
La jeune artiste ne se contente pas de mettre en page des textes et des images, mais opère une mise en scène. Ses personnages, elle dit les créer et non uniquement les dessiner.
Personnages caricaturaux, figures des fois grossières aux postures théâtrales sortant très souvent du cadre pour se répandre, s’animer et évoluer dans l’espace, c’est à cela qu’on reconnaît l’empreinte de la jeune artiste Nesrine Douzi. Après sa participation à la première édition de l’événement d’art contemporain à Sousse Utopies visuelles, elle a rejoint la troisième édition qui s’est tenue en juillet dernier. Elle y a présenté une installation intitulée «Ma vie en cercle». Née en 1994, Nesrine Douzi fait partie de la génération montante d’artistes tunisiens. Originaire de Sidi Bouzid, elle a une licence et un mastère de l’Institut supérieur des Beaux-Arts de Sousse où elle s’est spécialisée en peinture. Elle ne s’est pas arrêtée à cela et a intégré l’Ecole de l’Acteur, fondée par Fadhel Jaïbi, au sein du Théâtre national de Tunis où elle a décroché un diplôme cette année. Ses influences vont de Frida Kahlo à Marina Abramović, en passant par Antonin Artaud, Matthew Barney, Salvador Dali et Pina Bauscha. Ses notions de l’espace lui ont été transmises par son père dont elle admirait les astuces de décoration et la manière dont il apportait les petites finitions sur les murs, c’est d’ailleurs ce qui l’a amenée à choisir la peinture comme spécialité au départ.
Alliant théâtre et arts plastiques, son travail, comme elle l’explique, présente un langage particulier qui s’articule entre son histoire personnelle, l’histoire de l’art et le contexte dans lequel ses œuvres sont exposées: «J’apporte toute ma singularité et je me positionne par rapport à l’histoire de l’art et son évolution pour dire des choses qui n’ont pas été dites», Ajoute-t-elle dans ce sens. Et cela peut picturalement prendre la forme d’un carnet ou d’un livre d’artiste, une approche que Nesrine affectionne. Des livres où elle dit inscrire tout ce qu’elle voit, ce qu’elle vit, ses ressentis et autres impressions… Son carnet, comme elle l’affirme, devient alors son livre de chevet : «Ma petite boîte de mémoire, ce lien entre mon imaginaire et les choses concrètes…toutes les images mentales qui traversent mon esprit trouveront des échos sur ses pages», Note-t-elle dans ce sens. Nesrine ne se contente pas de mettre en page des textes et des images, mais opère une mise en scène, un travail scénique… Ses personnages, elle dit les créer et non uniquement les dessiner, elle leur donne corps, formes et textures pour faire apparaître une identité réelle en chacun d’eux. Une manière de s’identifier personnellement dans tout cela, de se donner différents rôles… Le corps et son rapport à l’espace présentent une partie importante dans son œuvre d’une manière générale et dans ses carnets plus particulièrement. Tout comme le livre, nous dit-elle, le corps inscrit des images, des souvenirs tantôt clairs, tantôt flous… il se dilate et se contracte, il déborde des pages afin de créer des connexions avec le monde extérieur. Elle fait cohabiter, dans ses livres, des corps libres et fluides afin de dépasser toutes sortes de tabous. Ils se montrent des fois monstrueux «dévorent les phrases» pour crier leur rage contre les règles sociales établies… «Rien ne peut, alors, les stopper ni la surface du livre, ni d’autres supports ou médiums», note-t-elle. A travers cela, l’artiste dit vouloir raconter les limites du corps qui, pour elle, est le réceptacle de toute vérité. Nesrine est actuellement dans bon nombre de projets dont une installation /performance et une pièce de théâtre avec laquelle elle va participer, entre autres, au festival international universitaire du monodrame de Sidi Bouzid. Bon vent !