L’exigence de vérité nous oblige de reconnaître que la situation politique de la Tunisie est très préoccupante. Les gouvernements successifs n’ont cessé de s’enfoncer pour une raison ou pour une autre depuis 2011.  Cette dégradation des performances politiques n’est pas seulement navrante. Elle est à l’origine d’un problème social et économique puisque la déstabilisation des gouvernements ne fait qu’affaiblir leur rendement.

Et au lieu de chercher à changer de modèle de développement et de tout faire pour faciliter à l’équipe gouvernementale en place son action et à soutenir sa vision, on cherche à ébranler la solidarité de cette équipe.

Ce qui fait que nous sommes aujourd’hui dans une situation impossible où il faudrait, pour maintenir cette équipe en place, sacrifier quelques-uns de ses membres dont les blocs parlementaires ont voté favorablement pour la motion présentée en plénière à l’ARP et ont par conséquent exprimé une position contre le mouvement Ennahdha et son président. Au lieu d’inscrire cette polémique sur la diplomatie parlementaire au registre de l’exercice démocratique et de la considérer comme nulle et non avenue, puisque la motion n’a pu aboutir au résultat escompté, Ennahdha a préféré montrer ses dents. Mais en cherchant à sanctionner les députés insoumis et en revendiquant de faire le remue-ménage au gouvernement, ils n’ont pas inventé une solution mais créé un problème. Ce problème a pris la forme d’une crise introduite au sein d’un gouvernement qui se bat encore pour sauver des vies, des emplois et s’escrime à trouver la voie d’une relance royale à même de rallumer les moteurs économiques et retrouver le chemin de la croissance. Il y a un point fondamental sur lequel nous devons insister. En prenant en tenailles le Chef du gouvernement, c’est le destin de tout un pays qui est pris en otage. En effet, au lieu de penser à une solution durable et structurelle au problème politique au sein de l’ARP, qui est en outre la seule réponse à la division des blocs, l’approche punitive sonne comme une double condamnation pour les partis qui se sont joints à Abir Moussi dans son crime de lèse-majesté.

Mais encore une fois, au lieu de s’enorgueillir d’avoir un Parlement régi par un esprit démocratique, l’hémicycle s’est transformé lors de cette plénière en une arène où pugilat verbal, hypocrisie et mensonges répétés ont conduit à plus de fragmentation politique. Devant l’étendue de ce morcellement politique, il faut agir avec responsabilité. Car s’il n’est pas envisageable de réformer le parlement en réduisant les élus du peuple en esclaves d’une seule école de pensée, il n’est pas non plus utile de chercher l’éviction de certains ministres par pure vendetta.

Le fait d’être le parti n°1 à l’ARP ne donne pas à Ennahdha le droit de faire plonger le pays dans une nouvelle crise qui emporterait dans son sillage les rêves de milliers de jeunes, juste pour rappeler aux Tunisiens qu’il est encore capable de faire la pluie et le beau temps. Car il ne faut pas l’oublier, c’est Rached Ghannouchi qui a mis le feu aux poudres en outrepassant ses prérogatives parlementaires. Il ne sert à rien non plus de glorifier l’œuvre inachevée d’Abir Moussi, car elle a gagné des points certes, mais elle a englué le pays dans une nouvelle crise. Ce gouvernement est encore frais et porte un projet auquel il faut donner les moyens d’aboutir. Si ce bateau chavire, c’est tout le pays qui risque de couler. Pour l’intérêt de tous, il doit garder le cap.

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