les familles des «Harragas» portés disparus en mer en colère : «La vérité, rien que la vérité»

Au départ, l’on comptait 500 familles sinistrées. A ce jour, elles sont plus de 1.000. Elles exigent la révélation de la vérité…

Emue jusqu’aux larmes et avec beaucoup d’amertume, Mounira Ben Chagra, mère d’un migrants disparu en mer depuis 2011, souffre encore dans sa chair. Mort ou vivant, elle ne connaît rien du sort de son enfant qui avait pris, juste après la révolution, le large vers l’’’Eldorado’’, rêvant d’arriver aux côtes de Lampedusa, l’île sentinelle en Italie. Tel fut le cas de milliers de nos jeunes qui ont péri sur l’autel de leurs ambitions pour un avenir meilleur. Perdus à mi-chemin ou détenus dans des camps de rétention au nord de la Méditerranée, aucune nouvelle n’a filtré jusqu’ici. Dix ans ou presque, leurs familles déjà en deuil continuent à prendre leur mal en patience.

Lasse de fausses promesses, Mme Ben Chagra, sexagénaire, se veut, aujourd’hui, porte-voix des familles des disparus et l’émissaire privilégié pour défendre leur cause. En se rendant, à maintes fois, au consulat tunisien à Palerme, elle n’a cessé de faire part des sentiments de souffrance et de dépression que ces mères éprouvent au fil des jours et des mois. Mais, en vain. Silence radio ! Ni la partie tunisienne ni celle italienne n’ont osé dire la vérité, sans donner, non plus, suite à leurs attentes. Pourtant, il y avait eu, à l’époque, une commission chargée d’enquêter sur ce dossier dont Mohamed Trabelsi, alors ministre des Affaires sociales était le président. « Ce monsieur n’avait pas réagi, comme il se doit, à nos appels, il était quasiment aux abonnés absents », rappelle-t-elle lors d’une conférence de presse tenue mardi, au siège du Ftdes à Tunis. Mounira Ben Chagra a bien parlé au nom de toutes les familles des migrants disparus, annonçant qu’une nouvelle Coordination regroupant trois associations coalisées vient de voir le jour. Son message semble aussi significatif, augurant un nouvel élan de solidarité et d’enquête sur le sort de leurs enfants. «Finies les tergiversations et les manœuvres dilatoires, la coupe est pleine. Nous ne demandons que la vérité», rétorque-t-elle, soutenue par les mères qui l’entourent. Soit pas moins de mille familles endeuillées, vivant, aujourd’hui, dans la douleur suite à la perte de leurs chers. Quand verront-elles le bout du tunnel ?

Lueur d’espoir !

Avec la nouvelle architecture ministérielle, Ben Chagra se dit optimiste : « Le fait de voir le secrétariat de la migration rattachée au ministère des Affaires étrangères, cela est en soi une lueur d’espoir », s’exprime-t-elle, la voix brisée. Elle a sollicité le nouveau chef de la diplomatie tunisienne, Othmane Jarandi, pour qu’il leur prête une oreille attentive, vu qu’il a une idée plus claire sur ce dossier  depuis qu’il était au gouvernement. Elle a également fait appel au Président de la République pour intervenir en urgence. « Leur souffrance n’a que trop duré, sans que personne ne lève le petit doigt», renchérit Abderrahmane Hedhili, président du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes), porte-voix des familles sinistrées. Pour la petite histoire : «C’était, en 2011, qu’on avait décidé d’être aux côtés de ces familles jusqu’à ce que leur demande, l’unique, soit satisfaite. Mais, aucun gouvernement n’a pris son courage à deux mains pour en venir à bout et dire la vérité telle qu’elle est», témoigne-t-il.

Au départ, déplore-t-il, l’on comptait 500 familles sinistrées. A ce jour, on parle de plus de 1.000 au total. M. Hedhili a fini par lancer trois revendications à satisfaire : Droit à la vérité pour connaître le sort des disparus, l’emploi du moins pour un membre des familles sinistrées et leur prise en charge sociale et psychologique. L’Etat tunisien n’aura qu’à assumer sa responsabilité.

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