Le prochain gouvernement ne pourra rien faire sans un pacte économique national signé par toutes les parties prenantes, déclare l’économiste Aram Belhadj dans une interview accordée à l’agence TAP, considérant qu’un consensus sur un plan de sauvetage devra être dégagé avec la signature de ce pacte.

Quelle lecture faites-vous des derniers indicateurs économiques et sociaux publiés par l’INS ?

C’est un véritable tsunami économique. La Tunisie n’a pas connu une situation pareille depuis l’indépendance. Une contraction sans précédent de l’activité économique de -21.6% en glissement annuel (-20.4% en glissement trimestriel) est un chiffre qui fait froid dans le dos. Il confirme la fragilité de l’économie tunisienne et la sensibilité des différents secteurs aux chocs. Il lève, en même temps, le voile sur l’impertinence des choix économiques et sociaux d’une classe politique inconsciente de la gravité de la situation et insouciante de l’avenir du pays. Ce qui est redoutable, c’est que ce tsunami économique se transforme en tsunami social. Les résultats de la dernière enquête de l’INS parlent d’eux-mêmes. Le taux de chômage a augmenté à 18%, soit son niveau le plus élevé depuis le quatrième trimestre de 2011. Plus de 58% de la population occupée était en arrêt temporaire de travail durant le confinement. Les pertes d’emploi, qui se sont élevées à 161 mille en moyenne sur le trimestre, ont été très fortes dans les services (-52.7 mille), les industries manufacturières (-51,9 mille) et la construction (-46.8 mille).

34.4% des salariés n’ont pas reçu de rémunération durant le confinement total en avril et seuls 47.8% ont reçu l’intégralité de leur salaire. N’est-ce pas un environnement favorable à une radicalisation de la contestation sociale ? Le redressement de l’économie est-il toujours possible ?

Rien n’est impossible. Mais, en même temps, le redressement ne sera pas chose facile. Il faut de la volonté, de l’audace et de la bonne gouvernance. On ne peut pas parler de redressement dans un climat politique pourri. On ne peut pas non plus parler de redressement dans un environnement administratif très complexe et bureaucratique. On ne peut pas, enfin, parler de redressement dans une ambiance sociale très tendue. Il va sans dire que tout redressement nécessite des préalables politiques, économiques, administratifs et sociaux. Sans ces préalables, rien ne pourra être fait. Gouvernement, Parlement, administration, partenaires sociaux, société civile doivent composer main dans la main pour sauver le soldat Tunisie. Il n’est plus question de mettre les bâtons dans les roues au prochain gouvernement, de favoriser le corporatisme aux dépens de l’intérêt suprême de la nation, de s’enfermer dans le cercle de la routine administrative habituelle ou encore de nourrir les clivages sociaux.

Quelles doivent être donc les priorités du prochain gouvernement ?

Le prochain gouvernement ne pourra rien faire sans un pacte économique national signé par toutes les parties prenantes. Et pour cause, la Tunisie ne pourra plus se permettre une instabilité politique et gouvernementale supplémentaire. Un consensus autour d’un plan de sauvetage devra être dégagé avec la signature de ce pacte. Vient ensuite, la responsabilité stratégique et opérationnelle du gouvernement. Ce dernier devra se concentrer sur quelques priorités : le problème des finances publiques, le sauvetage des entreprises en difficulté et la protection des emplois, l’amélioration du climat des affaires et la lutte contre la corruption. Bien entendu, la mise en place de pactes sectoriels audacieux et l’initiation des réformes structurelles nécessaires sont également, indispensables. Le prochain gouvernement doit comprendre que le temps presse et les marges de manœuvre se rétrécissent et qu’il va donc falloir utiliser toutes les munitions qui sont à sa disposition : monétaire, budgétaire, politique, diplomatique et (même) géostratégique !

Imen Gharb – TAP

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