle répond par une évidence : la rareté, voire l’inexistence des sources fiables concernant des vies de femmes célèbres découragent les chercheurs, y compris les plus motivés. C’est un effort supplémentaire que l’historien doit fournir pour enquêter sur ce sujet en allant investiguer dans la littérature, la chanson, l’opéra, le théâtre, les mythes… «Notre travail, ici, sera plutôt de faire de l’histoire avec les pauvres matériaux disponibles», spécifie l’historienne.

Elle fait encore remarquer : «A défaut de pouvoir plonger dans les profondeurs du passé réel, c’est celles de l’imaginaire que ces femmes habitent. C’est ce qui a fait souvent qu’on ne les a pas oubliées. L’invention pure cohabite dans ces cas avec les fragments d’une histoire trouée d’inconnues», note l’auteure des Valeureuses.

Les destinées de ces femmes d’exception relatées par Sophie Bessis se lisent comme un roman aux rebondissements inattendus, dont les personnages principaux sont des reines, des artistes ou une féministe avant l’heure. Toutes n’ont pas eu de fin heureuse, combattues qu’elles ont été par le patriarcat et l’opposition d’un pouvoir qui tient à rester unisexe. Tant d’autres femmes tunisiennes méritent un retour sur leur vie et leur œuvre.

N’est-il pas enfin venu le temps, notamment avec cette dernière vague de révolution féministe liée au phénomène devenu international « Me Too », de revisiter d’autres existences de femmes tunisiennes libres et affranchies des dogmes? Ces femmes qui servent de repères pour toutes celles, inscrites dans le mouvement féministe local, qui continuent à lutter pour un meilleur avenir et une plus grande visibilité des Tunisiennes.

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