Kamel Cherni, membre du cabinet ministériel de l’énergie, des mines et de la transition énergétique, à La Presse : «Des compagnies pétrolières menacent d’arrêter leur activité pour force majeure»

Dans le sud du pays, lieu de concentration des sites de production pétrolière, la tension ne cesse de monter. Et pour cause, une interruption de la production causée par des mouvements de protestation interminables. La situation ne cesse de se compliquer alors que certaines compagnies pétrolières ont même menacé de décréter le chômage technique, d’arrêter de payer leurs employés et même de plier bagage. 

Un constat qui a poussé le ministère de l’Énergie, des Mines et de la Transition énergétique à lancer un cri d’alarme concernant l’état de blocage dans lequel se trouve le secteur de production pétrolière, ce qui met à mal l’économie nationale et même l’approvisionnement du pays en gaz naturel.

En effet, à la suite de l’interruption du travail au champ de Nawara provoquée par des mouvements de protestation à El-Kamour, dans le gouvernorat de Tataouine où des dizaines de jeunes poursuivent leur sit-in et bloquent toujours les vannes de pétrole, des sociétés pétrolières opérant dans le sud du pays envisageaient de décréter un chômage technique et d’arrêter de régler les salaires des employés.

Joint par La Presse, Kamel Cherni, membre du cabinet ministériel de l’Energie, des Mines et de la Transition énergétique, a confirmé cette information indiquant, en effet, que «si la situation se poursuit de la sorte, ces compagnies vont bel et bien décréter un plan de chômage technique au vu des grandes pertes accusées, et même arrêter leur activité pour force majeure». «En effet, lourdement impactées par cette crise, ces compagnies menacent d’arrêter définitivement leur activité pour cas de force majeure», a-t-il expliqué.

Pour Kamel Cherni, «ces sociétés ont favorablement répondu aux appels du département pour conserver leur activité pendant la crise du coronavirus en dépit de la baisse de la demande de pétrole, mais à l’issue de ces crises sociales interminables, elles commencent à voir flou, et craignent pour le climat professionnel dans lequel elles s’activent».

C’est dans ce contexte tendu que l’une des compagnies pétrolières concernées a confirmé même que des individus auraient intercepté un convoi lui appartenant et saisi un véhicule et du matériel en signe de protestation contre la détérioration de leurs conditions sociales. Ces compagnies dénoncent, en effet, des mouvements sociaux interminables et même des actes de sabotage dont elles font l’objet de la part de protestataires qui bloquent toujours la production bénéficiant de l’incapacité de l’Etat à mettre fin, d’une manière ou d’une autre, à ces formes de perturbation de la production. Entré en exploitation il y a juste quelques mois, même la production au champ Nawara, qui promettait pourtant une nouvelle ère pour la production nationale de gaz naturel, a été bloquée sur fond de ces perturbations sociales.

El-Kamour, feuilleton interminable !

La crise de la production de pétrole et de gaz trouve son origine dans le dossier El-Kamour. Un blocage qui dure plus de trois ans et auquel les différents gouvernements qui se sont succédé n’ont pu trouver aucune solution. D’un simple mouvement de protestation à un état de blocage permanent et une crise sociale sans précédent, le dossier El-Kamour se complique davantage. Une délégation ministérielle composée du ministre de l’Energie, des Mines et de la Transition énergétique, Mongi Marzouk, et du ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi, Fathi Belhaj, n’était pas parvenue, récemment, à un accord avec les membres de la Coordination du sit-in d’El-Kamour. Cette délégation gouvernementale a proposé des recrutements dans des compagnies pétrolières selon un calendrier qui s’étend sur les années 2021, 2022 et 2023, pour concrétiser l’accord précédemment conclu avec les sit-inneurs. A cet effet, les membres de la coordination d’El-Kamour, avaient exprimé leur déception par rapport à l’offre faite, estimant qu’elle ne répond pas à leurs attentes et aux dispositions de l’accord d’El-Kamour, signé depuis juin 2017. Les manifestants, qui observent un sit-in dans ce gouvernorat réclament, en particulier, l’application de l’accord signé entre la coordination d’El-Kamour et le gouvernement, avec la caution de l’Union générale tunisienne du travail, portant sur le recrutement de 1.500 chômeurs dans les compagnies pétrolières, 500 personnes au sein de la société de l’environnement, de plantation et de jardinage de Tataouine ainsi que le déblocage de 80 millions de dinars annuellement pour l’investissement et l’emploi.

Suspendues durant plusieurs mois, les protestations des jeunes d’El-Kamour ont repris il y a quelques semaines à Tataouine et ne cessent de s’étendre. Malgré de multiples interventions de la part du ministère de l’Energie, le dénouement de la crise est loin d’être atteint, provoquant une perturbation de la production pétrolière.

Il y a trois semaines, le ministère de l’Energie, des Mines et de la Transition énergétique avait mis en garde contre la poursuite du blocage de la production de pétrole et de gaz naturel dans le sud tunisien. Le département précisait que la Tunisie fait face à des difficultés au niveau de l’approvisionnement en gaz naturel au vu du blocage de la production mais aussi en raison de la crise financière. «La Tunisie fait face à des risques de suspension de l’approvisionnement en gaz naturel et en pétrole, ce qui pourrait paralyser la production d’électricité», a-t-on même annoncé.

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