Entreprises publiques : Une gouvernance à revoir

Au cours des 8 premiers mois de l’année 2019 et des premiers mois de l’année 2020 (notamment lors de la pandémie de Covid-19),  les arriérés des entreprises publiques ont subi une  baisse de 2% pour atteindre 800MD. Cela est dû essentiellement à la consolidation des prêts accordés à l’Onas, à la Sncft et à Tunisair.

Le rapport publié récemment par le ministère des Finances sur la dette publique montre que les entreprises ont enregistré des arriérés au titre des crédits extérieurs rétrocédés. Et c’est l’Etat qui prend en charge le remboursement de la dette auprès du bailleur de fonds et se dirigera par la suite vers l’entreprise publique bénéficiaire du crédit pour récupérer une partie ou la totalité des montants déjà versés au titre des paiements du service de la dette.

Il est à noter que les entreprises publiques recourent à ce type de financement parce qu’elles n’ont pas la possibilité de bénéficier de crédits extérieurs quand elles ont des problèmes financiers. Les arriérés des crédits extérieurs rétrocédés ont connu une forte hausse, passant de 251 MD en 2016 à 382.5 MD en 2018.

Les arriérés pour ce type de crédits représentent environ 40% du total de ceux des crédits accordés aux entreprises publiques, et ce, pour deux raisons principales : la première est liée à la baisse du cours de change du dinar contre les autres devises étrangères, qui a fortement augmenté le service de la dette et par conséquent l’endettement des entreprises publiques envers le trésor public. La deuxième raison concerne la situation critique de certaines entreprises publiques qui souffrent de problèmes structurels, dont la Société des transports de Tunis (Transtu) qui a gardé le même tarif du prix de transport depuis 2011 malgré la hausse continue du coût de transport (prix du carburant, prix des pièces de rechange, salaires…). Les arriérés de cette société ont atteint 193 MD en 2018, ce qui représente environ 50% du total des arriérés des crédits rétrocédés.

De la non-concordance

En ce qui concerne les prêts du Trésor, ils sont accordés principalement aux entreprises publiques qui souffrent d’un besoin temporaire de liquidités résultant de la non-concordance des flux monétaires entre les recettes et les dépenses de l’entreprise. Certaines entreprises publiques ont recours à ce type de crédit pour financer leur déficit structurel, comme elles n’ont pas la possibilité de bénéficier des crédits bancaires, citons à titre d’exemple la Sncpa (Société nationale de cellulose et de papier alfa) qui est considérée parmi les principales entreprises ayant des arriérés au titre de prêt du Trésor.  Le montant des arriérés a atteint 86.6 MD en 2018, soit 37% du total des arriérés de ce type de crédit dont la valeur est de 236.5 MD. En effet, la Sncpa connaît depuis un certain temps des difficultés résultant des politiques suivies dans la détermination du prix du papier et de la hausse des coûts de production, ce qui a impacté négativement la situation financière de l’entreprise. Jusqu’à aujourd’hui, la Sncpa n’a pas été soumise à un plan de restructuration, ce qui contraint le Trésor à verser annuellement des fonds pour assurer la continuité et le fonctionnement de cette entreprise et lui permettre de poursuivre le rôle essentiel qu’elle joue dans le tissu économique et social de la région de Kasserine.

Quant aux arriérés des crédits accordés au titre II du budget de l’Etat, ils ont subi une légère augmentation depuis l’année 2016, où ils étaient de 69 MD, pour passer à 71.4 MD en 2018. Cette stagnation est due au recouvrement relatif aux arriérés de ce type de crédit qui dépend essentiellement de l’entrée en production des projets comme la vente des terrains réaménagé par les sociétés (exemple de projets financés par ce type de crédit : la remise en état du Lac Sud de Tunis ou encore le projet d’aménagement des côtes Nord de Sfax et le projet d’aménagement de Sebkha Ben Ghadaya…).

Selon ce rapport,  les arriérés de ce type de crédits représentent environ 9% du total des arriérés des crédits accordés aux entreprises publiques. Suite à l’accumulation des arriérés d’un certain nombre d’entreprises publiques, le ministère des Finances a eu recours à la consolidation de ces arriérés sous forme de nouveaux crédits avec de nouveaux échéanciers. Mais malgré les efforts du ministère de tutelle pour alléger le fardeau de l’endettement de ces entreprises en rééchelonnant leurs arriérés sur de longues périodes pouvant atteindre parfois les 10 ans, « on constate que les arriérés des prêts consolidés ont augmenté durant la période 2014-2018, ils étaient de l’ordre de 76.8 MD et ont atteint 154 MD en 2018». Il est à signaler, également, que les arriérés de l’ONH, au titre de la consolidation des prêts bancaires garantis en 2002, représentent 45% de l’ensemble des arriérés pour ce type de financement. Le rapport indique qu’il «est important de revoir la bonne gouvernance de certaines entreprises publiques qui manquent de visions prospectives pour leur secteur d’activité afin d’éviter de les exposer à des risques». Avec l’existence d’entreprises qui ont été déjà liquidées ou en cours de liquidation, ayant toujours des arriérés au titre des prêts accordés auparavant par l’Etat dans le cadre des prêts Frep (Fonds de restructuration des entreprises publiques), il est impératif de revoir le cadre légal des garanties octroyées au Trésor afin de recouvrir ces crédits. «Il est judicieux aussi de commencer la restructuration et d’appliquer le plan de sauvetage pour certaines entreprises qui souffrent d’un énorme problème structurel afin de garantir le recouvrement des échéances, à moyen terme, au profit de la Trésorerie Générale ».

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