C’est un secret de Polichinelle : les entreprises publiques vivent  en ce moment une période de décadence : déficits et pertes cumulés, perte de marchés à l’international due à la rupture de la chaîne de production ( le phosphate et le pétrole), rentrée de devises en baisse, tensions sociales et diminution notable de la productivité. Pour des sociétés « protégées » par l’Etat, et qui offrent des services non marchands en grande partie (prix non du marché mais fixes et compensés par l’Etat), mais aussi des prix compétitifs, le malaise est général. On assiste de plus en plus à l’effondrement dangereux et irrévocable de ces fleurons du secteur public qui faisaient le printemps du budget de l’Etat à une certaine période. Une entreprise publique, ce n’est pas forcément une société perdante et qui paye une masse salariale élevée (et injustifiée par rapport au travail et à la productivité offerts), mais elle peut (doit) être une entité rentable et compétitive à l’échelle internationale (pour les secteurs exportateurs). Ce n’est pas le cas aujoud’hui malheureusement avec des indicateurs d’équilibre financier qui se dégradent à vue d’œil et un cercle vicieux de fait : manque de productivité et arrêt de travail, revenus en baisse, charges incontrôlables, pertes, refinancement par l’Etat et perte de compétitivité. Jusqu’à quand l’Etat pourra-t-il supporter ce fardeau ? Jusqu’à quand le contribuable, déjà fragilisé par son pouvoir d’achat dégraissé, doit-il combler le trou des enterprises publiques au détriment des dépenses d’investissement et de développement et au détriment d’autres secteurs et opérateurs beaucoup plus compétitifs mais nettement moins « protégés » ? Là, on dépasse le cadre purement économique pour rentrer en pleine politique (les deux sont indissociables). Au nom d’une fausse interprétation du fondement du secteur public, on pousse de grandes sociétés vers le crash avec des charges qui dégénèrent et des revenus qui diminuent. Et chaque fois que l’on va réformer et arrêter le naufrage, cela reste dans les bureaux, faute de courage, de résistance et de bonne gouvernance. C’est que les projets de réforme des entreprises publiques, pour plus d’efficience économique et d’équilibre (pour préserver les emplois et permettre des flux d’encaissement de devises), ont été sabotés ou sont restés sur le papier. En même temps, la crise dure, et les opérateurs monétaires internationaux (véritables maîtres de la finance publique tunisienne) exercent davantage de pression pour des plans sociaux et d’assainissement qui ne plaisent pas aux syndicats. Pour casser ce cercle vicieux, c’est au gouvernement et aux politiques d’assumer leurs responsabilités sur ce dossier miné. Les technocrates ont beau inventer les plans les plus pertinents, c’est le décideur politique qui va appliquer et créer une sorte d’adhésion autour de ces plans. Sur le terrain, on n’est pas encore conscient des dérapages et des défaillances des entreprises publiques étant donné que les salaires sont versés. Et on ne sait pas qu’à mesure que l’on s’endette pour payer des salaires et éponger les dettes, sans qu’il y ait amélioration des revenus et des flux de production et de ventes, on va vers la faillite. Un jour le budget de l’Etat ne sera pas capable d’aider ces sociétés, un jour il sera urgent de licencier, un jour, on sera dépassé sur les marchés internationaux(déjà fait pour le phosphate) et on sera obligé de brader ces sociétés. On a donc besoin d’action politique et de responsables avisés et capables de reprendre en main ces entreprises à la dérive en imposant la rigueur qu’il faut au terme d’une vision claire mais participative. Et gare surtout à la diabolisation du secteur privé ; il sera obligatoire pour certains cas d’introduire dans la structure du capital des sociétés publiques un opérateur privé pour une meilleure gouvernance. Il faut juste avoir le courage et l’intelligence de le faire pour l’intérêt justement de ces entreprises publiques qui souffrent le martyre.

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