BCE, le visionnaire, le  mentor 

Une année déjà, l’encrier est encore plein. Que peut-on justement raconter sur Béji Caïd Essebsi qui n’a jamais été écrit ? Un conte de fées qu’on a adoré aimer. Même après sa mort, le  premier Chef d’Etat tunisien élu librement au suffrage universel continue d’être une référence. Toujours évoqué, toujours suivi, toujours copié. Mais jamais égalé et ses adversaires sont toujours obligés de se prononcer à son sujet.

Feu Béji Caïd Essebsi n’était pas seulement un homme politique, mais aussi et surtout un penseur politique, un mentor pour ceux qui ont décidé d’en faire l’expérience. Sa longue carrière enseigne à la fois une manière de gouverner et  une certaine sensibilité du…jeu politique.

A sa façon de relever les défis, que ce soit avec Bourguiba, Ben Ali et bien entendu pendant toute la période de l’après-2011, face à ses adversaires ou avec ses alliés, il avait pris l’habitude de se faire l’idée que chaque épreuve par laquelle il passait était à elle seule un parcours, un combat, une vie.

Il y avait un côté inconditionnellement exceptionnel et unique dans sa manière de penser, de gérer et de négocier. De composer, certainement aussi. Un côté qui lui permettait de croire en l’impossible sans pour autant mélanger fiction et réalité. Pour un politicien aussi averti, l’une ne pouvait jamais servir de décor pour l’autre. Le réalisme oriente les stratégies et les méthodes de travail. La détermination et l’envie de réussir s’indiquent comme telles. On lui doit le mérite d’avoir réussi à équilibrer un paysage politique jusque-là dominé sans partage par Ennahdha. Il avait osé, il avait forcé et il avait gagné le pari.  On lui reconnaît l’image d’une Tunisie moderne, modérée et réconciliante qu’il était parvenu à véhiculer à travers le monde et auprès des plus grandes institutions mondiales. Mais on lui reproche aussi un certain parti pris familial et corporatiste  qui a causé, entre autres la fragilisation de Nida Tounès, un parti qu’il a pourtant fondé lui-même, mais qui s’est vite autodétruit au grand profit du parti islamiste.

En politique, on ne sait jamais de quoi sera fait demain. Mais la politique peut parfois être aussi un formidable exhausteur de sensations. Avec feu Béji Caïd Essebsi, les Tunisiens ont vécu une épopée magnifique, sensationnelle et sublime. La passion déraisonnée et déraisonnable. L’attachement qui fait autant de bien que de mal. Jusqu’au bout, il a été fidèle à sa réputation, à ses convictions : imprévisible, tenace  et déroutant ! Même face à la mort, il a tenu la dragée haute, l’affrontant pendant quelques jours, le temps d’une petite éclipse.

La grande faucheuse a eu raison de la passion de vivre avec les autres, et pour les autres. Fidèle à ce qu’il a toujours été, il avait écrit ses lettres de noblesse à travers une incroyable adaptation aux circonstances. A travers aussi la consécration des valeurs et des principes de la République. Ne reculant jamais devant l’obstacle ou le défi, il est toujours allé au feu, en quête de vérité. L’homme n’a jamais baissé pavillon ou courbé l’échine. Chaque épreuve par laquelle il était passé avait sa vérité. Il avait le mérite d’avancer sans se retourner. Sans regret et sans rancune. Même quand certains de ses plus proches collaborateurs lui avaient tourné le dos. Affable, attentif, souriant, sympathique, réceptacle de bonne humeur, ouvert au dialogue, réceptif au partage et à la solidarité, il avait une conscience vive de sa mission, de son action. Le cœur toujours à l’ouvrage. Brisant les tabous et les préjugés, il collaborait avec toutes les composantes du paysage politique sans a priori. Feu Béji Caïd Essebsi s’est parfaitement investi dans les choix stratégiques et les équilibres politiques. Il avait visiblement une bonne idée de ce que représente l’action politique. La politique tout court. Ce qui se doit s’y concevoir, ce qui doit être visé.   

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