De la liberté d’expression  

Il est un phénomène, un mal ou, pour dire les choses clairement, un fléau que l’on peut qualifier de véritable pandémie se propageant, de jour en jour, à un rythme infernal et impossible à cerner ou au moins à contenir et gangrenant dangereusement le paysage médiatique national et par ricochet la scène politique et aussi partisane, voire le tissu associatif. Il s’agit, en effet, de cette nouvelle race de chroniqueurs TV et radio ayant la science infuse et s’arrogeant exclusivement le droit de donner des leçons de patriotisme, de militantisme et de définition de la voie à suivre en matière de consécration de la jeune expérience démocratique, en général, et en particulier de l’éradication de la corruption et de la dépravation, sport national n° 1 que tous les révolutionnaires, notamment post-révolution, se sont octroyé la mission d’assumer.

Et ces chroniqueurs ont réussi, malheureusement il faut bien avoir le courage de l’avouer, dans peut-être l’objectif de pouvoir ou de vouloir y remédier, à investir les plateaux TV et radio à travers des talk-shows plus suivis par les téléspectateurs et auditeurs au point qu’ils sont perçus aujourd’hui par beaucoup de Tunisiens comme les redresseurs des torts commis quotidiennement par les politiciens de tous bords.

Ils sont parvenus également, grâce à la complicité déclarée ou déguisée de certains animateurs obligés ou auto-obligés de courir derrière le fameux buzz, à imposer leur style, leur approche d’analyse et notamment leur volonté de berner et d’induire en erreur la grande masse des Tunisiens qui suivent leurs émissions et croient avoir déniché en «redresseurs de conscience et révélateurs des vérités cachées» les véritables éclaireurs qui viennent supplanter ces «véreux politiciens» qui ont perdu toute crédibilité et confiance auprès des citoyens.

Que faut-il faire pour faire face, avec l’espoir d’en atténuer les désastres, à cette nouvelle «pandémie» et sauver ou, à la limité, préserver les paysages médiatique, politique et civil des retombées graves à même de faire pourrir encore la situation dans une crise de plus en plus inquiétante ?

La question est à poser avec tout le sérieux qu’elle mérite.

Y répondre commande l’instauration d’un débat national auquel participeront toutes les forces éprises de liberté et de démocratie et aussi — il faut y insister — ces chroniqueurs ainsi que ceux qui les recrutent dans l’objectif de dégager, ensemble, et dans une atmosphère libre et responsable, une solution consensuelle qui aura le mérite de préserver l’expérience démocratique nationale contre le danger de péricliter et de sauver l’acquis principal de la révolution, à savoir la liberté d’expression, contre ceux qui, par ignorance ou par obéissance à des agendas louches, risquent de les souiller.      

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