Mouna Ben Halima – Propriétaire de l’hôtel La Badira: “On aurait pu opter pour le cas par cas”


Pour Mouna Ben Halima, ancienne membre du bureau exécutif de la FTH, le secteur ne peut reprendre que lorsqu’il se met au diapason des autres destinations concurrentes.


“Tous les arguments positifs sont vendeurs et sont en faveur du pays. On est fier de notre bilan sanitaire, mais tout cela ne tient pas la route quand on oblige un client à rester enfermé dans son hôtel et à payer un budget supplémentaire pour effectuer un test de dépistage PCR”, a affirmé Mouna Ben Halima, propriétaire de l’hôtel de luxe La Badira à Hammamet, dans une déclaration accordée à La Presse.

En effet, interrogée  sur l’incidence du tweet qui a été posté par l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) et dans lequel l’institution internationale promeut la Tunisie en tant que destination sûre covid-safe, l’ancienne membre du bureau exécutif de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH) a expliqué qu’une telle publication aurait pu avoir un impact positif sur la destination Tunisie si “on avait facilité l’accès au pays comme l’ont fait les destinations concurrentes”.

Exigence controversée

Par ailleurs, deux communications concernant le secteur ont été publiées successivement  durant la semaine dernière et ont suscité une polémique qui a enflammé les réseaux sociaux. La première, un tweet qui a été posté par l’OMT et qui promeut  la Tunisie en tant que destination touristique sûre, a dû enchanter le secteur mais pas pour longtemps. Et pour cause, un communiqué qui a été publié, vendredi 12 juin,  par le gouvernement fixant les modalités et les conditions d’accueil et  de séjour des touristes. Selon le communiqué, le touriste doit effectuer un test Covid-19 réalisé dans son pays 72 heures avant son départ pour la Tunisie. Cette exigence très controversée n’a pas, semble-t-il, plu aux hôteliers dont la fédération a alerté  dans un communiqué publié dimanche dernier, sur des annulations massives de réservations enregistrées  pour les mois de juillet et août 2020, en raison de mesures qui “constituent une contrainte certaine et dissuasive à l’accès à notre destination”. “Il y a une confusion entre le protocole sanitaire et le communiqué qui a été publié vendredi dernier, portant sur les modalités d’ouverture des frontières et d’accueil des touristes. Le protocole sanitaire, même s’il est difficile à appliquer, est très professionnel et très strict. Nos clients nous félicitent pour ce protocole. Ça les rassure. Par contre, ledit  communiqué détaille les exigences qui doivent être respectées non pas par les établissements touristiques mais par les touristes. Et c’est complètement inacceptable. Exiger un test PCR qui coûte 80 euros, c’est imposer un budget supplémentaire qui peut atteindre les 320 euros pour une famille de 4 personnes”,  a expliqué Ben Halima.

Elle a souligné, dans ce même contexte, que ces exigences imposées par la Tunisie sont le sujet de contestation des touristes et des tour-opérateurs et sont à l’origine de l’annulation des rotations aériennes. “ Luxair a annulé deux rotations aériennes en provenance de Belgique programmées pour le 27 juin. La compagnie a également annulé tous les vols programmés aux mois de juillet et d’août qui sont en provenance des pays sortis du confinement”, a-t-elle affirmé, dans le même contexte.

Pour la propriétaire de La Badira, il est impossible de veiller au respect des nouvelles mesures exigées par la Tunisie, comme par exemple  l’obligation de rester dans les hôtels. “ Il est impossible d’appliquer ces mesures à moins que l’hôtel devienne une prison. Si on a décidé d’ouvrir les frontières, on aurait dû mettre en place les mêmes conditions appliquées dans les destinations concurrentes. Après avoir exigé le test PCR, la Grèce a renoncé, au bout d’une semaine à cette décision. Tous les pays concurrents à l’échelle méditerranéenne, notamment la Grèce, l’Espagne, l’Italie, l’Egypte, n’ont pas imposé de restrictions. Le secteur ne peut reprendre que lorsqu’il se met au diapason des autres destinations concurrentes. On aurait pu opter pour le cas par cas en n’ouvrant les frontières qu’aux pays qui ont réussi à juguler la propagation du virus”, a-t-elle souligné. Et d’ajouter: “Plusieurs hôtels n’ont pas les moyens nécessaires pour se conformer au protocole sanitaire. Ces établissements-là seront toujours fermés. Parce que c’est un grand investissement pour pouvoir ouvrir  dans les conditions requises. C’est une situation dramatique pour le secteur. Et si l’opinion publique pense qu’on peut sauver la saison avec le tourisme local, or la clientèle locale représente seulement 20% des nuitées et ne peut pas sauver à elle seule la saison”, a-t-elle conclu.   

En tout état de cause, trouver le juste équilibre entre la veille sanitaire et la reprise touristique, qui peut être  hasardeuse sur le plan sanitaire, n’est pas un exercice facile.   

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