Portrait—Dorra Mahjoubi, artiste plasticienne et plus encore : Elle trace ses propres pas…

Actuellement, elle continue à explorer ce rapport femme/terre
qui lui tient à cœur et auquel elle veut donner de nouveaux chemins esthétiques.

Dorra Mahjoubi fait partie de la génération émergente d’artistes visuels tunisiens. Elle prône une pratique multiple, libre et affranchie des frontières entre les arts, les différentes techniques et autre médiums. «Il n’ y a pas de limites dans l’expression artistique», nous dit elle, et cela, elle le manifeste en étant plasticienne, performeuse, poétesse… en posant, aussi et très souvent, sa prose sur son œuvre picturale.

La jeune femme vient d’être retenue, récemment, parmi les 17 jeunes artistes africains, pour le prix EPI des peintres émergents proposé par «l’Emerging africain art galleries association» (l’Association des galeries d’art africaines émergentes (Eaaga)). Portrait.

D’origine kéfoise, Dorra est née en 1990, à Tunis. Petite déjà, elle s’intéressait aux couleurs et au verbe. Bercée par des histoires mythologiques et autres légendes racontées par son père, elle est attirée, très tôt, par la poésie et signe ses premiers vers.

Sa formation académique s’oriente, d’abord vers le droit social où elle se spécialise au sein de l’Institut national du travail et des études sociales. Mais elle ne tardera pas à revenir à ses premières amours et intègre, en 2013, l’Institut supérieur des Beaux-Arts de Tunis (Isbat) où elle décroche une licence en peinture. En parallèle, et jusqu’en 2016, elle développe sa technique au sein de l’atelier du dessinateur Habib Bouhawel.

Elle s’installe, ensuite, à Montpellier et fréquente l’Université Paul-Valéry où elle commence ses recherches universitaires avec un master en histoire de l’art contemporain.

Dans ces recherches, elle aborde, en premier temps, l’œuvre de Lee Krasner, épouse de Jackson Pollock dont l’œuvre, écrasée par la domination masculine, a été oubliée dans le mouvement américain de l’expressionnisme abstrait. Son intérêt se porte, par la suite, sur des questions plus actuelles et politiques liées au projet de musée d’art moderne et contemporain à la Cité de la culture.

Sa pratique artistique, en France, s’oriente, d’abord, vers l’art de la performance qu’elle découvre de plus en plus grâce à ses études en histoire de l’art contemporain. Ses soucis esthétiques évoluent, par la suite, et la jeune artiste commence à s’ouvrir à d’autres «Faires».

Elle expose en groupe à différentes occasions en France et en Tunisie, peaufine son art et ses connaissances, et signe en juin 2018, sa première exposition personnelle «Longueur d’un pas» à la galerie parisienne La La Lande.

Elle y aborde, à travers une œuvre conceptuelle qui allie peinture et vidéo, l’immigration à travers la question du mouvement du corps dans l’espace. L’acte de marcher prend ainsi différentes significations et autres symboliques, nous explique-t-elle et de noter: «Les pas sont imprégnés de souvenirs, ils sont liés à la terre».

Son deuxième projet personnel, qu’elle continue à développer lui donnant d’autres devenirs, s’intitule «Madame Salammbô». Loin de faire dans le manifeste féministe, «il s’agit d’un récit personnel de mon Moi multiple», comme elle l’affirme : «C’est mon histoire à moi en tant que femme, de ce féminin multiple qui donne la vie, éduque des générations et construit des sociétés», note-t-elle encore.
Pour ce travail, l’artiste a exploité des portraits de femmes maghrébines rencontrées çà et là qu’elle a transférés sur papier pour y mêler peinture et différentes techniques.

Cette réalité multiple fait écho à la multitude des matières qu’elle utilise. «Je ne fais pas dans le propos politico-féministe, la femme est pour moi un prétexte pour évoquer l’origine des choses», souligne-t-elle.

La femme est pour elle ces terres ancestrales, elle symbolise notre rapport à la nature. Un propos qu’elle a développé aussi à travers son installation, dont le titre correspond au proverbe «El Aïn ma yemlaha ella eddoud wel trab», qui signifie que l’œil ne peut atteindre sa plénitude qu’une fois dans la tombe. Picturalement, cela a pris la forme de globes oculaires sculptés dans un mélange de terre «maghrébine et européenne» portant l’inscription «Watan» (Patrie).

La jeune artiste poursuit sa marche, et pas à pas, elle dessine de nouveaux projets. Actuellement, elle continue à explorer ce rapport femme/terre qui lui tient à cœur et auquel elle veut donner de nouveaux chemins esthétiques. Elle prépare un nouveau projet plastique et poétique en compagnie de deux amis artistes. Bonne continuation !

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