Demain 30 juillet, une séance plénière sera tenue à l’Assemblée des représentants du peuple pour le vote de la motion de retrait de confiance à Ghannouchi. Le choix de la date, la veille de l’Aïd El Idha, n’est pas anodin, ni la modalité du scrutin qui se fera à huis clos et sans débats. En fixant ces trois conditions, Ghannouchi espère réduire à néant les chances de cette motion de passer. D’abord, la plénière risque d’être marquée par l’absentéisme des députés à cause de la fête de l’Aïd, ensuite il esquivera l’humiliation puisqu’il  se préservera des attaques au vitriol et d’une probable charge des élus contre sa prestation à la tête du parlement et, enfin, le vote secret permettra à ses alliés d’agir sous le couvert de l’anonymat.

En optant pour ce stratagème, le Cheikh s’assurera un nouveau « vote de confiance », qui viendra à point nommé redorer son blason et confirmer sa légitimité jusqu’à la fin de son mandat. Pour y parvenir, Ennahdha est prêt à tous les compromis, à commencer par l’acceptation à contrecœur de la désignation de Hichem Mechichi pour former le prochain gouvernement. En effet, face à cet exercice périlleux où Ghannouchi risque d’être délogé de son siège auquel il se cramponne, le président du Parlement avance méthodiquement ses pions en multipliant les coups d’éclat, et en repoussant chaque fois la menace.

Encouragé par la mollesse des réactions des coalitions modernistes et démocratiques, dont les calculs partisans étriqués priment l’intérêt général du pays, le président d’Ennahdha n’hésitera pas à recourir à toute la palette de la séduction pour amadouer les plus récalcitrants de ses adversaires et alliés, qui peinent à prendre la mesure de son jeu politique.

C’est pourquoi la plénière du 30 juillet ne sera qu’une pâle mise en scène d’une pièce tragicomique qui va redessiner l’ARP selon le même modèle en confirmant à son poste un Ghannouchi qui s’éloigne inexorablement des attaches républicaines, affichant une tendance plus religieuse et plus agressive sur la scène nationale pour plaire à ses alliés turcs et qataris.

Au grand dam des ténors de l’opposition qui ne sont pas parvenus à mettre de côté leurs ego lors du dépôt de la motion de retrait de confiance, ils tenteront en vain de faire pièce à la mainmise d’Ennahdha sur le parlement. Pour le dire sans ambages, Ghannouchi ne sera pas éjecté demain. Mais cette manche, même si elle est perdue, aura permis de secouer le cocotier. Car à Ennahdha et chez ses alliés, on parle désormais avec des trémolos dans la voix. Et cette séance de vote sur la motion de retrait de confiance ne fait que corser l’atmosphère d’un film d’épouvante pour les islamistes qui craignent de voir le dernier édifice s’écrouler comme un château de cartes. Bref, tous les ingrédients d’un cocktail détonant sont réunis pour la phase d’après-Aïd. Elle augure troubles et tensions. Une agitation guerrière se profile déjà à l’horizon, une fois le spectre de la dissolution du parlement éloigné. Seule certitude : le Chef de l’Etat survole d’un œil morne ce qui se passe au Parlement et ce qui se trame dans l’ombre. Et, à tout moment, il peut rebattre les cartes pour mettre le pays sur orbite.

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