Exploitation des énergies renouvelables : Pourquoi ça traîne encore ?

Alors que pour certains pays le créneau des énergies renouvelables s’impose comme un véritable enjeu, voire un défi de taille, la Tunisie est toujours à la traîne même si elle compte de grands atouts naturels. Le domaine des énergies renouvelables, ce grand dossier dont la promotion et le développement s’annoncent nécessaires pour la Tunisie, qui souffre de plus de 50% de déficit énergétique, peine à s’imposer comme pilier de la transition énergétique. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, ce sont toujours les obstacles relatifs aux cadres légaux et aux procédures administratives qui freinent le développement de ce secteur.

Récemment, le dossier a été ouvert par le ministre de l’Energie, des Mines et de la Transition énergétique, Mongi Marzouk, qui a crié au «sabotage de l’un des premiers projets d’énergies renouvelables en Tunisie». Le ministre cite le projet de l’ambitieuse centrale solaire de Tataouine d’une capacité de production d’électricité de dix mégawatts et s’étalant sur 20 hectares. Si ce projet est fin prêt, il attend toujours son raccordement au réseau de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg), mais un blocage persiste pour empêcher son lancement effectif.

En effet, révolté, Mongi Marzouk a brisé le silence sur son compte Face- book pour dénoncer ce qu’il a appelé un « sabotage exercé par les parties syndicales qui bloquent le lancement de l’un des premiers grands projets d’exploitation des énergies renouvelables en Tunisie ». Il accuse en particulier la Fédération générale de l’électricité et du gaz relevant de la centrale syndicale, d’entraver le projet de raccordement de la centrale solaire de Tataouine réalisée par l’Entreprise tunisienne d’activités pétrolières (Etap) et la compagnie pétrolière italienne Eni et qui représente 1% de la production de la Steg. «La Fédération générale de l’électricité et du gaz relevant de l’Ugtt essaye d’entraver l’un des premiers projets d’énergie renouvelable, dont la capacité de production est de 10 mégawatts (à raison de 117 millimes / kWh), au lieu de soutenir les énergies propres et d’encourager la marche vers la sécurité énergétique», s’est-il indigné.

Contacté par La Presse à ce sujet, la fédération précitée a estimé que les données et les accusations portées par le ministre sont infondées. Slim Bouzidi, secrétaire général adjoint de ladite fédération a expliqué dans ce sens que la Steg sera considérablement impactée par le raccordement de cette centrale solaire à son réseau d’électricité. Il fait savoir que la Steg prendra en charge tous les coûts de transport d’énergie électrique sur son réseau sans aucune marge de bénéfice. «Pour le principe, la fédération ne s’oppose pas à la production d’électricité à partir des énergies renouvelables, au contraire, la Steg a toujours soutenu ce genre de projets notamment ceux qui sont conduits par les communes, mais lorsque des privés produisent de l’électricité et veulent la vendre à cette entre- prise publique sans aucune marge de bénéfice alors que les coûts de transmission sont si considérables, ceci pose certainement problème», a-t-il précisé.

Préservation des intérêts de la Steg

Contacté également par La Presse le cabinet ministériel de Mongi Marzouk a affirmé que des négociations sont toujours en cours avec les parties syndicales pour parvenir à un accord qui satisfasse tous les intervenants dont notamment la Steg. «Aucune décision ne sera prise, si cela pose un problème au niveau de cette société nationale ou menace ses intérêts financiers et sa viabilité», a déclaré dans ce sens Kamal Cherni, membre du cabinet ministériel et chargé de communication de ce ministère. Selon ses dires, la gestion de ce pro- jet entre dans le cadre de la loi n° 2015-12 du 11 mai 2015, relative à la production d’électricité à partir des énergies renouvelables, et ne pose aucun problème concernant la privatisation de la production d’électricité.

«Le seul problème reste celui des coûts de transport de l’électricité, et nous pensons que nous allons trouver un accord pour faire bénéficier la Steg de marges plus considérables», a-t-il expliqué.

Cette loi stipule que le producteur d’électricité à partir des énergies renouvelables prend en charge toutes les dépenses relatives au raccorde- ment de l’unité de production au réseau électrique national, ainsi que les frais de renforcement du réseau électrique national si cela est rendu nécessaire pour l’opération d’évacuation de l’énergie électrique qu’il produit. Elle stipule également que les projets de production d’électricité à partir des énergies renouvelables soient réalisés en vue de la vendre, en totalité et exclusivement, à l’organisme public qui s’engage à l’acheter, c’est-à-dire la Steg.

Fait qui a été également souligné par le ministre qui a assuré que la Steg sera le seul client de cette centrale solaire.

La privatisation pose problème

Mais pour les parties syndicales, la production d’électricité par des privés et sa vente directe aux clients vont perturber le réseau électrique et impacter la distribution de l’électricité, d’autant plus que ce projet est assujetti à un nouveau décret gouvernemental et non plus à la loi de 2015. En effet, Slim Bouzidi, a affirmé dans ce sens que «ce décret publié par le gouvernement Chahed avait ouvert grande la porte aux investissements privés et étrangers concernant la production d’électricité dans le cadre de l’exploitation des énergies renouvelables». Et d’ajouter qu’il a limité les marges de bénéfice de la Steg au profit des investisseurs.

Ce responsable syndicaliste a révélé à La Presse que le comité administratif de la Steg a décidé de s’opposer au

raccordement de tout projet de ce genre tant que ces lois n’ont pas été revues de manière à garantir les intérêts de cette entreprise nationale. «Les discussions avec le ministère sont toujours de mise en attendant d’aboutir à un accord», a-t-il ajouté. En tout cas, le cadre qui réglemente la production d’électricité à par- tir des énergies renouvelables est composé notamment de la Loi n° 2015-12 du 11 mai 2015, qui a pour objectif de définir le régime juridique relatif à la réalisation des projets de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables, soit pour l’autoconsommation ou pour répondre aux besoins de la consommation locale ou en vue de l’exportation, et ce, nonobstant les dispositions du décret-loi n° 62-8 du 3 avril 1962 relatif à la création et l’organisation de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz, ratifié par la loi n° 62-16 du 24 mai 1962. Mais d’autres arrêtés et décrets gouvernementaux interviennent également dans ce domaine, ce qui a, selon les différents intervenants, flouté davantage sa gestion et sa promotion.

Un commentaire

  1. Liberte

    29/07/2020 à 11:17

    Le jour où le gouvernement pensera à créer un ministère de l’écologie, la on pourra discuter du l’économie d’énergie par le solaire, les éoliennes…

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