Eloge du papier

Quand Elyes Fakhfakh a été chargé de former le gouvernement par le président de la République, il a reçu une lettre en papier signée par Kaïs Saïed. Quand le Chef de l’Etat a prêté serment, il avait posé la main droite sur le Coran dans sa version papier. Quand deux tourtereaux scellent leur union à jamais, ils reçoivent entre les mains un contrat de mariage en papier. Quand une femme donne naissance à un bébé, un extrait de naissance en papier est la preuve administrative qu’un nouvel être humain a vu le jour sur terre. Quand on juge un accusé, le verdict est consigné des mains du magistrat sur un papier.

Le certificat de propriété d’un logement, le contrat de vente, le titre bleu, l’autorisation de bâtir et le passeport, tous ces documents si importants sont en papier. C’est pour dire combien le papier est important dans notre vie. Certes, quand le regard est posé sur le futur avec cette transition digitale indispensable, on ne doit pas oublier le papier. Que ce soit un journal, un livre ou un document. Dès la naissance jusqu’à sa mort, le Tunisien a besoin d’un document en papier. Sans ces papiers, il n’existera pas en société. C’est un fantôme. C’est pourquoi quand nous assistons à une mort programmée de la presse papier, nous ne pouvons qu’être étrangement préoccupés par le sort réservé à la société. Car avec un smartphone ou une tablette, la vie des gens vire au virtuel. Ils sont de plus en plus loin du réel, du naturel.

Or, pour garder une vie équilibrée et normale, on doit conserver le plaisir de l’activité physique de plein air, de la créativité artistique comme peindre, composer et jouer de la musique. C’est pour cela que toucher le papier d’un livre, d’un journal, c’est comme tâter le pouls d’un être vivant. On sent son odeur et on apprécie sa texture. Il serait triste de substituer le calme que dégage l’écrit sur papier par le tout numérique.

Ce serait comme rompre avec la vraie vie pour dépendre d’un système informatique. Il ne faut pas que cette vie s’arrête avec une simple rupture du courant électrique. Car en gardant jalousement entre ses mains un journal papier, on peut continuer à rêver, à voyager à travers les rubriques, loin du culte de l’instant et du flux tendu de l’information sur les écrans tactiles et à travers les ronces des réseaux sociaux. Alors que le numérique nous transforme en zombies scotchés aux écrans de leurs téléphones, le papier nous rappelle notre humanité et mérite d’être mieux choyé et non pas dénigré, délaissé et oublié.

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