Investissement : Passer la vitesse supérieure

Dans un exposé détaillé, publié en 2018, M. Kamel Ayari, juge, docteur en droit, universitaire et expert international, examine les nouvelles réformes de l’investissement en Tunisie. Loin d’être une exposition simpliste des exigences d’un secteur fondamental à la dynamique économique, il s’agit d’une analyse méticuleuse des différentes composantes juridiques et institutionnelles, intrinsèques à la volonté confirmée de booster l’investissement.

Investir dans les secteurs innovants, inciter les jeunes entrepreneurs à monter leurs projets et à démarrer leurs carrières respectives en misant aussi bien sur les nouvelles technologies, sur les jeunes compétences tunisiennes que sur le souci de répondre favorablement aux besoins du marché, acquiert une importance de taille dans un pays qui peine, depuis les événements du 14 janvier 2011, à réussir sa relance économique et à se repositionner avec plus de notoriété sur le marché international.

Pour M. Ayari, les réformes de l’investissement doivent servir des objectifs bien déterminés, à savoir «mettre la loi en conformité avec les exigences actuelles pour le développement du pays», «adresser des messages positifs aux investisseurs», «disposer d’un code universel traitant l’investissement dans toutes ses dimensions», «simplifier les procédures administratives et réduire les délais» et «créer de nouveaux mécanismes pour la gouvernance de l’investissement». Il s’agit d’une panoplie de pistes complémentaires, essentielles à l’essor de l’investissement qu’il convient d’exploiter pour donner un nouveau souffle à un pilier développemental crucial dont la portée est à la fois sociale, économique, technologique et moderniste.

L’investissement : la clef du développement durable

En effet, le nouveau code juridique relatif à l’investissement se veut l’assise solide pour un saut qualitatif et quantitatif, à même de réduire les disparités régionales en matière de développement, de lutter efficacement contre le chômage et la précarité et raviver une dynamique en mal de mire en misant sur les projets à forte valeur ajoutée. Réussir ce pari implique la mise en place de mécanismes, de structures et de moyens susceptibles d’encourager la compétitivité, l’utilisation des nouvelles technologies pour un investissement plus performant et pour un développement que l’on veut durable.

La loi de l’investissement 2016, entrée en vigueur en 2017, règlemente la structuration de ce secteur en s’appuyant aussi sur trois décrets d’application, à savoir le décret des incitations, le décret de la nomenclature et des incitations et le décret de la gouvernance.

Pour des directives plus flexibles

En effet, la promotion de l’investissement obéit à plusieurs règles et normes, lesquelles se doivent d’être en parfaite harmonie avec celles internationales. L’harmonisation du cadre juridique avec la nomenclature internationale constitue, indéniablement, la porte d’accès au marché international. Or, la loi tunisienne entrave, quelque peu, l’incitation des investisseurs étrangers, qui se heurtent à moult obstacles les empêchant de monter leurs projets en Tunisie. Le principal obstacle qui se pose est de nature foncière. Acquérir un domaine pour établir un projet immobilier ou agricole. La loi en date de 2016 a apporté une certaine souplesse en permettant aux investisseurs étrangers d’acquérir des biens immobiliers, certes, mais la mise en application de cette loi se fait attendre. Pour ce qui est des biens agricoles, la location des terres est possible avec accès à l’autorisation d’acquisition au bout de deux ans d’activité.

Transfert conditionné des technologies

Autre hic : le faible taux de recrutement de compétences étrangères dans les entreprises étrangères installées en Tunisie. Il s’agit d’une arme à double tranchant : il convient, d’une part, de tirer profit des projets installés en Tunisie pour réduire le taux de chômage auprès des compétences tunisiennes, mais aussi permettre aux compétences étrangères de réussir le transfert des compétences et des technologies dans un climat d’échange bilatéral. Aussi, la loi de l’investissement de 2016 autorise-t-elle les entreprises étrangères, implantées en Tunisie, à recruter des compétences étrangères à condition que le total des recrutés étrangers ne dépasse pas les 30% de l’ensemble des employés, et ce, pour une période maximale de trois ans, avant de baisser ce taux à seulement 10% à partir de la quatrième année d’activité.

Les droits et les devoirs en toute transparence

Les réformes de l’investissement établissent, par ailleurs, plusieurs garanties, mais aussi plusieurs engagements au profit et du secteur et des investisseurs étrangers. Parmi les solutions salutaires qu’elle présente, figure la possibilité, pour l’investisseur étranger, de transférer ses bénéfices et ses actifs à l’étranger, simplifier les procédures de la BCT en limitant les délais de réponse à seulement trois mois, informer l’investisseur étranger sur les motifs de refus de ses demandes de transfert des devises à l’étranger, et ce, afin de garantir plus de transparence avec les institutions de l’Etat. Pour les start-up, il est possible de détenir un compte et un capital en devises.

La réforme mise, aussi, sur une déontologie à même de garantir aux investisseurs leurs droits à la propriété aussi bien industrielle qu’intellectuelle ainsi qu’à l’égalité des chances dans tout ce qui relève des procédures pro-investissement. En contrepartie, l’investisseur étranger est redevable de respecter les instructions et consignes relatives à la sécurité des employés et de fournir les informations portant sur l’application infaillible du code juridique.

S’agissant de la gouvernance dans le secteur de l’investissement, M. Ayari met en exergue les multiples défaillances à combler, dont «une couverture sectorielle incomplète» au détriment de secteurs importants, «l’absence d’une stratégie nationale de promotion de l’investissement et une faible participation du secteur privé», une couverture géographique disparate qui entrave la réactivité des mécanismes dans les régions et au partage des activités sur un pied d’égalité, sans oublier une couverture fonctionnelle bien en deçà des efforts et des résultats requis.

Le coup de pouce !

La nouvelle loi d’investissement établit, toutefois, des incitations fiscales et financières qui valent le mérite d’être rappelées ; des incitations qui ont pour finalité de promouvoir le développement dans les régions. En effet, elles concernent deux groupes bien déterminés. Le premier bénéficie d’une «prime d’investissement de 15% avec un plafond de 1,5MD ; d’une déduction totale à 100% de l’assiette imposable pendant cinq ans et soumission à 10% après ainsi que d’une prise en charge de la contribution patronale pendant cinq ans». Quant au second groupe, il bénéficie d’une «prime d’investissement de 30% avec un plafond de 3MD ; d’une déduction totale à 100% de l’assiette imposable pendant dix ans et d’une soumission à 10% après ainsi que d’une prise en charge de la contribution patronale pendant dix ans».

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