«Ce qui nous a surpris, c’est que le système d’évaluation des compétences établi par le Conseil supérieur de la magistrature n’a pas été pris en considération lors du mouvement», dénonce le président de l’Association des magistrats tunisiens, le juge Anes Hemaidi.

Qualifié de défaillant sur tous les plans, ce mouvement opéré dans le rang des magistrats judiciaires, déjà accusé de retard au niveau de sa promulgation au Jort, n’a pas été à la hauteur des attentes des robes noires.

L’Association des magistrats tunisiens (Amt) a entamé sa nouvelle année judiciaire 2020-2021 par la tenue, à son siège au Palais de Justice de Tunis, d’une conférence de presse, pour  faire la lumière sur le dernier mouvement opéré dans le corps judiciaire qui a marqué cette rentrée si exceptionnelle. Des mutations et les promotions sujettes à de virulentes critiques.

Entrant dans les détails, le président de l’ATM, le juge Anes Hemaidi, a pointé du doigt le Conseil de l’ordre judiciaire, relevant du Conseil supérieur de la magistrature (Csm), pour avoir failli à ses choix de réforme et aux critères de compétence et d’intégrité adoptés dans la prise de décision relative au mouvement proclamé le 12 du mois écoulé. Qualifié de défaillant sur tous les plans, ce mouvement opéré dans le rang des magistrats judiciaires, déjà accusé de retard au niveau de sa promulgation au Jort, n’a pas été à la hauteur des attentes des robes noires. M. Hemaidi a énuméré plusieurs  failles et lacunes touchant des mutations-sanctions et des promotions non méritées.

Sur le plan procédural, l’annonce de la liste du mouvement fut alors précédée d’indiscrétions, ce qui est contraire à la loi régissant le Conseil de l’ordre judiciaire.

Volet contenu,  d’autres violations ont été aussi remarquées : vacance de postes non déclarée et pourvoi à des postes vacants sans préavis et loin d’être conformes aux critères d’évaluation des carrières. « 50 postes vacants n’ont pas été publiquement annoncés et des nominations décidées dans des chambres fermées, sans recourir au principe de transparence et de la concurrence loyale entre les magistrats », déplore-t-il.

Le système d’évaluation fait défaut

Le président de l’Amt a accusé le Conseil de l’ordre judiciaire d’avoir porté préjudice au processus de la justice transitionnelle. Car 32% des chambres spécialisées en justice transitionnelle ont été vidées de leurs compétences judiciaires.  Une telle politique est méthodique, juge-t-il. Même sort pour les chambres pénales, tel le cas du Tribunal de première instance de Mahdia. Pis encore, la majorité des mutations décidées pour nécessité de service  n’ont pas respecté le principe de l’article 107 de la Constitution stipulant que le magistrat ne peut être muté sans son accord.  Et de poursuivre que 47 mutations proposées n’ont rien à voir avec la nécessité de service. Il s’agit de mutations-sanctions dictées par des mesures disciplinaires. « Ce qui nous a surpris, c’est que le système d’évaluation des compétences établi par le Conseil supérieur de la magistrature  n’a pas été pris en considération lors de l’élaboration du mouvement. Il fait défaut », dénonce Hemaidi. Bien que leurs notes d’évaluation soient  jugées négatives, certains magistrats ont été promus ou confirmés dans leurs postes. « L’exemple du procureur général près la Cour d’appel de Nabeul étant la preuve de l’interventionnisme et de l’abus de pouvoir dans pas mal d’affaires », accuse-t-il. 

Toutefois, ces défaillances révélées ne peuvent, en aucun cas, mettre en cause le mandat du Csm, arrivé aujourd’hui à son mi-parcours. Le président de l’Amt a fait valoir le rôle de cette institution judiciaire, sans douter de son indépendance. Et d’ajouter, « le Csm demeure toujours un acquis autant pour les magistrats que pour la profession. C’est aussi un des piliers de la démocratie ». Du reste, la réforme judiciaire est de mise.

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