La peur, une souffrance pour tous

Dans l’interview qu’il a accordée à deux chaînes TV locales, le Chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, a pointé  du doigt le mal qui ronge l’Etat depuis des années. Ce mal est l’une des principales causes de l’immobilisme dans lequel se trouve l’Etat. Il serait à l’origine du désastre économique de notre pays et ouvre la voie aux lobbies et aux spéculateurs, toutes catégories confondues, pour profiter des verrous qui plombent encore l’administration par des textes de loi rigides pour s’assurer un parachute doré. Et c’est la crise du Covid-19 qui a mis à nu un système éculé, qui s’est enrayé à force de ronronner. C’est une folie dont le prix se paie aujourd’hui!

Mais ce désastre, il faut le dire parce que c’est la vérité, ce n’est pas l’économie de marché, ce n’est pas le capitalisme sauvage qui en sont la cause. C’est plutôt la peur qui lie poings et mains les responsables. Une peur qui empêche d’entreprendre, de s’engager et qui bloque l’esprit d’initiative. L’affaire des deux millions de bavettes en est la parfaite illustration. On avait un besoin urgent de deux millions de masques en une semaine au profit des travailleurs des secteurs vitaux : police, agents de santé, marchés de gros, etc.

Il fallait faire un choix : suivre la marche normale de passation de marché et attendre plus de dix semaines pour équiper ces agents exposés à un très haut risque de contamination ou bien se permettre une entorse à la loi et passer à la vitesse de croisière de la production de ces masques par un marché de gré à gré. S’agissant d’un produit paramédical jugé indispensable pour préserver des vies, le ministre de l’Industrie a engagé les négociations avec un fabricant de la place. Celui-ci avait une autre casquette, celle de député. Illico presto, l’information a fait tache d’huile. Les accusations fusaient de partout.

Des spadassins de tous bords ont tenu en joue le ministre. Et ce ne sont pas forcément les chasseurs de têtes des instances chargées de la lutte contre la corruption qui ont mis dans leur viseur le ministre et l’équipe gouvernementale de Fakhfakh, mais des lobbies de l’industrie textile qui réclament leur part du gâteau et des factions politiques qui se sont engouffrées dans la brèche pour ébranler cette jeune équipe gouvernementale pièce par pièce.

Le pire, c’est que cette affaire a paralysé une administration déjà frileuse à l’idée des soupçons de corruption. Cet autel sur lequel on sacrifie toutes les initiatives et on tue dans l’œuf le rêve de milliers de jeunes porteurs de projets. Et quand on a peur, on ne prend plus de risque. On n’a plus de rêve et on ne se projette pas dans l’avenir. Or, la crise a dévoilé de nouveau la capacité du génie tunisien.

Ces centaines de jeunes start-uppeurs qui ont mis au service de l’Etat leur talent aux multiples facettes ; des robots aux drones en passant par des applications en tous genres, pour vaincre la crise. Et à peine l’Etat a-t-il commencé à composer avec eux, que  la peur s’est installée de nouveau. Que l’on marche de nouveau à reculons. Il faut vaincre cette peur.

C’est la tâche la plus urgente. On ne la vaincra pas en se tirant dans les pattes, mais en libérant l’administration de ce fardeau qui pèse sur ses frêles épaules.

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