Amendement de l’article 20 des statuts de l’UGTT : La fronde s’installe à la place Mohamed-Ali

On le pressentait, tôt ou tard, la fronde allait éclater au sein de l’Ugtt à propos de la prochaine réunion de l’article 20 des statuts de la centrale syndicale ouvrière visant à permettre à Noureddine Taboubi et à ses principaux lieutenants de postuler à un troisième mandat consécutif de cinq ans au bureau exécutif qui sera issu du prochain congrès national prévu en 2021. Hier, les opposants à l’amendement ont crié leur colère, leur indignation et leur engagement à tout faire pour empêcher la combine.

Chassez le naturel, il revient au galop : on le préssentait depuis le dernier congrès national de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) tenu en janvier 2016, congrès qui a été sanctionné par l’élection de Noureddine Taboubi au poste de secrétaire général de la syndicale ouvrière en remplacement de Hassine Abassi qui a justement consommé ses deux mandats successifs de cinq ans en tant que membre du bureau exécutif de l’Ugtt, les cinq premières années en tant que membre (S.G. adjoint à l’instar de tous ses collègues) du bureau exécutif avec Abdessalem Jerad en tant que S.G. de l’organisation et les cinq années suivantes (soit le deuxième mandat) en tant que S.G. ayant succédé justement à Abdessalem Jerad).

Aujourd’hui et à une année du prochain congrès national, Noureddine Taboubi, à l’instar de plusieurs autres membres parmi les plus influents et les plus médiatisés au sein du bureau exécutif actuel, se trouve dans une situation analogue à celle où se sont trouvés successivement Abdessalem Jerad et Hassine Abassi respectivement en décembre 2011 et en janvier 2016, c’est-à-dire dans l’obligation de ne pas se porter candidat au poste de membre du bureau exécutif de l’Ugtt lors de son prochain congrès national prévu en 2021 (l’accès au poste de S.G. intervient au sein du bureau exécutif composé de 13 membres) en signe de respect du fameux article 20 des statuts de l’Ugtt interdisant à quiconque de cumuler trois mandats successifs de cinq ans au bureau exécutif en tant que membre, secrétaire général adjoint ou en tant que secrétaire général, dispositon ou clause que Abdessalem Jerad et Hassine Abassi (le lauréat du Prix Nobel de la paix en 2015) ont scrupuleusement respectée. Bien que plusieurs voix aient appelé avant le congrès de 2016 de trouver une solution ou une trouvaille qui pourrait maintenir Hassine Abassi à la tête de l’Ugtt, en récompense du statut particulier qu’il a réussi à atteindre au sein du paysage politique et civil national en tant que l’homme providentiel qui a réussi à sauver la Tunisie de sombrer dans le chaos, quand il a conduit le Dialogue national en 2013 à la tête du Quartet (aux côtés de la présidente de l’Utica Wided Bouchamaoui, Abdessatar Ben Moussa, président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, et Fadhel Mahfoudh, bâtonnier des avocats).

Les syndicalistes à l’épreuve de la démocratie

«Un coup d’Etat contre la loi fondamentale de l’Ugtt», «une pratique antidémocratique», etc., les langues commencent à se délier, et ce que l’on disait dans les cercles restreints ou parmi les syndicalistes se disant au parfum de ce qu’on mijote au sein du bureau exécutif afin de contourner le fameux article 20 interdisant le troisième mandat successif est désormais connu de l’ensemble des syndicalistes, plus particulièrement ceux attachés bec et ongles à la préservation du statut de l’Ugtt et opposés catégoriquement à l’amendement de l’article 20.

Hier, le mécontement et la contestation de ceux qui soupçonnent la direction actuelle de l’Ugtt de concoter un plan dans le sens de l’amendement de l’article en question ont été exprimés publiquement et bruyamment à l’occasion d’un rassemblement de protestation organisé à la place Mohamed-Ali, à l’initiative de plusieurs secteurs d’activité et de nombreux syndicalistes des régions venus dire un non catégorique à ceux qui cherchent à organiser les 24, 25 et 26 août une session exceptionnelle du Conseil national de la centrale syndicale ouvrière (le Conseil national constitue la plus importante structure de décision au sein de l’Ugtt après le Congrès national) qui aura, selon certaines sources proches du bureau exécutif actuel, «à examiner et à discuter toutes les question et dossiers», une formule lapidaire à saisir dans le sens que ce Conseil national exceptionnel devrait avaliser l’amendement de l’article 20 des statuts de l’Ugtt, lequel amendement permettra, s’il est adopté, à Noureddine Taboubi de postuler à un nouveau mandat de cinq ans (2021-2026) à la tête de l’Ugtt et ouvrira aussi la voie à plusieurs membres du bureaux exécutif actuel comme Samir Cheffi, Sami Tahri, Bouali M’barki, Hfaiedh Hfaiedh, etc. de se porter de nouveau candidats au bureau exécutif de l’organisation. Sauf que les jaloux du respect des statuts de l’organisation ne sont pas restés les mains croisées. Hier, ils ont fait entendre leur indignation de voir seulement deux membres du bureau exécutif actuel refuser l’amendement de l’article 20 des statuts de l’organisation. Abderrazak Ben Saïd, l’un des organisateurs du rassemblement de protestation, souligne : « Lors du dernier congrès national, on a essayé d’amender cet article mais les forces démocrates s’y sont opposées et ont réussi à le rejeter. Le même scénario  se répète aujourd’hui et c’est dangereux quand cela émane d’une organisation qui défend les droits et la démocratie alors qu’elle transgresse ses propres statuts»

Quant au bouillonnant secrétaire général de l’enseignement secondaire, Lassâd Yaccoubi, il n’y va pas par quatre chemins pour dénoncer «une entorse à la loi fondamentale de l’Ugtt» et d’ajouter : « Tout ce que fait la direction centrale de l’Ugtt nuira gravement à l’Union.»

Du côté des membres du bureau exécutif de l’Ugtt, l’intérêt est plutôt consacré presque exclusivement à la composition du gouvernement Mechichi. Et Samir Cheffi, secrétaire général adjoint de l’Ugtt, fausse un peu compagnie à son patron Taboubi, supporter du gouvernement composé de compétences totalement indépendantes de tous les partis politiques, comme le crie toujours Hichem Mechichi, pour souligner : «Les partis politiques ont le droit de donner leur avis sur la composition du gouvernement qui dirigera le pays».

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