Depuis le début de la crise sanitaire inédite du Covid-19, on ne cessait de dire que la Tunisie s’en sortirait plus forte. Mais une dure crise économique est déjà en cours et le pire est à craindre si on se fie aux indicateurs économiques alarmants. Lors de la plénière tenue le 25 juin dernier à l’ARP pour présenter, entre autres, le plan de relance économique du pays ou « la stratégie de sauvetage et de rétablissement de la confiance », le Chef du gouvernement s’est contenté de passer en revue les grands axes dudit plan et de brosser un tableau noir de l’économie tunisienne, en veilleuse depuis la révolution.

Il faut l’avouer, antérieurement à la crise du coronavirus, le pays connaissait déjà et depuis des années une autre crise, économique, et, surtout, politique, qui freine le train des réformes et du développement.

Aujourd’hui, au temps du Covid-19, la Tunisie est prise entre deux feux : un système de santé défaillant et une économie au bord de l’asphyxie. Mais il est aussi mis à mal par l’image que lui renvoie un gouvernement hétérogène qui laisse voir une dissension interne à peine voilée, une lutte intestine et des querelle byzantines avec les députés, les opérateurs économiques, la société civile…Et cela ébranle la confiance et freine l’élan de toutes les parties prenantes qui espéraient partager la démarche du gouvernement dans la gestion de la crise économique.

Aujourd’hui, préserver la santé des citoyens et celle de l’économie est une équation très compliquée à résoudre. Mais prévoir ce que sera demain est encore plus compliqué. « On n’a pas beaucoup de marge de manœuvre » en ce qui concerne le plan de relance économique, affirmait le Chef du gouvernement. Car la Tunisie est, aujourd’hui,  à la croisée des chemins au sens propre du terme. Le pays est à un tournant politique et économique décisif de son histoire. En effet, la dépression, induite par les effets de la pandémie en cours et ses contraintes sont a priori plus violentes et plus longues. Elles pourraient se poursuivre jusqu’en 2022, selon le Chef du gouvernement.

En l’absence d’une vision claire, d’objectifs précis, comment peut-on gérer les incidences économiques du pays,  qui peuvent évoluer ensuite en une forme de dépression économique que divers programmes d’aide et de soutien multiformes, pris ici et là, tentent de réduire les grands risques prévisibles et d’en atténuer les graves chocs sociaux ?

La crise que nous vivons est à la fois conjoncturelle et structurelle, causée par le Covid-19 et accentuée par des antécédents structurels inappropriés que l’Etat se doit de réformer. Cette crise pourrait constituer une opportunité pour que les pouvoirs publics se décident résolument à s’orienter réellement vers des politiques économiques modernes et finalement productives. L’heure a sonné pour commencer les grandes réformes économiques et examiner les grands projets en suspens,  invitant toute la composante des acteurs économiques et sociaux, sans exclusion, à établir un pacte social nouveau, capable de produire de véritables nouvelles inflexions en termes de politiques économiques et pouvoir aller vers des modèles de développement innovants.

L’étude publiée récemment par Tunisie Valeurs intitulée « Covid-19: un séisme financier inédit » montre que la pandémie a brouillé les cartes des experts de tous bords, de la communauté boursière et des preneurs de décision.

En Tunisie comme partout ailleurs dans le monde, « un vent d’optimisme a soufflé sur le marché actions depuis le mois de mai. L’effet psychologique de la crise sur le moral des investisseurs commence peu à peu à se dissiper ».

La bonne gestion sanitaire de la crise et son faible coût humain poussant les autorités à entamer le déconfinement progressif ont « alimenté un mouvement de ralliement boursier depuis le début du mois de mai. Par ailleurs, avec l’afflux de résultats 2019 plutôt encourageants, les investisseurs ont commencé à faire leur come-back. Avec une correction annuelle de 5,6%, jusqu’au 17 juin 2020, la Bourse de Tunis figure parmi les marchés les moins touchés parla crise ».

En outre, l’étude indique que  la relative résistance du marché actions tunisien est la non-représentativité de la cote de la réalité du tissu économique. « Des secteurs susceptibles d’être très impactés par la crise sont aujourd’hui absents de notre marché. Il s’agit du tourisme avec ses deux versants, l’hôtellerie et la restauration, l’artisanat, les secteurs importateurs comme les franchises et les sociétés de commerce international et le transport aérien et maritime (excepté le transporteur national Tunisair qui est sanctionné depuis plusieurs années en bourse en raison de problèmes structurels de gouvernance et de surendettement) ».

Selon la même source, l’exploit sanitaire enregistré ne pourrait occulter l’énormité des défis auxquels fait face l’économie tunisienne dont le spectre de la récession (une contraction du PIB de 4,3% en 2020, selon le FMI), les déséquilibres macroéconomiques persistants (un déficit courant de -7,5% en 2020, selon le FMI) et la détérioration des courbes de la dette publique (un déficit budgétaire de -5,3% et un endettement public de 88,5% en 2020 contre des objectifs initiaux respectifs de 3% et de 74%) et l’endettement extérieur (qui  passe à 110% du PIB en 2020 contre 90% en 2019, selon le FMI) comme le souligne l’agence de notation Fitch Ratings dans sa dernière dégradation de la note souveraine de la Tunisie.

Le déconfinement progressif pour lequel le gouvernement a opté depuis le 4 mai dernier est une démarche louable. « Sous réserve que des mesures de précaution sanitaires soient prévues et organisées, il est impérieux pour la Tunisie de rouvrir ses usines, ses chantiers, ses commerces et de remettre les Tunisiens au travail. Les yeux sont aujourd’hui rivés sur la période post-Covid et particulièrement sur l’année 2021 qui devrait être l’année de la « reprise technique » au vu des prévisions des institutions financières internationales (une croissance de 4,1% en 2021 selon le FMI) ».

D’après Tunisie Valeurs, cette croissance de rattrapage restera tributaire de trois conditions, à savoir l’efficacité des efforts de lutte contre l’épidémie et de la vitesse de rétablissement de l’économie mondiale en général et du partenaire européen en particulier, l’aptitude des autorités tunisiennes à éviter la pérennisation des mesures d’aide et d’assistance justifiées par la crise, et de leur capacité à poursuivre l’orientation d’assainissement budgétaire pour éviter un dérapage des finances publiques et de recourir de nouveau au resserrement monétaire au risque de voir l’inflation resurgir.

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