IL y a quelques mois, les Tunisiens applaudissaient des deux mains l’exercice démocratique parlementaire qui a fait chuter la formation gouvernementale de Habib Jemli. Ils étaient fascinés par le civisme et l’unicité dans le vote contre ce gouvernement à partir d’un socle commun, à savoir choisir le meilleur pour la Tunisie. Cet exercice démocratique avait rassuré les électeurs et l’opinion internationale sur leur vision du monde et sur leur projet pour la Tunisie.

Mais quelques jours après, cette parenthèse a été vite fermée pour voir les députés revenir à leurs discours aux formules assassines. Cela s’est illustré d’abord durant la séance plénière qui a été consacrée à l’audition du président du Parlement sur fond de sa visite en Turquie. Le ton était grave. Les propos étaient choquants. De part et d’autre, les accusations fusaient à n’en plus finir. On revient à la case départ le jour même où la nouvelle législature est entrée en action et durant lequel l’hémicycle du Bardo a pris l’allure d’une foire d’empoigne où tout est permis.

Ce qui s’est passé ce jour-là nous renvoie déjà aux délices du caniveau lorsqu’un incident entre les députées Abir Moussi (PDL) et Jamila Ksiksi (Ennahdha) a mis en branle deux factions politiques habituées à croiser le fer. Le duel a vite dégénéré pour tourner au sit-in. Chose qui n’est pas étrange aux démocraties dont l’illustre Congrès américain avec des contestations et des sit-in récurrents. Jusque-là, on était encore dans le registre démocratique quoique terni par une brutalité verbale inacceptable.

Mais voilà que de l’agression verbale, on en vient aux mains. En effet, une tentative d’agression avérée au siège même de l’Assemblée des représentants du peuple contre la présidente du Parti destourien libre par des éléments appartenant aux défuntes Ligues de protection de la révolution (LPR) a provoqué un tollé général. C’est pour dire que les deux sessions plénières à l’ARP en date du 3 et du 9 juin ne dérogent pas à la règle. Ce qui s’est passé pendant ces deux réunions ne nous choque plus. Mais ce qui nous étonne, c’est qu’on ne peut même pas être d’accord sur ce qui est commun à l’ARP.

C’est pourquoi nous sommes face à une image écornée d’une assemblée en pleine ébullition, composée d’une mosaïque loin d’être harmonieuse.

Pourtant, c’est l’image du pays et du peuple tunisien qui en pâtit.  Sommes-nous à ce point incapables de montrer au monde l’autre image de la Tunisie et des Tunisiens ? Car ce besoin de croire à un avenir meilleur qui s’est exprimé si fortement durant la campagne électorale qui vient de s’achever ne doit pas se transformer en un cauchemar.

L’ARP n’est-elle pas le lieu indiqué pour contrecarrer les idées revanchardes et apporter la preuve, si besoin est, de l’attachement constant de la Tunisie à consacrer la continuité entre le passé et le présent et à œuvrer à assurer durablement la pérennité, la solidité, la vitalité et le renouveau constant de son identité sociale, religieuse et culturelle. Il est grand temps de baliser le chemin de la tolérance et de l’ouverture parce que jamais l’intolérance et le sectarisme n’ont été aussi destructeurs, parce que jamais il n’a été aussi nécessaire que toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté mettent en commun leurs talents, leur intelligence, leurs idées pour imaginer un avenir sans confrontation.

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