L’émigration irrégulière : un fléau qui ne cesse d’interpeller les responsables afin de trouver une solution efficiente, apte à absorber la masse de jeunes qui ne sont plus que des trompe-la mort, s’illusionnant sur la vie d’ailleurs et se jetant à l’eau. Il est évident qu’un air de folie et de désespoir a soufflé, emportant des jeunes qui ne savent plus quoi faire de leur vie, à tel point que le large et la clandestinité leur paraissent plus cléments que les conditions dans lesquelles ils vivent.

Ces dernières années, la Tunisie est de plus en plus touchée par ce mal endémique, en l’absence de perspectives socioéconomiques dans le pays, face aussi au chômage qui détruit les aspects fondamentaux de la vie chez les jeunes, au-delà de son coût économique, de la pauvreté et de la marginalisation.

Le nombre de migrants augmente de jour en jour et la fièvre du départ devient contagieuse. Même les mineurs et les femmes ne sont plus épargnés, poussés en cela par les mirages d’un Eldorado vendu, vite évaporé, une fois arrivés à destination pour peu qu’ils ne finissent pas, de manière tragique, au fond de l’océan.

C’est une problématique complexe qui prend une dimension importante et sur laquelle il faut se pencher sérieusement pour arrêter l’hémorragie. Le pays ne peut rester insensible à cette détresse dès lors qu’aujourd’hui, des mineurs non accompagnés se lancent dans l’aventure et fuient leur famille, leur pays et leur culture pour aller vers l’inconnu, pourvu qu’ils «vivent».  Mais les solutions de replâtrage ne suffisent pas.

L’approche sécuritaire et répressive est de mise certes, mais il est recommandé que l’Etat s’acquitte de ses devoirs et se munisse d’un nouveau modèle de développement où les jeunes seront impliqués dans le circuit de développement économique et social du pays.

Par ailleurs, la pandémie de coronavirus est venue encore plus anéantir les projets de développement, selon Khaled Tababi, sociologue tunisien. «Beaucoup d’emplois ont tout bonnement disparu, particulièrement dans le secteur du tourisme qui pesait très lourd».

Le constat n’est pas plus réjouissant. Les départs de migrants tunisiens à destination de l’Europe ont quadruplé sur les cinq premiers mois de 2020, comparativement à 2019, selon les données du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU.

Depuis le début de l’année, la petite île italienne de Lampedusa a vu arriver trois fois plus de migrants que l’an dernier à la même période. Parmi eux, on compte de nombreux Tunisiens dont l’exode s’est accentué avec la crise économique, sociale et politique que traverse le pays depuis la fin du confinement imposé pour lutter contre le coronavirus.

L’unique centre de Lampedusa est au bord de l’implosion avec 760 migrants hébergés pour une capacité totale de 95 places. Cette saturation s’explique par une hausse des arrivées observée depuis le début de l’année.

L’exode des Tunisiens existe depuis de nombreuses années mais les experts ont observé un changement de population à bord des embarcations de fortune. Désormais, des familles entières montent dans des canots à la recherche d’une vie meilleure en Europe. «On voit de plus en plus de grands-parents, d’enfants en bas âge dans les bateaux. Avant, c’était surtout les jeunes qui quittaient le pays».

En cause, la crise économique, politique et sociale qui touche le pays et qui s’est accentuée avec la crise sanitaire. «Les gens n’ont pas de travail et plus d’espoir. De plus, ils souffrent aussi du manque d’accès à la santé et à l’éducation. Les plus précaires n’arrivent pas à se faire soigner en Tunisie», déplore un membre du Fdtes qui remarque également une fuite des cerveaux». «Les plus pauvres prennent la mer de manière illégale, et les diplômés partent exercer en Europe avec des visas de travail».

De multiples raisons poussent les jeunes et les moins jeunes à partir moyennant ces embarcations de la mort. Raisons liées à la répartition des richesses et des ressources.

Lors de sa visite au mois d’août dernier aux gouvernorats de Sfax et Mahdia, le Président de la République, Kaïs Saïed, n’a pas manqué de rappeler que suite aux  discussions de la Tunisie avec les responsables européens et particulièrement italiens portant sur la question de l’émigration clandestine, «l’approche est  claire. Plutôt que d’investir davantage pour éradiquer ce fléau, en renforçant les moyens matériels et humains des forces côtières, il faudra penser d’abord et surtout à éliminer les causes originelles qui poussent ces candidats à se jeter à la mer bravant la mort».

En d’ajouter que  la question se pose d’abord localement. «Avons-nous réussi à résoudre les problèmes économiques et de développement des Tunisiens ? Il faut bien reconnaître que la réponse est non. Ici, en Tunisie, nous n’avons pas été à même de résoudre ces problèmes qui touchent à la vie de nos concitoyens».

L’autre problème est le chômage endémique en Tunisie. Comment fournir aux Tunisiens un emploi qui leur permette de vivre dignement. Résultat : la jeunesse tunisienne se considère à juste titre comme une victime. Victime de la pauvreté.

Cela étant dit, l’approche sécuritaire n’est pas la meilleure qui soit ni suffisante pour éradiquer ce phénomène des migrants illégaux. En effet, le Ftdes  regrette que la seule réponse apportée par les autorités se fasse sur le terrain sécuritaire et non sur celui du développement. «Rien n’est fait pour leur apporter de solutions à part la lutte contre l’émigration illégale».

Il faut bien reconnaître qu’en Tunisie nous n’avons pas réussi à résoudre les problèmes économiques et de développement, rappelant que la grande vague migratoire a eu lieu après le 14 janvier 2011. En quelques jours, plus de 25.000 personnes ont émigré en Italie.

Concernant le dossier de l’émigration clandestine, l’Italie n’a pas encore versé les fonds promis au titre de la période 2020-2022 (environ 30 millions d’euros), et ce, pour appuyer la Tunisie dans sa lutte contre l’émigration illégale.

Sachant que, jusqu’au au 3 septembre 2020, les arrivées des migrants illégaux ont atteint 7.895 Tunisiens (nombre le plus élevé depuis 2018-2019). Ce qui représente 40% des nationalités déclarées, selon les données fournies par le ministère de l’Intérieur italien. Ces chiffres sont loin des pics enregistrés entre 2015 et 2016. Qui étaient entre 150.000 et 200.000 débarquements.

Pour ce qui est des accords de rapatriement, ils sont en cours de ratification entre l’Italie et la Tunisie.

L’Etat a exprimé, de ce fait, sa détermination à mettre un terme à ce phénomène, rappelant, dans ce sens, que les visites que le Chef de l’Etat a effectuées aux ports de Sfax et de Mahdia ont contribué à freiner les flux migratoires vers les côtes italiennes.

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