Une implacable partie d’échecs

On peut dire que le coach des «Sang et Or», Mouîne Chaâbani, a de la chance et qu’il partira au Maroc en homme bien conscient de ce qui l’attend, en homme bien averti. Lui, qui a déjà commencé à plancher et à réfléchir profondément sur la meilleure façon d’aborder et de gérer le match aller de la Ligue des champions africaine, et à préparer avec minutie son système de jeu et son plan d’attaque pour son duel et match dans le match avec Faouzi Benzarti, le vendredi 24 mai, a, sans aucun doute, regardé avec forte attention et vif intérêt les deux demi-finales retour en Champions league européenne Liverpool Football Club-FCBarcelone et celle non moins passionnante Ajax-Tottenham et a sûrement été impressionné et fasciné par les deux clubs anglais, incroyables et émouvants, qui ont réussi à surmonter héroïquement le lourd handicap du match aller et à porter au Barça de Lionel Messi et à l’Ajax de Ziyech, De Ligt et De Jong, l’un des plus mauvais coups de leur histoire, dont ils auront grand mal à se relever avant longtemps.
Mais au-delà de cet éblouissement devant le spectacle inouï et sublime qui semblait crever les écrans de télé par son intensité, c’est sur le tas d’enseignements riches apportés par ces deux soirées de football fabuleux, haletant et hallucinant que Mouîne doit se concentrer pour en tirer le meilleur des profits, en vue d’une bonne approche et d’une gestion impeccable des deux matches avec le WAC et d’une deuxième montée consécutive sur le podium africain. Le premier des enseignements à avoir constamment en tête est que le match aller n’est jamais déterminant, encore moins décisif dans une compétition de haut niveau et quelle que soit son issue et qu’après le dernier coup de sifflet de l’arbitre au match retour que le vainqueur sera connu.
On peut emporter par un score plus ou moins large à domicile et se faire renverser quand même dans l’arène de l’adversaire, comme l’a été une Barça humiliée à Anfield. On peut aussi faire plus que l’essentiel en terre adverse et rentrer avec un précieux but d’avance inscrit à l’extérieur, comme l’a fait l’Ajax à Tottenham et se faire piéger chez soi quand même par une équipe visiteuse déchaînée et dans un jour faste, capable de réussir un doublé ou un triplé spectaculaire, comme celui du Brésilien Lucas qui a terrassé l’équipe hollandaise et son staff sur le terrain de la Johan-Cruyff Arena. Mouîne Chaâbani aura donc grand tort d’aller à Casablanca chercher un moindre mal, de penser à limiter uniquement les dégâts et de tabler à cent pour cent sur le seul match retour à Radès pour sonner le glas de ses adversaires, le WAC et Faouzi Benzarti, capables eux aussi, de surprendre et de remonter les handicaps les plus lourds. Le deuxième enseignement majeur à tirer, c’est que dans ce genre de sommets entre grands, le rôle de l’entraîneur est primordial, voire tranchant, et la réussite de la troupe sur le terrain n’est que le fruit de la bonne préparation d’avant-match de l’entraîneur, de sa gestion et de son coaching réussis lors des 90 minutes de jeu. Ainsi, si les tops joueurs de la remontada des Reds face aux Barcelonais ont été le gardien de but Alisson qui a fait des arrêts spectaculaires et stoppé à lui seul le duo Messi-Suarez et Origi et Wijnaldun qui ont inscrit les quatre buts (2 buts chacun), le top des tops a certainement été leur entraîneur Jürgen Klopp, le seul coach jusqu’à ce jour qui a réussi à mettre un terme à la suprématie du Barça en matière de possession de ballon, qui a su pallier l’impalliable absence du trio de poids Salah-Keïta-Firmino et lancer dans le bain deux inconnus, Divock Origi et Georginio Wijnaldum qui ont fait des ravages dans le camp des Barcelonais et de l’entraîneur Valverde, incrédule, qui n’a pas pensé le moins du monde que le danger pourrait surgir des pieds de ce duo énigmatique, sorti par obligation de la liste des remplaçants et de simples figurants sur le banc de Liverpool. Jürgen Klopp a su travailler le mental de ses joueurs pour «les transformer en géants du point de vue de la mentalité» et pour en faire «un super mélange de joueurs exceptionnels qui jouent dur sur le terrain, dans une ambiance magnifique» et qui, selon les déclarations de leur coéquipier Fabinho, «ont joué leur vie sur le terrain, se sont défendus comme des chiens, comme des fous». L’entraîneur argentin de Tottenham, Mauricio Pochettino, n’était pas aussi pour rien dans l’arrivée du club londonien à la finale et la remontada spectaculaire sur l’Ajax. Mouîne Chaâbani, qui jouera deux parties d’échecs plus que deux matches de football avec Faouzi Benzarti, doit avoir cette force de caractère et savoir la communiquer à ses joueurs, en plus de l’art d’innover et de surprendre dans la composition de l’équipe, dans les choix et la stratégie de jeu s’il veut terrasser à son tour le «vieux lion» Faouzi Benzarti qui connaît les plus petits ouvrages de l’EST comme sa poche.

Hédi JENNY

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