Le rapport de 46 pages d’Oxfam met en relief la contribution du système fiscal tunisien dans le creusement des inégalités entre les citoyens. Il attire l’attention sur le risque de voir ces inégalités se creuser davantage avec la pandémie du coronavirus.

La fiscalité a toujours constitué un casse-tête pour les chefs d’entreprise qui estiment que le taux imposé sur les sociétés est élevé et dépasse de loin plusieurs autres taux établis dans des pays voisins. Une pression fiscale élevée décourage les chefs d’entreprise et ne les motive pas à produire plus et à exporter. Certes, le contribuable, qu’il soit une personne morale ou physique, est appelé à s’acquitter de son devoir fiscal pour contribuer à alimenter les ressources financières de l’Etat, mais les taux devraient être révisés à la baisse en élargissant l’assiette fiscale afin qu’elle touche vraiment tous les secteurs et petits métiers dans toutes les régions du pays. Les entreprises de petite et de moyenne taille sont soumises au système fiscal réel, alors que les petits métiers et l’artisanat sont soumis au système fiscal forfaitaire vu leur revenu modeste. Mais une entreprise opérant dans les petits métiers peut passer au système fiscal réel après avoir fait des extensions et augmenté sa production.

Cependant, et outre la baisse du taux fiscal, les chefs d’entreprise demandent également une meilleure transparence et une équité de la fiscalité, et ce, en se conformant aux normes internationales pour éviter de léser les entreprises qui paient régulièrement leur impôt pour être en règle avec l’administration fiscale. A noter qu’une bonne partie des revenus de l’Etat proviennent de la fiscalité sous toutes ses formes, à savoir l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur les revenus et l’impôt sur les terres bâties. D’autres impôts sont imposés à certains produits de luxe ou pas de première nécessité et des droits de douane sont exigés lors de l’importation des produits ou articles.

Des propositions à prendre en compte

Dans son rapport sur les inégalités du système fiscal tunisien, l’Oxfam propose, d’ailleurs, une série de mesures à prendre par le gouvernement pour conférer davantage d’équité au système fiscal tunisien. Parmi ces propositions, on peut citer la nécessité de « tourner la page sur les politiques d’austérité adoptées depuis la révolution en initiant un débat national sur l’impact des politiques d’austérité soutenues par les IFI (institutions financières internationales) depuis la révolution ». Il s’agit aussi de « lutter contre l’évasion et la fraude fiscales sur les différents impôts et d’en faire une priorité absolue ».

Les experts d’Oxfam plaident, par ailleurs, pour « un renforcement des dispositions anti-évasion fiscale, les mécanismes de contrôle et une liste de paradis fiscaux ambitieuse et objective, accompagnée de sanctions, une modernisation du travail de l’administration et l’augmentation des ressources humaines et financières allouées au contrôle fiscal ».

Dans ce même contexte, il a été recommandé de « créer un certain nombre de tranches supplémentaires et instaurer des taux marginaux plus évolutifs permettant d’étaler l’effort fiscal à toutes les couches de la société de manière à alléger les taux d’imposition, notamment pour la classe moyenne inférieure, et l’augmenter pour les ménages aisés, d’introduire une obligation pour l’Etat dans le cadre du code de l’Irpp et de l’impôt sur les sociétés (IS), d’adapter systématiquement et annuellement les tranches du barème d’imposition selon le niveau d’inflation ».

Les experts d’Oxfam estiment judicieux de « supprimer le statut de chef de famille dans les abattements pour situation et charge de famille et appliquer une règle égalitaire en la matière, de tendre vers l’harmonisation des régimes d’imposition des différentes catégories de revenus et d’élargir l’assiette de l’impôt sur les sociétés en rehaussant le taux général d’IS et restaurer la progressivité en limitant les multiples incitations et exonérations fiscales qui grèvent à hauteur de 60% la base d’imposition de cet impôt. »

Le gisement du patrimoine foncier

Une autre proposition non moins importante consiste à « aligner l’imposition des revenus du capital à celle des revenus du travail ». Il est question, de même, de « revoir à la hausse les taux d’imposition pour certains impôts sur la richesse, le patrimoine foncier, ainsi que les droits de succession et d’augmenter la contribution effective de l’impôt sur les sociétés à la collecte totale des impôts en élargissant l’assiette. Les grandes entreprises doivent s’acquitter de leur juste part d’impôts en alignant leur contribution fiscale à leur activité économique réelle ».

Il est souhaitable également de « revoir le fonctionnement des pratiques fiscales pernicieuses (conditions fiscales et fonctionnement des zones offshore, zones franches, etc.), de lancer un programme intégral d’analyse coût-avantage sur l’ensemble des incitations fiscales, pour ne retenir que celles qui ont un impact social et d’élaborer des propositions politiques alternatives pour équilibrer le budget sans s’appuyer sur des politiques d’austérité pendant la période de récupération ».

L’Oxfam recommande de « développer un système de protection sociale et universelle basée sur l’approche des socles de protection sociale, de couvrir le fossé entre le secteur public et privé en matière de santé ainsi que les inégalités régionales à travers le renforcement des investissements et dépenses publiques dans le système de santé pour arriver à 5% du PIB, d’engager un processus transparent de concertation pour la réforme fiscale et la discussion autour des projets de loi de finances et de produire des études spécialisées sur l’impact des mesures budgétaires sur le niveau de participation économique et politique des femmes au sein de la société tunisienne ».

Il convient de signaler à ce propos que le système fiscal tunisien actuel privilégie les formes d’impôts les plus inéquitables, pénalise les classes moyennes et pauvres du pays et prive l’Etat de revenus importants. C’est un constat sans équivoque dans l’organisation de la lutte contre la pauvreté.

Le rapport en 46 pages met en relief la contribution du système fiscal tunisien dans le creusement des inégalités entre les citoyens. Il attire l’attention sur le risque de voir ces inégalités se creuser davantage avec la pandémie du coronavirus.

En 2017 déjà, les 10% les plus riches détenaient plus de 40% du revenu national, contre seulement 18% pour la moitié de la population la moins aisée. L’Oxfam pointe du doigt, notamment, les écarts dans ce domaine entre les salariés et les travailleurs indépendants soumis au régime forfaitaire et dont la contribution rapporte en moyenne 0,2% des recettes fiscales.

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